samedi 29 septembre 2007

"Les chaussettes" opus 124


Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre-Caumartin/Auber

Ecrite et mise en scène par Daniel Colas
Avec Michel Galabru et Gérard Desarthe

Ma note : 7/10

L'histoire : : Deux acteurs répètent un numéro de clowns. De caractère très différents, les deux hommes ne cessent de chamailler. C'est une histoire de chaussettes trouées qui va mettre le feu aux poudres...

Mon avis : Pour défendre un titre aussi sibyllin, pour ne pas que le bas blesse, il fallait nécessairement que les deux comédiens en présence fassent la paire. Et bien c'est le cas, car on peut affirmer que grâce à Gérard Desarthe et Michel Galabru, on prend notre pied.
C'est le décor minimaliste des coulisses d'un théâtre qui accueille nos deux compères. Une caisse en bois, une énorme malle, une table, deux chaises, un escabeau... rien de plus anonyme et banal. Avec, en prime, un éclairage quelque peu succinct. Enfin, il faut bien avoir un endroit pour répéter. Surtout pour répéter une pièce assez improbable qui mélange des genres aussi disparates que la musique classique et le spectacle de clown. Si l'un, l'auteur et metteur en scène (Desarthe) semble convaincu du bien-fondé de ses trouvailles artistiques, son partenaire, vieux comédien sur le retour (Galabru)ne cesse de donner des avis contraires. Comme il le fait d'une façon fielleuse, il faut une sacrée dose de tolérance et de diplomatie pour ne pas l'envoyer promener. Le problème - et on s'en aperçoit petit à petit - c'est qu'ils ont vraiment besoin l'un de l'autre pour exister.
Ce sont donc deux caractères qui s'opposent. Le personnage joué par Galabru passe sans transition de la bonhomie pateline du début à un comportement bougon, agressif. C'est un cabot vaniteux, un champion de la mauvaise foi... Desarthe, limite psychorigide, se fait violence pour essayer de se montrer arrangeant.
Au-delà de la pièce qu'ils s'évertuent tant bien que mal à monter, ce sont deux solitudes qui s'affrontent. Ils parlent de tout et de rien, du mauvais temps qu'il fait dehors, des fêtes de Noël qui se préparent, de la religion, de leur famille... Ils ne sont surtout jamais d'accord. Leurs divergences enflent en une joute verbale systématique. Même la manière de faire la vaisselle est pour eux un sujet de discorde ! Et quand, en plus, il faut s'affubler d'un nez rouge et d'un costume de clown absolument grotesque, la coupe déborde...
Cette pièce, tout à fait délectable, repose sur la prestation d'un superbe binôme ; un face-à-face entre un "réac borné" (Galabru) et un "janséniste" (Desarthe), ainsi qu'ils se qualifient l'un et l'autre au cours d'une de leurs nombreuses joutes verbales. Servie par des dialogues réellement fins, l'opposition des styles, entre truculence et introversion, est vraiment réussie. Ajoutez à cela une utilisation habile du comique de répétition, une pincée de burlesque, des costumes indescriptibles et une mise en scène ingénieuse, et vous obtenez une pièce d'une excellente facture.
Pourtant, derrière l'affrontement, les choses sont beaucoup moins simplistes qu'il n'y paraît. Peu à peu apparaissent en filigrane des sentiments partagés qui font que les deux protagonistes de l'histoire vont se sentir intimement liés et solidaires dans la réalisation de leur improbable projet. En fait, la priorité n'est plus que leur pièce soit prise par un directeur de théâtre, ce dont ils ont besoin c'est de ces retrouvailles quotidiennes, de ces échanges, même s'ils sont parfois tumultueux. Chacun devient la béquille de l'autre pour avancer et se sentir utile. Ils vibrent, sans oser l'esprimer, d'une vorace quête d'amour ; car il y a cette foutue pudeur qui les gêne aux entournures... Dans Les Chaussettes, il y a donc deux niveaux de lecture. Il y a ce que l'on voit et ce qui se formule, mais il faut se montrer très attentif et réceptif à tout ce qui ne se dit pas. Honnêtement, c'est psychologiquement très finaud.
Galabru est énorme de présence et Desarthe est un partenaire idéal. Portées par leur remarquable numéro de duettistes, Les Chaussettes méritent d'être jouées à de nombreuses... reprises.

mercredi 26 septembre 2007

Un secret


Un film de Claude Miller
Avec Cécile de France (Tania), Patrick Bruel (Maxime), Ludivine Sagnier (Hannah), Julie Depardieu (Louise), Mathieu Amalric (François à 37 ans), Nathalie Boutefeu (Esther), Yves Verhoven (Georges)...
Sortie : 3 octobre 2007

Ma note : 5/10

L'histoire : L'exploration d'un lourd secret de famille et l'histoire d'une passion, à travers le voyage intérieur de François, un enfant solitaire qui s'invente un frère et imagine le passé de ses parents. Le jour de ses 15 ans, une amie de la famille révèle au jeune François une vérité bouleversante, mais qui lui permet enfin de se construire...

Mon avis : C'est là véritablement un beau film, fort d'une brochette de comédiens inspirés. Comme il est construit avec de nombreux retours en arrière et de bons en avant, Claude Miller nous permet de suivre la chronologie des faits grâce à un procédé habile. Je schématise, car ce n'est tout de même pas aussi simple que cela : la couleur pour les années 50, le noir et blanc pour pour les années 80. Mais comme il y a d'autres périodes évoquées - la guerre 39-40 ou les années 60 par exemple - il vaut mieux suivre.
Nul n'est besoin d'avoir lu le livre de Philippe Grimbert pour deviner assez rapidement une grande partie du secret que tait cette famille. La vie de ses parents et de ceux qui les entoure, est passée au filtre de la pensée d'un gamin solitaire, souffreteux, rêveur, qui se réfugie dans un monde imaginaire dans lequel il s'est inventé un frère aîné...
En fait, ce film oscille sans cesse entre deux sentiments (c'est du moins ce que j'ai ressenti) : l'intérêt et l'ennui.
L'ennui, parce qu'il y a des longueurs. le rythme du film est volontairement lent, essaimé d'images répétitives, obsédantes (les plongeons de la mère...). Il y a en définitive peu de dialogues, donc beaucoup de silences ; l'essentiel se joue sur de longs regards échangés. Et là, il faut des comédiens véritablement expressifs pour faire passer les sentiments. Ce qui est d'ailleurs le cas.
L'intérêt, parce que ce film aborde une multitude de thèmes et particuliers et d'ordre général. Parce que l'on nous montre en parallèle les dégâts causé dune part par la guerre, et d'autyre part par la passion amoureuse. Parce que, avec un sujet mille fois traité au cinéma, Claude Miller, fait joliment vibrer les cordes de la sensibilité et de la pudeur sans jamais tomber dans le pathos. Parce que les costumes et la photo sont particulièrement soignés. Parce que, aussi, ses comédiens sont véritablement en phase avec leur personnage. Tout est dans la retenue. C'est de la dentelle. Bruel est d'une sobriété remarquable. Cécile de France absolument lumineuse. Mais j'éprouve une certaine tendresse pour Julie Depardieu qui, de film en film, joue toujours aussi juste.

L'ennemi intime


Un film de Florent-Emilio Siri
Avec Benoît Magimel (Terrien), Albert Dupontel (Dougnac), Aurélien Recoing (Vesoul), Marc Barbé (Berthaut), Eric Savin (le sergent tortionnaire), Fellag (le prisonnier)...
Sortie : 3 octobre 2007

Ma note : 7/10

L'histoire : Algérie, 1959. Les opérations militaires s'intensifient. Dans les hautes montagnes kabyles, Terrien, un lieutenant idéaliste, prend le commandement d'une section de l'armée française. Il y rencontre le sergent Dougnac, un militaire désabusé. Leurs différences et la dure réalité du terrain vont vite mettre les deux hommes à l'épreuve. Perdus dans une guerre qui ne dit pas son nom, ils vont découvrir qu'ils n'ont pas de pire ennemi qu'eux-mêmes...

Mon avis : Difficile de quittter son siège dès le générique de fin de ce film tant on se sent désemparé. Je ne sais pas si L'ennemi intime sera un grand succès populaire. J'en doute car son sujet est grave et son traitement impitoyable. En dépit de la présence charismatique de Benoît Magimel, je ne suis pas sûr non plus que le public féminin ait envie de vivre un tel film. En revanche, la génération de ceux qui ont entre 60 et 70 ans aujourd'hui ne peut qu'adhérer. D'autres hommes et jeunes hommes, quel que soit leur âge, seront attirés par cet accident du destin que peut représenter une guerre. Quiconque a un minimum de sentiment, se sent concerné et se projette inévitablement dans la peau de ces jeunes gens, acteurs dépassés par un conflit qui ne leur appartient pas. C'est ce que j'appelle "le syndrome Lacombe Lucien" : comment se serait-on comporté soi-même dans la même situation ?
Ce film est volontairement dur, austère, sans fioritures. La photographie est crue, à la limite de la surexposition. L'utilisation systématique de très gros plans en renforce encore la brutalité. Les paysages sont arides, lunaires, sauvages, écrasés de soleil. Il n'y "pousse" pratiquement que des cailloux et des rochers. Les images sont tellement réalistes que l'on ressent la chaleur accablante et que la poussière est palpable. Les sons, les souffles, les voix, sont étouffés. L'atmosphère est oppressante, le danger rôde en permanence...
Maintenant que ce décor âpre est planté, faisons connaissance avec les êtres humains qui vont y évoluer.
L'ennemi intime est un film sans femmes. On y découvre dès le début l'ambiance "virile" des postes avancés. Deux hommes vont se détacher du lot pour symboliser deux des profils les plus rencontrés dans une telle situation. Le sergent Dougnac (Dupontel) est un vieux briscard, rompu au terrain et passablement désabusé. Il est aux antipodes de Terrien (Magimel), jeune lieutenant frais émoulu qui débarque là avec, dans son paquetage, toutes ses illusions, ses valeurs et ses scrupules.
Il ne faut pas raconter ce film qui n'est construit que de ruptures. On y est sans cesse confronté à la violence brute, aveugle. On passe sans transition des nuits de beuverie destinées à s'étourdir, à l'angoisse des missions sur le terrain. Et toujours ces gros plans, pénibles, où l'on peut lire la peur, la souffrance, la détresse, l'horreur. La mort est omniprésente. Et puis il y a ces scènes de torture, insoutenables, mais tellement nécessaires pour montrer la cruauté de l'homme. Pour la comprendre aussi sans pour autant l'excuser. C'est l'éternel et insoluble débat entre la guerre propre et l'usage de la torture ; c'est le sempiternel cas de conscience : "On ne peut pas répondre à la barbarie par la barbarie"...
Le film ne donne aucune réponse, sinon qu'il contribue à continuer à lever le voile sur ce que fut la guerre d'Algérie. Il nous livre les faits, les conditions, d'une façon quasi documentaire, journalistique. A nous de nous faire notre propre opinion. Et tant mieux si non a eu la chance de ne pas être amené à vivre un tel cataclysme moral et physique.
Les acteurs sont admirables. Dupontel est véritablement impressionnant. Quant à Magimel, il nous laisse pantois tant son jeu est réaliste. Il nous livre une composition d'une force incroyable, digne de ces personnages que l'on croise par exemple dans Voyage au bout de l'enfer. On suit le cheminement de ses pensées,on est témoin passif de son évolution. Grand, très grand comédien.
C'est dur, très dur, mais ce genre de film est absolument indispensable pour dénoncer de telles atrocités. On ne peut que se dire qu'il avait bien raison ce bon Jacques Prévert avec son assertion : "Quelle connerie la guerre" !

L'Empiafée


Palais des Glaces
37, rue du Faubourg du Temple
75010 Paris
Tel : 01 42 02 05 25
Métro : République/Goncourt

Ecrit et mis en scène par Rémy Caccia
Avec Christelle Chollet et Jean-Louis Beydon

Ma note : 9/10

Coming out : J'ai craqué ! Je l'avoue, j'ai replongé... Je n'ai même pas pu attendre ; dès le soir de la première de la reprise de L'Empiafée, il a fallu que j'en reprenne une dose. Tout l'été sans elle, j'étais en manque. C'est terrible comme on peut devenir accro et dépendant. On est vraiment peu de chose... Mais ce qui m'a en partie rassuré, ça a été de voir que nous étions nombreux à partager cette addiction. Et personne n'en avait honte, au contraire. Tout le monde affichait un sourire complice. Quel bonheur que de partager ces retrouvailles sachant par avance que l'on va passer près de deux heures à refaire un bon plein d'énergie et de bonne humeur grâce à un spectacle total, fou, inventif, trépidant, avec une qualité vocale et musicale qui vous transportent littéralement.
Il ne faut pas voir dans ce débordement de lyrisme, une quelconque complaisance, une éventuelle connivence. J'essaie seulement de traduire par de pauvres mots les sensations que j'ai vécues hier soir... pour la cinquième fois. J'aime le spectacle vivant, je suis féru de (bonne) musique et de (bonne) chanson et, surtout, je suis un mendiant de l'humour. Or, dans ce show, tous ces ingrédients sont réunis ; avec le charme en plus. Le charme léger et virevoltant de Christelle Chollet, une artiste complète, dont la folle énergie est inversement proportionnelle à son gabarit. On se demande même comment une telle puissance vocale peut sortir d'un corps aussi gracile. Elle est impeccable dans tous les registres, rigolote, émouvante, coquine, et d'une incroyable générosité. Une somme de qualités que l'on pourrait définir ainsi :
Espiègle
Magistrale
Polissonne
Irresistible
Attachante
Frapadingue
Epoustouflante
Exaltante
Qu'ajouter à cela ? Les longs discours ne servent à rien puisque tout réside dans le ressenti. Je suis devenu "Empiaphile", fier de l'être et très désireux de le faire savoir. Il est tellement rare qu'un seul spectacle véhicule et génère autant de plaisir collectif. Un tel grand moment de partage ! Je n'ai rien à dire de mieux que de vous conseiller de courir au Palais des Glaces. Un véritable phénomène est en marche, il s'appelle Christelle Chollet.
Il serait terriblement incongru de ne pas également souligner la performance pianistique de son complice sur scène, le "Ronaldinho" du clavier, l'excellent Jean-Louis Beydon, dont le talent est pour beaucoup dans la réussite de ce spectacle.
Allez-y, allez-y, allez-y...

mardi 25 septembre 2007

Anne a 20 ans


Théâtre des Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 Paris
Tel : 01 42 96 92 40
Métro : Quatre-Septembre

Ma note : 8/10

Mon avis : Anne a 20 ans... 20 ans de carrière ! Et, comme le 20, elle n'a jamais cessé de se bonifier avec l'âge, si bien que ce cru 2007, cru anniversaire, est un pur millésime.
Anne est un cas à part dans le microcosme des femmes humoristes. On devine qu'elle a eu quelques modèles, comme Sylvie Joly par exemple, qui l'ont influencée mais qui lui ont surtout donné le courage d'emprunter cette voie ô combien périlleuse. Il y a 20 ans, elles n'étaient pas nombreuses les comiques en jupon. C'étaient des pionnières.
Dès le début, Anne a su imposer son style. Un style fait d'une foultitude de personnages et d'un éventail savoureux d'accents. A la télévision elle a commencé en mai 1987 par être une des élèves dissipées de La Classe sur FR3. Et elle n'a jamais cessé d'en avoir de plus en plus, de la classe.
Rentrée 2007. Anne Roumanoff investit l'écrin du théâtre des Bouffes Parisiens, là où rôde en permanence le fantôme bienveillant de Jean-Claude Brialy. Pour l'avoir vue dans de nombreux endroits divers et variés, le cadre douillet et classieux (on y revient !) de ce petit théâtre à l'italienne lui va à merveille. Première surprise lorsqu'elle apparaît : elle n'est pas tout de rouge vêtue ! Sous le chemisier écarlate, elle a adopté le pantalon noir ajusté ; ce qui permet de constater que sa silhouette s'est joliment affinée. Mais tout de même, cet anniversaire, elle aurait pu le célébrer avec du 20 rouge ! A moins que ce soit sa manière à elle de refuser de prendre de la bouteille...
Elle attaque aussitôt, sans round d'observation, par une satire de cet appareil devenu sacro-saint, le GPS. Anne a l'art de coller à l'actualité, de suivre les phénomènes de mode, de cheminer en parallèle avec les tendances. Son sens aigu de l'observation fait une fois de plus mouche à tout coup. Son GPS lui a tracé la route, elle s'y engouffre pied au plancher et elle va conserver cette vitesse de croisière pendant une heure et demie. Epanouie, au sommet de son art, avec une maîtrise incomparable, elle nous entraîne à un rythme soutenu dans sa galerie de portraits et aborde toute une variété de thèmes qui nous ravissent et nous donnent le tournis. C'est un spectacle qu'il fera bon revoir en DVD tant il est riche. Il contient la synthèse du meilleur de ses 20 ans de carrière. C'est simple, si dans tel ou tel spectacle précédent il pouvait arriver qu'il y ait un petit coup de mou, là il n'y a rien à jeter. Tout est du même (haut) niveau.
Elle joue avec le public, le prend à témoin, le teste en lui imposant une thérapie de groupe destinée aux "parents sans autorité" ; elle fait l'enfant, puis elle se métamorphose soudain en caissière de supermarché. Elle nous fait hurler de rire avec des petites choses anodines qui ne sont qu'évidences. Mais tout réside dans l'art de raconter. Elle joue les vendeuses de vêtements gourdasses, se lance dans l'exercice du slam pour y raconter son empoignade chronique avec les fluctuations de poids, retrouve le fameux personnage de la bouchère, un peu réac mais pleine de bon sens et, déformation professionnelle, saignante quand il le faut ("Si Bush avait sa Monica, il serait moins nerveux"). Toujours à la pointe de la mode, elle tacle les nouvelles technologies à travers les fournisseurs d'accès, ce qui l'amène tout droit à aborder les méfaits de la mondialisation (bonjour le festival de mimiques !). Elle parodie une émission à la Delarue, fustige le lifting...
Loin de s'essouffler, Anne réalise l'exploit de nous emmener encore plus loin dans l'émotion et dans le rire avec deux sketches qui symbolisent parfaitement son registre : la mamie qui commente son enterrement depuis son petit nuage et la désormais traditionnelle (et attendue) parenthèse de Radio-bistro. Là, respect total, car elle nous sert, par pilier de bar interposé, des produits on ne peut plus frais. Elle réussit en effet l'exploit de glisser dans son soliloque des événements qui ont eu lieu la veille ! C'est du funambulisme.
Quant au rappel, il consiste en un florilège de ses personnages les plus connus, y compris cette chère Bernadette qui, il y a 20 ans, croyait encore à la Sainte Vierge...
Un grand moment, qui passe trop vite, et qui nous rend à la rue avec un grand sourire de contentement ; avec en plus, au coin d'un oeil, une petite larme qui brille, vestige des nombreux fous-rires et, au coin de l'autre oeil, une petite perle luisante amenée là par quelques tendres moments d'émotion.
Grand merci Anne. Ce soir, grâce à toi et avec toi, on avait tous 20 ans ! Le plus bel âge...

lundi 24 septembre 2007

Les belles-soeurs


Théâtre Saint-Georges
51, rue Saint-Georges
75009 Paris
Tel : 01 48 78 63 47
Métro : Saint-Georges

Une pièce d'Eric Assous
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Décors de Stéphanie Jarre

Avec François-Eric Gendron (Yvan), Sabine Haudepin (Mathilde), Roland Marchisio (Francky), Véronique Boulanger (Nicole), Elisa Servier (Christelle), Manuel Gélin (David), Mathilde Penin (Talia)

Ma note : 6/10

L'histoire : Francky vient de se rendre acquéreur d'une maison à la campagne. Avec son épouse, il a décidé d'inviter ses deux frères et leur épouse respective. Au cours de l'apéritif, la maîtresse de maison apprend à la cantonade qu'elle a également convié à cette pendaison de crémaillère une certaine Talia, secrétaire de son mari, mais qui semble aussi être très bien connue des deux autres hommes de la famille... Aussitôt, un vent de panique commence à se lever du côté de ces messieurs entraînant un tsunami de suspicion auprès de ces dames...

Mon avis : Voici une pièce de boulevard de facture classique qui n'aura aucun mal à séduire le spectateur qui a envie de se distraire. En plus, habileté du casting, le dit-spectateur prend d'autant plus de plaisir qu'il retrouve sur scène des visages qui lui sont familiers via le petit écran. Il suffit de l'entendre ronronner d'aise quand font tour à tour leur apparition François-Eric Gendron (Le Proc, Avocats et associés, L'été rouge), Elisa Servier (Nestor Burma, Cap des Pins, Les grandes marées), Manuel Gélin (Avocats et associés, Sous le soleil), ou Véronique Boulanger (Confidences sur canapé). Ce n'est pas du tout idiot, loin de là, de les avoir ainsi réunis.
Dès les premiers échanges, on comprend que ça ne va pas être tendre entre les différents protagonistes. C'est Sabine Haudepin qui donne le la avec une salve de répliques cinglantes et rentre-dedans. La langue de bois, ce n'est pas vraiment son truc. On admet donc l'attitude réservée de son mari qui s'efforce d'esquiver les flèches tout en essayant d'arrondir les angles. On le devine déjà assez faux-cul.
Si les hommes affichent plutôt un profil comportemental assez convenu, ce sont les fameuses belles-soeurs qui s'offrent la part du lion (de la lionne devrait-on dire). Elles sont tellement dissemblables qu'on se réjouit à l'avance de la prévisibilité de leurs réactions. Mathilde (Sabine Haudepin), c'est la vraie teigne, la punaise qui pique là où c'est sensible. Elle est en outre dotée d'un tel sens de la répartie que chacune de ses remarques est une vraie gifle assénée à l'encontre de tel ou telle... Christelle (Elisa Servier), c'est la bonne bourge, qui ne vit que pour son confort, le paraître et ne jure que par les grandes marques. Son côté snobinard va peu à peu voler en éclat au fur et à mesure que les projectiles qu'elle reçoit vont entamer son armure Prada. Quant à Nicole (Véronique Boulanger), c'est la bonne pâte, apparemment même un peu nunuche. Mais elle a ses petits secrets et son bon sens lui permet de mieux se protéger des jets de vitriol.
Les frangins ! Ils sont sans suprise. Très solidaires et, surtout, très masculins. C'est-à-dire un peu veules, un peu lâches, un peu cachottiers. Emberlificotés dans leurs mensonges, ils s'enfoncent inexorablement dans les sables mouvants de leur pusillanimité.
Et puis il y a Talia ! celle par qui le scandale arrive. Il est vrai que, dans la salle, on l'attend la donzelle ! Ces dames nous ont tellement fait monter la mayonnaise à son propos qu'on a hâte de découvrir celle qui fait tourner la tête (et vraisemblablement d'autres organes) à leurs maris. Et on n'est pas déçu. Tornade blonde à la plastique irréprochable, Talia (Mathilde Penin) justifie que les mâles aient pour elle des comportements dignes (indignes ?) du loup de Tex Avery. Mais là aussi, le personnage n'est pas aussi premier degré qu'on pourrait le supposer. Au-delà de son apparence futile, superficielle et désinvolte, on sent peu à peu poindre les blessures. En ne pouvant se retenir d'exprimer sa fragilité, elle en devient touchante et sympathique.
C'est ce qui est bien dans cette pièce : rien ni personne n'est tout noir ou tout blanc. Personne n'en sort indemne. L'humour et l'ironie sont là pour aider à faire passer la souffrance et le chagrin. C'est la vie quoi !
Chacun des sept comédiens est parfaitement en phase avec son personnage. Les couples sont fort bien assortis et parfaitement plausibles. Il y a de jolies trouvailles de mise en scène qui, quand les acteurs auront pris leur rythme de croisière, vont encore gagner en efficacité. Bien sûr, une fois de plus, la gent masculine n'a pas le beau rôle. Ce sont les femmes qui tirent diaboliquement les ficelles de ces trois pauvres pantins. Pour se protéger, voire se justifier, nous n'avons qu'à nous dire, nous les hommes, qu'après tout ce n'est que de la fiction...

samedi 15 septembre 2007

VICTOR ou les enfants au pouvoir


Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce de Roger Vitrac
Mise en scène par Alain Sachs
Avec : Lorant Deutsch (Victor), Philippe Uchan (Charles Paumelle), Cerise (Emilie Paumelle), Christiane Millet (Thérèse Magneau), Urbain Cancelier (Antoine Magneau), Caroline Maillard (Esther Magneau), Fabienne Chaudat (Lili), Pierre Aussedat (Le général), Isabelle Tanakil (Ida Mortemart).

Ma note : 6/10

L'histoire : Fils unique d'un couple de petits bourgeois, Victor Paumelle se prépare à fêter ses 9 ans en famille et avec quelques amis : Antoine et Thérèse Magneau et leur fille Esther qui a sensiblement son âge, ainsi qu'un général. Très vite, on découvre que l'enfant est doté d'une personnalité peu commune et d'une intelligence incroyable. Avec une implacable lucidité, il stigmatise tous les travers des adultes qui l'entourent. Et, en raison de son entreprise de démolition systématique, ce qui ne devait constituer qu'un aimable dîner d'anniversaire, tourne bientôt en un féroce règlement de comptes dont pratiquement personne ne sortira indemne...

Mon avis : C'est avec beaucoup de gourmandise que je me suis rendu boulevard de Strasbourg pour découvrir au Théâtre Antoine cette fameuse pièce dont j'avais entendu parler depuis longtemps, particulièrement à travers la prestation de Claude Rich dans le personnage de Victor. La reprise de ce rôle par l'admirable Lorant Deutsch décuplait encore plus mon plaisir et avivait ma curiosité.
Effectivement, je n'ai pas été déçu par la prestation de ce comédien hors norme, tellement crédible dans la peau d'un gamin de 9 ans. Pas une seconde, on pense que l'on voit évoluer devant nous un jeune homme de 32 ans. Le moindre de ses gestes, la moindre de ses mimiques, sont celles d'un garçonnet. Ce n'est que dès qu'il s'exprime que l'on s'aperçoit que l'on a affaire à un surdoué... et à un monstre !
Dès le début de la pièce, parfaitement odieux, il fait tourner Lili, la bonne, en bourrique. Immédiatement, son cynisme, son calcul, son absence totale de scrupules et de moralité, nous font frissonner. Même avec Esther, la petite voisine de son âge, visiblement folle d'admiration pour lui, n'échappe pas à sa méchanceté. Alors que dire des adultes ? Et plus particulièrement de ses parents. Il prend un malin plaisir à dénoncer leurs turpitudes. Si sa mère, douce, effacée, mais pas dupe, est un peu plus protégée, ce sont surtout son père, personnage veule, volage, égoïste, sa maîtresse, Thérèse, la mère d'Esther, qui aime peu sa fille et méprise son mari, qui sont ses cibles privilégiées. Mais il n'hésite pas non plus à s'en prendre à Antoine, la mari trompé, que la trahison de sa femme rend de plus en plus fou, en exacerbant sa fragilité, ainsi qu'au général, militaire de pacotille, qu'il malmène sans vergogne.
On l'aura compris, Victor ou les enfants au pouvoir, n'est pas une franche comédie. S'il nous arrive de rire ou de sourire, c'est surtout grâce à quelques mooments de bravoure dûs aux délires d'Antoine ou aux emportements excessifs de Charles. Sinon, on a plutôt tendance à tendre le dos en appréhendant sans cesse le moment où le drame qui couve va exploser.
Disons-le tout net, cette pièce est très inégale. Le premier acte est particulièrement verbeux. D'ailleurs les deux actes sont bizarrement désiquilibrés. Dans le premier, Victor est omniprésent, flamboyant, énorme. Alors que dans le second, il a perdu toute sa verve, tout son cynisme. Il redevient un enfant plaintif, affaibli par des maux de ventre. Sa discrétion surprend. Pourtant, c'est ce deuxième acte que j'ai préféré. Nous y plongeons en plein drame. les masques tombent. Philippe Uchan (le père de Victor) atteint des sommets dans le jeu. La maman se réveille et se révèle. Les scènes sont plus intimistes, il n'y a plus ces délires verbaux qui plombent le premier acte...
Le problème avec cette pièce, c'est qu'elle fêtera ses 80 ans l'an prochain. Donc, elle date. Les références à Bazaine et à la guerre de 1870 entre autres vont échapper à la grande majorité du public. Même le vocabulaire, surtout dans les grandes envolées du premier acte, nous apparaît ampoulé, désuet, voire hermétique. On pourrait parfaitement se passer en outre de l'apparition totalement inutile et incongrue du personnage d'Ida Mortemart, pétomane hallucinée. Les puristes rétorqueront que cette femme symbolise la mort et que nous sommes dans une pièce estampillée "surréaliste" en 1928. mais elle n'apporte rien à l'action, au contraire, elle l'alourdit et détourne notre attention. Il n'y a rien à reprocher cependant à la comédienne qui campe ce personnage car elle le joue avec un réel panache. Ce qui est toutefois un peu affligeant, c'est qu'une partie du public hurle de rire devant cette pétarade disgracieuse, alors qu'elle reflète un grand moment de souffrance (remarquablement interprété, j'insiste). Mais point n'était besoin de cet intermède.
Le sujet de "Victor", ce petit génie de 9 ans qui sème la zizanie dans sa famille, est pourtant formidable. Quel dommage que l'on n'ait pas le droit d'en moderniser l'écriture. Ce serait indubitablement une pièce fantastique. En résumé, et en positivant, on peut quand même se rendre au théâtre Antoine. Il suffit de passer au tamis tout ce qui alourdit la pièce (il y a vingt minutes de trop) pour ne garder que les pépites qui y brillent : tous les comédiens sont remarquables en pantins pathétiques manipulés par cet infect gamin, et Lorant Deutsch nous offre un premier acte qui est un grand morceau de comédie. S'il continue à grandir ainsi, en ne faisant que de bons choix de carrière (surtout au théâtre), il est à la veille de devenir un de nos plus importants acteurs, un acteur qui va compter dans les décennies à venir.

vendredi 14 septembre 2007

La Valse des Pingouins


Théâtre des Nouveautés
24, boulevard Poissonnière
75009 Paris
Tel : 01 47 70 52 76
Métro : Grands Boulevards

Une comédie de Patrick Haudecoeur
Mise en scène par Jacques Decombe
Avec : Philippe Béglia (Comte Patrick de Lagarandière), Patricia Grégoire (Paulette), Patrick Haudecoeur (Florin Moselle), Guillaume Laffly (Gaëtan), Jean-Pierre Lazzerini (Morini), Bob Martet (Gusse), Edouard Prétet (Paul), Mila Savic (Annabelle), Isabelle Spade (Clarisse), Véronique Viel (Lorella).

Ma note : 7/10

L'histoire : Un chef d'entreprise en quête d'un nouveau marché, et ne reculant devant rien pour décrocher un miraculeux investisseur, organise une grande soirée en l'honneur de ce mécène espéré. Les petits plats dans les grands, costumes de soirée, champagne, feu d'artifice... Chacun fait de son mieux. Tout est prévu pour que l'invité soit soigné aux petits oignons. Hélas, une quatitié invraisemblable de grains de sable s'immiscent dans les rouages ; et la soirée part complètement en sucette...

Mon avis : La valse des Pingouins n'est pas à franchement parler le genre de pièce qui se prend au sérieux. Elle n'a pour seule mission que de nous détendre et de nous distraire et, croyez-moi, de ce côté-là, le pari est réussi car, pour nous faire rire, les pingouins en question ne sont pas des manchots. Impossible de rester de glace devant tant de pitreries et de situations absolument désopilantes. On nage en plein délire, en plein burlesque. Les répliques et les gags sont en apparence tout simples, mais ils font mouche à tous les coups. Très vite, une véritable connivence s'installe entre la scène et le public. Dans la salle, les fous-rires fusent en cascade. Sur scène, il arrive à plusieurs reprises que les comédiens s'avèrent incapables de tenir leur sérieux. Quand on les voit dans l'impossibilité d'enchaîner leur texte en essayant vainement de se contenir, c'est une explosion complice d'applaudissements.
Cette nouvelle comédie signée Patrick Haudecoeur, sans prétention aucune, est un pur divertissement qui vous fait oublier toutes les contingences extérieures. On n'a pas honte de rire et de partager ce moment de folie avec nos voisins. C'est tellement bon enfant !
En même temps, si le propos n'est pas une seconde sérieux, le travail des comédiens est rôdé au millimètre, avec un professionnalisme hors pair. La mécanique est parfaitement huilée, sauf bien sûr quand un fou-rire vient la perturber. Les clowneries se succèdent à un tel rythme que nos zygomatiques ne connaissent que peu de répit. Que c'est bon d'avoir 10 ans et de rire de bon coeur !
La brochette de comédiens qui se démènent ainsi sur scène est impeccable chacun dans son registre. On peut toutefois saluer la prouesse de la comédienne qui joue Annabelle car l'auteur l'a affublée d'un handicap qui provoque l'hilarité à peine qu'elle ouvre la bouche. Mais chacun est à sa place. Le comte, avec son timbre de voix "giscardien" est parfait en aristocrate compassé et dépassé. La maîtresse de maison, nymphomane insatiable, est attendrissante dans sa quête permanente d'amour. Morini, l'organisateur de cette soirée mémorable, bien que dérouté par les événements, fait vainement de son mieux pour essayer de garder le contôle des opérations. Et puis il ya, bien sûr, l'ineffable Patrick Haudecoeur, virtuose de la maladresse, champion de la gaffe, farceur invétéré ; c'est un cartoon à lui tout seul.
Bref, cette "Valse" folle et entraînante est un grand moment de partage et de joie enfantine. Inscrivez au plus vite le Théâtre des Nouveautés dans votre carnet de bal !

lundi 10 septembre 2007

L'un dans l'autre


Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : Trinité/Blanche/Saint-Lazare

Une pièce de Marc Fayet
Mise en scène par José Paul et Stéphane Cottin
Avec Evelyne Dandry (Annie), Marc Fayet (Stéphane), Thierry Heckendorn (Pierre), Gérard Loussine (Franck-Olivier), Lisa Martino (Juliette)

Ma note : 7/10

L'histoire : Dans un appartement d'une résidence tranquille, un jeune homme reçoit une jeune femme. Lui, c'est Stéphane ; elle, c'est Juliette. Visiblement, ils en sont au tout début d'une relation amoureuse...
Dans ce même appartement, six mois plus tôt, Pierre, le père de Stéphane, a invité Annie, un amour de jeunesse.
Alternativement, dans ce même lieu, les deux couples vont tenter de se former. Ils vont se confier, beaucoup parler, trop peut-être car les élans du début vont peu à peu faire place à des hésitations.
Et, à chaque fois, avec la même insistance maladroite, Franck-Olivier, le voisin de toujours, personnage envahissant et pathétique, trouble leur tête-à-tête pour les inviter à célébrer chez lui, comme tous les ans, la fête du solstice. Solstice d'été pour les uns, solstice d'hiver pour les autres. Or, c'est à travers son verbiage incessant que nous allons en apprendre beaucoup plus sur l'histoire de la famille de Pierre et de Stéphane...

Mon avis : Que voici une bien jolie pièce ! Fine, intelligente, distrayante, émouvante... Humaine, quoi. Car, quel que soit notre âge, notre sexe, notre condition, on se sent profondément interpellé dans ce que nous avons de plus intime par les thémes développés sur scène.
Dans cette pièce où les sentiments et les relations sont prédominants, le décor importe peu. Il est effectivement rare de trouver plus succinct : un guéridon, deux fauteuils, un buffet, et c'est tout. En fait, ce sont les portes qui sont essentielles. La porte palière d'abord, qui s'ouvrira à chaque fois que le voisin Franck-Olivier se manifestera, et les deux portes menant aux différentes pièces de l'appartement par lesquelles disparaîtront ou apparaîtront tour à tour les deux couples.
Bien que baptisée (à juste titre) L'un dans l'autre, cette pièce de Marc Fayet, est parfaitement parallèle et symétrique. Ce n'est que progressivement que l'on comprend pourquoi elle s'appelle ainsi.
C'est donc l'histoire de deux hommes et de deux femmes. Les deux hommes sont père et fils. Les deux femmes sont amenées à devenir - si tout se passe bien - des maîtresses putatives. La première scène réunit Stéphane, le fils, et Juliette. Touchant de maladresse, il se retranche dans une espèce de mythomanie balourde qui n'abuse personne. Elle, fine mouche, mais mal à l'aise, elle reste sur la réserve, un peu froide et distante, complètement lucide et, paradoxalement, versatile. Garçon lunaire, Stéphane est un vrai gentil. Qu'est-ce qu'il rame pour la faire fléchir ! Mais pourquoi a-t-elle accepté son invitation si c'est pour le faire ainsi tourner en bourrique ? C'est là un des noeuds de la pièce. Et il faut saluer le jeu tout en subtilité et nuances de Lisa Martino car on n'a qu'à la fin les explications de ses atermoiements.
L'autre couple, qui entre ensuite en scène, est composé de Pierre, le père de Stéphane et d'Annie, un amour de jeunesse que, devenu veuf, il a voulu retrouver. Et là se déroule une première astuce d'écriture puisqu'on s'aperçoit très vite que les façons de parler et les attitudes du père et du fils sont parfaitement similaires. Un aspect répétitif qui amène, évidemment, une certaine complicité avec le public. Là aussi l'homme est touchant de gaucherie. Et, là aussi, la femme, sensible et clairvoyante, a une conduite bien plus pragmatique.
Ces deux histoires parallèles qui se déroulent à six mois d'intervalle, sont habilement brisées par les irruptions intempestives de l'ineffable Franck-Olivier, le voisin de trente ans, qui s'obstine à vouloir les inviter l'un et l'autre à ses lamentables fêtes du solstice. C'est par lui que les informations nous seront livrées.
L'humour - on rit beaucoup - se dresse là tel un paravent pour nous dissimuler les choses sérieuses et graves. Chez les hommes, la pudeur est palpable, les non-dits encombrants. On fait comme si tout allait bien. L'affection est là, mais elle se dilue dans les bons mots et se distend dans les faux semblants. Et nous, dans la salle, on ressent les liens qui unissent ces deux hommes sans se les avouer. On comprend parce que, la plupart d'entre nous, on a ou on a eu les mêmes types de relations avec nos parents ou avec nos enfants. Ce qui est criant, c'est de voir que les enfants grandissent pendant que leurs parents vieillissent sans faire vraiment l'effort de se connaître les uns et les autres en profondeur. Et ce n'est que vers la fin du parcours des plus anciens, quand les rejetons sont devenus à leur tour des adultes, que les langues commencent à se délier.
Les dialogues sont excellents, précis, justes. Il y a quelques phrases dont la profondeur attise vraiment la réflexion. Et, à moins d'être totalement insensible, l'ultime scène entre le père et le fils nous amène au coin des yeux ces délicieux picotements que seule une belle et noble émotion peut engendrer.
Même si les hommes ont les plus beaux rôles, les cinq acteurs qui font vivre cette jolie pièce sont impeccables, chacun dans son registre. Allez voir L'un dans l'autre. On passe au Petit Théâtre de Paris un joli moment privilégié de partage. Et on en sort avec la ferme intention de se montrer plus attentif avec les siens... C'est là aussi une des missions du théâtre : celle de nous divertir, de nous amuser, tout en nous distillant habilement de belles et positives leçons de comportement et d'humanité.

vendredi 7 septembre 2007

Les Zenvahisseurs


Une BD scénarisée par Chanoinat
Dessinée par Marniquet
Ecrite et dialoguée par Laurent Gerra

Editions Albin Michel (12,90 €)

Ma note : 5/10

L'histoire : Très librement adaptée du spectacle Laurent Gerra flingue la télé, cette BD raconte la tentative de prise de pouvoir de la terre par une bande d'extra-terrestres venus de la planète Zétronus. Ces Zétroniens, dirigés par le maléfique Darkisson (Ardisson), n'ont qu'une idée en tête : "envahir la terre pour propager le chaos, la médiocrité et opérer un décérébrage général". En langage moins crypté - après tout Ardisson est diffusé en clair - leur mission est tout simplement de nous rendre encore plus cons.
S'appuyant, comme son nom l'indique, sur la célèbre série télé de la fin des années 60, l'histoire, narrée par Pierre Tchernia, commence par la rencontre inopinée de David Vinsang avec les sinistres occupants d'un vaisseau spatial. Bien qu'affublés d'oreilles pointues, on reconnaît sans trop de mal les clones de la plupart de nos animateurs télé. Le sinistre Darkisson a dépêché sur terre une armée dirigée par trois lieutenants du nom de Chevalier Rouquette (Laurent Ruquier), Professeur Millerusse (Gérard Miller), et "le pleutre" Marco Fauderche (Marc-Olivier Fogiel) avec, comme estafette, le très ahuri Steevy Brator (Steevy Boulay)... Terrifié par cette rencontre du troisième type, David Vinsang, se hâte d'en avertir la police. Mais le commissaire Bétounaro, qui ressemble furieusement à Roger "Navarro" Hanin, ne croit pas une seconde à son histoire... Comment la résistance va-telle s'organiser pour affronter une telle menace ?...

Mon avis : La patte et les aversions audiovisuelles de Laurent Gerra sont omniprésentes dans cette BD. En effet, peu d'amimateurs et peu d'émissions de notre PAF actuel trouvent grâce à ses yeux. La liste ce ceux qui composent la troupe des Zétroniens, outre bien sûr les principales têtes de turc que sont Ardisson Ruquier, Fogiel, Miller et Steevy, est particulièrement fournie. On peut ainsi repérer avançant en ordre serré Christine Bravo, Cauet, Bataille et Fontaine, Sébastien, Aliagas, Magloire, Courbet... Tous les sbires qui composent la garde ont les traits de Joey Starr (le sâle air du rappeur !) et la musique qu'ils écoutent pour se ressourcer et se nettoyer le cerveau est celle de Diam's, la pasionaria à la langue rappeuse.
Le premier fait d'armes de ces Zétroniens va être le saccage de la bibliothèque Léo Ferré d'Epernay dont le directeur n'est autre que Jean d'Ormesson. Et ils choisissent pour cadre de leur chaos apocalyptique la Fête de la Musique (à ce propos, Michel Drucker ayant manifesté l'intention de ne plus les animer, Nagui a déclaré songer à Diam's comme coprésentatrice ! Et pourtant l'homme de Taratata ne fait même pas partie des Zétroniens. Serait-il sympathisant ? Affaire à suivre...°
Heureusement, face à eux, vont se dresser une poignée de héros sortis des étagères naphtalinées de l'INA, ceux de célèbres feuilletons des années 60-70 que furent Thierry la fronde, La petite maison dans la prairie, Chapeau-melon et bottes de cuir, Amicalement vôtres, Les Mystères de l'Ouest et Au nom de la loi.
Je ne vous dis pas la fin, mais ce sont deux super héros, deux "légendes" qui vont devoir venir leur prêter main forte pour renvoyer les vandales sur leur planète merdeuse... Mais le fataliste "la guerre ne fait que commencer" prononcé par un Pierre Tchernia hilare, nous promet un "Les Zenvahisseurs, le Retour"...

Laurent "Lucky Luke" Gerra a donc ressorti sa pétoire pour arroser à tout va sur pratiquement tout ce qui sévit dans le domaine du talk-show. Les personnages qu'il vilipende sont bien plus ridicules que méchants. Nous avons affaire là une vraie bande de benêts oui-oui, des ravis de la crêche (la crêche étant ici la télévision). Loin d'un déchaînement massif de remarques perfides et atrabilaires, Chanoinat, le scénariste, et Gerra se comportent plus comme des potaches en train de faire des niches. On les imagine bien d'ailleurs, pliés en quatre en train de rire de leurs propres bêtises. Ce sont des sales gosses, des garnements, qui auraient dessiné les tronches de leurs victimes sur des boîtes de conserve et qui joueraient au chamboule-tout en se marrant.
A propos des dessins, justement, je les ai trouvés très inégaux. Parfois, ils sont d'une fidélité confondante, parfois on a du mal à reconnaître le même personnage. Mais en règle générale, on arrive à peu près à retrouver qui est qui.
Ce que j'ai personnellement estimé de plus réjouissant, c'est de découvrir que l'antidote le plus efficace pour combattre les Zétroniens était le lancement de disques ; de disques de Brassens et de Brel. Ces rondelles agissent à la manière de l'ail et de l'eau bénite contre les vampires.
En défintive, Les Zenvahiseurs m'est apparu comme un gentil fourre-tout mêlant la télé de nos parents et celle qui inonde aujourd'hui les deuxièmes parties de soirée. J'attendais un peu plus de vitriol, mais Gerra, Marniquet et Chanoinat, dont les initiales donnent "GMC", ont choisi de se conduire en poids lourd coloré et bruyant plustôt qu'en auto-mitrailleuse dévastatrice. En fait, ils n'arrivent pas à être aussi méchants qu'ils s'échinent à essaiyer de le faire croire. Tout cela reste bon enfant, dans la tradition française des chansonniers. Ils savent bien que leurs petites perfidies ne changeront pas grand chose au paysage audiovisuel de notre pays car les chiens aboient, et la télé... commande !

mercredi 5 septembre 2007

La vérité ou presque


Un film de Sam Karmann
Avec Karin Viard (Anne), André Dussollier (Vincent), François Cluzet (Marc), Brigitte Catillon (Rose-Marie), Julie Delarme (Caroline), Sam Karmann (Thomas), Liliane Rovere (Liliane), Antonio Interlandi (Lucas)...
Sortie : 12 septembre 2007

Ma note : 6/10

L'histoire : Anne est mariée à Thomas, qui a un faible pour Caroline, la jeune femme de Marc, l'ex-mari d'Anne, elle-même sensibleau charme de Vincent, terriblement jalousé par Lucas. Quant à Rose-Marie, elle sait que lorsque le désir sonne, c'est souvent le mensonge qui ouvre la porte. Alors, la vérité dans tout ça ? C'est qu'on peut aimer pour toujours, mais pas tout le temps. C'est ça la vérité... ou presque !

Mon avis : Sam Karmann, habile chef d'orhestre ne s'est entouré que de stradivarius pour interpréter ce film choral : Viard, Dussolier, Cluzet, Catillon... Que des premiers violons !
Ce film nous emmène dans un monde un peu particulier, celui de la télévision et son impact sur notre quotidien. Autant sur ceux qui y travaillent, que sur ceux qu'elle expose et vampirise, et sur ceux qui la consomment. Ceux qui y travaillent sont des gens qui se la racontent. L'hypocrisie est leur moyen d'expression spontané. Avide de sensationnel, on y est prêt à tout, quitte à fabuler, pour obtenir le reportage qui va scotcher tout le monde.
C'est Karine Viard qui donne le ton au film. En working girl hypercative, autoritaire, égocentrique, elle s'est marginalisée d'une vie de famille qu'elle doit trouver par trop monocorde. Peu à peu, on découvre une femme au bord de la crise de nerfs. Mais n'est-elle pas bien plus fragile et en proie au doute par rapport à l'image qu'elle veut donner d'elle ?
Sam Karmann, qui joue son mari, nous semble pourtant une merveille de compagnon : patient, arrangeant, aimable ; si "parfait" comme elle dit. Mais est-il aussi lisse qu'il se complaît à le faire croire ?
François Cluzet nous livre un grand numéro de séducteur, d'homme futile et hâbleur, immature et menteur. Et pourtant, qu'est-ce qu'il est attachant. On voudrait pouvoir le détester et on en est incapable.
André Dussollier... Grand monsieur du cinéma français. Comédien racé, fin et subtil, il apporte à travers son personnage la note de sagesse du film. il a tout compris des rouages compliqués des rapports humains. Il en joue ; mais il en souffre aussi.
Brigitte Catillon pourrait être le pendant féminin de Dussolier dans ce film. mais elle est trop à vif. Elle, elle n'est pas dans la courtoisie, elle est lucide. D'où ses saillies acerbes, ses réfexions impitoyables. Et si elle ne souffrait pas elle surtout de manque d'amour ?
Ce film aux dialogues percutants qui sonnent juste, est un jeu permanent de chats et de souris. Tout le monde veut dévorer tout le monde. Tout le monde couche avec tout le monde, parfois plus par désarroi que par amour. Au final, on se dit que la vérité n'existe pas. Tout se construit sur une base de mensonges et de tromperies cimentés par une bonne dose de cynisme. Cela donne évidemment un monde bancal sur lequel chacun essaie de se tenir droit. Comme, seul, on ne parvient pas toujours à garder son équilibre, l'autre peut alors nous apparaître comme la meilleure des béquilles... Car c'est l'un des paradoxes de La vérité ou presque : il y a vachement d'amour dans ce film. Avec, en prime, une vraiment bonne bande-son !

L'âge d'homme


Un film de Raphaël Fejto
Avec Romain Duris (Samuel), Aïssa Maïga (Tina), Clément Sibony (Jorge), Rachid Djaïdani (Mounir)...
Sortie : 12 septembre 2007

Ma note : 2/10

L'histoire : Samuel a 30 ans. Ex-célibataire endurci, il vit depuis un an avec Tina, une photographe. Mais au moment de s'engager, il prend peur. Il se donne vingt-quatre heures pour décider s'il va rompre on non avec cette jeune femme qu'il aime, persuadé qu'elle le quittera tôt ou tard. Quelle sera l'issue de cette course contre la montre pour devenir un homme ?

Mon avis : Vu la note que lui ai attribuée, vous comprendrez aisément qu'entre ce film et moi il s'agit d'un rendez-vous manqué. La note, justement. Au fur et à mesure que le film se déroulait, je lui enlevais un point. Une peau de chagrin ! Heureusement qu'il ne dure pas deux heures.
J'étais pourtant venu avec un a priori favorable, attiré par la présence de Romain Duris au générique. Mis à part dans Arsène Lupin, un costume qui ne lui allait pas du tout dans un scénario approximatif, j'avais toujours trouvé ce jeune homme excellent ; et la dernière prestation que j'avais vue de lui, dans Molière, m'avait particulièrement emballé. Bon, pour être objectif, j'ai encore vu là la marque d'un grand, d'un très grand acteur. Mais un grand acteur, comme la plus belle femme du monde, ne peut donner que ce qu'il a. Omniprésent, il cabotine à l'envi, en fait des tonnes. Certes, il a dû s'amuser comme un petit fou. Car on lui a donné une telle palette de personnages loufoques à jouer que ça doit être un pur régal pour un comédien. Le problème, c'est qu'il est tout seul à s'amuser. Le réalisateur a dû se marrer aussi en tournant autant de scènes farfelues. Mais a-t-il pensé au public ?
Le sujet de film était pourtant séduisant. Un trentenaire pas encore fini allait-il acquérir enfin une forme de maturité et de responsabilité ? Ou bien resterait-il empêtré avec un syndrome de Peter Pan chronique ? Il y avait de quoi saliver d'avance... Hélas, l'inquétude naissait dès la première scène pré-générique. Elle était un peu forcée et sonnait faux. On se dit que ça va s'arranger quand on va quitter la bretelle d'accès pour se retrouver sur l'autoroute. Raté ! On emprunte un chemin vicinal tortueux et plein de nids de poule.
Et les scènes de se succéder sans que jamais on y puise un semblant de crédibilité dans lequel on pourrait se projeter. Car on aime bien se mettre à la place des comédiens et imaginer comment on réagirait soi-même à telle ou telle situation. D'abord, on comprend mal l'irritation systématique de Samuel vis-à-vis d'une Tina adorable de gentillesse et de patience. Le dialogue avec l'agent immobilier lors de la visite de l'appartement est complètement décalé ; celle de la rencontre devant les marches d'escalier est superflue, limite insupportable. D'ailleurs, chacune des rencontres est surréaliste, ubuesque, incompréhensible. La seule qui ait trouvé grâce parce qu'elle sonnait enfin juste à mon goût, c'est celle de la salle de bain avec Clément Sibony où ils abordent tous deux les problèmes du couple et sa gestion au quotidien. Tout aurait été à cette aune, le film pouvait passer. Mais hélas, elle est un peu esseulée dans ce fatras d'incohérences. Que dire par exemple de la scène où Romain Duris se fait ramener chez elle par une nympho ? Je n'ai pas compris l'utilité de ce feu d'artifice de mots gratuitement crus. Trop c'est trop. On n'y croit pas une seconde.
Je suis par nature enclin à la tolérance et à l'indulgence et je n'aime guère dire du mal. Mais quand on sait combien coûte un film, on se demande comment un producteur peut se permettre de prendre le risque d'investir une petite fortune sur un film voué d'avance à l'échec.
Bon, voyons ce qu'il y a néanmoins de positif dans ce (trop) long métrage.
La bande-son est parfaite. Très éclectique, elle est réellement utilisée à bon escient. C'est une pure bouffée d'oxygène.
Les dames et les demoiselles vont apprécier la plastique de Romain Duris. Passant plus de la moitié du film torse nu ou en boxer, on comprend que le magazine Elle l'ait désigné comme un des hommes les plus sexy de la planète.
Et puis, malgré tout, on se surprend parfois à sourire devant certaines facéties de notre héros qui fait preuve, il est vrai, d'une immense créativité dans l'art du burlesque.
Finalement, la conclusion de ce film, c'est Léonard de Vinci qui nous la fournit à l'insu de son plein gré. Oui, oui, vous avez bien lu. Léonard de Vinci ! Mais je vous laisse la surprise. Donc, tout à la fin du film, ce brave Léonard essaie de rassurer un Samuel (Romain Duris) qui patauge avec un aimable aphorisme : "C'est pas grave d'être nul..."
Une affirmation que le réalisateur pourrait faire sienne et méditer à propos de son film...

mardi 4 septembre 2007

Eric Charden


Amalavague
"Une rose, un baiser et c'est tout"

Ma note : 6/10

Une (très) bonne surprise de la rentrée que cet album de monsieur Eric Charden ! Oui, oui, LE "Charden" de "Stone et Charden" lui-même.
Disons-le tout net : le vrai, l'authentique Eric Charden est bien plus contenu dans cet album que dans toutes les chansonnettes à succès qu'il a commises dans les années 70, de L'Aventura à Made in Normandie, en passant par Il y a du soleil sur la France ou Le prix des allumettes. Aux antipodes de ce fonds de commerce plaisant, enjoué et ludique qui continue certainement à le faire vivre, il existe un homme sensible, pour ne pas dire hypersensible, passablement angoissé, et trimballant comme tout un chacun d'un peu réfléchi son fardeau de problèmes existentiels. Il s'est longtemps complu à donner de lui une image pleine d'exubérance, de provoc', de j'menfoutisme ennuyé, de folie douce. Tout cela parce que, vraisemblablement, il ne revendiquait pas les calembredaines guillerettes qu'il interprétait alors avec sa blonde épouse...
Son expression était ailleurs ; dans des chansons plus intimistes, plus profondes aussi.
On comprend donc combien il a dû se faire plaisir en enregistrant ce nouveau CD au titre révélateur. "Amalavague", ce n'est pas tout à fait du vague à l'âme, mais c'est tout de même abandonner son âme aux flots et la laisser ballotter au gré des courants telle une bouteille à la mer. Il y a dans cet album une forme aimable de mélancolie à la fois distanciée et positive. Même s'il n'en a pas écrit la plupart des textes, laissant cette mission à l'excellent Franck Thomas, il y a mis énormément de lui-même. Cet album très personnel est plein d'amour et de tendresse. La voix est retenue, parfois dans le souffle, parfaitement maîtrisée, swinguant naturellement quand le besoin s'en fait sentir.
Les thèmes abordés sont plutôt sérieux, mais il ne plombe jamais l'ambiance justement grâce à cette façon sobre et légère de dire les choses. Dans cet album très agréable à écouter, Eric Charden évoque des sujets aussi divers que les problèmes de l'environnement, les dérives de la société, l'acceptation de la soixantaine, l'adoption, les années 30, la solitude...

Mon hit parade :
1/ Le portrait de Dorian Gray. Une chanson originale au texte intelligent. Sur une musique qui frise la country, Charden balance en douceur - un peu façon Dylan - quelques vérités sur les fâcheux travers de notre société, ses dérives, sa débauche, sa médiocrité. Un "portrait" à l'acide.
2/ 60 ans. Un bijou allègre et réjouissant, à 200% autobiographique. Après avoir exposé les petites contrariétés dues à l'âge comme l'insomnie, la vue qui baisse, le coeur qui s'essouffle, il dresse, sans complaisance aucune, son autocritique : "J'ai toujours vécu dans les nuages et à l'ouest, plein de conneries attachées à mes fesses". Si ça, ce n'est pas de la lucidité ! Mais cette chanson, au rythme entraînant, est avant tout un formidable hymne à la vie, un torrent chargé d'amour. Par moment, quand Eric swingue, on a l'impression d'entendre Nino Ferrer. Ecoutez bien ; c'est troublant.
3/ Suzanne invente des amours. Une chanson sur la solitude. Une solitude que Suzanne tente de remplir à grand renfort de fantasmes. Le texte est très descriptif - on est projeté en Bretagne - on voit le paysage. la force de cette chanson est justement cette adroite juxtaposition entre un décor réaliste et concret et des amours imaginaires. Un vrai petit film qui se déroule sur une ambiance rock'n'roll.
4/ Ce n'est pas vrai. Une jolie complainte pour exprimer la crainte d'un monde qui s'autodétruit. Mais cette appréhension est nuancée par une volonté d'espoir en l'humanité. Sobre et efficace. A noter un son de guitare vraiment joli.
5/ 5 de Coco. Sensation de voir en légèrement accéléré un petit film couleur sépia empreint d'une nostalgie amusée sur les années folles, ou bien de feuilleter un Jour de France, le grand frère en plus classieux de Match. Un bel hommage à Coco Chanel et à son époque.
6/ Je te ramasse. La dépendance et le besoin de l'autre avoués sur un ton faussement détaché. Une quête d'amour pleine d'humilité, d'altruisme et de générosité. Une main tendue et un coeur ouvert. Ou l'art subtil de se moquer de soi-même à travers un fiasco assumé.
7/ Je vous retiens. Fermez les yeux. On croirait entendre Hugues Aufray ! Une ode doucement jazzy à l'amour de l'amour. Le Charden nous semble être un homme en demande d'amour et en offre d'amour perpétuelles. Il en veut et il veut en donner. Très émouvant.
8/ Le loup. Une java rigolote en duo avec une fillette qui joue à se faire peur. C'est joli comme tout, mignon, sympa, plein de tendresse. Dans leurs voix, on voit leurs sourires complices. Une chanson clin d'oeil, courte, à part, intemporelle.
9/ Amour, amour. L'amour, toujours l'amour. La plainte d'un affamé sur l'importance, sur la nécessité de l'amour. Une interprétation pleine de sensibilité, une jolie mélodie sublimée par une superbe partie de piano.