mardi 4 septembre 2007

Eric Charden


Amalavague
"Une rose, un baiser et c'est tout"

Ma note : 6/10

Une (très) bonne surprise de la rentrée que cet album de monsieur Eric Charden ! Oui, oui, LE "Charden" de "Stone et Charden" lui-même.
Disons-le tout net : le vrai, l'authentique Eric Charden est bien plus contenu dans cet album que dans toutes les chansonnettes à succès qu'il a commises dans les années 70, de L'Aventura à Made in Normandie, en passant par Il y a du soleil sur la France ou Le prix des allumettes. Aux antipodes de ce fonds de commerce plaisant, enjoué et ludique qui continue certainement à le faire vivre, il existe un homme sensible, pour ne pas dire hypersensible, passablement angoissé, et trimballant comme tout un chacun d'un peu réfléchi son fardeau de problèmes existentiels. Il s'est longtemps complu à donner de lui une image pleine d'exubérance, de provoc', de j'menfoutisme ennuyé, de folie douce. Tout cela parce que, vraisemblablement, il ne revendiquait pas les calembredaines guillerettes qu'il interprétait alors avec sa blonde épouse...
Son expression était ailleurs ; dans des chansons plus intimistes, plus profondes aussi.
On comprend donc combien il a dû se faire plaisir en enregistrant ce nouveau CD au titre révélateur. "Amalavague", ce n'est pas tout à fait du vague à l'âme, mais c'est tout de même abandonner son âme aux flots et la laisser ballotter au gré des courants telle une bouteille à la mer. Il y a dans cet album une forme aimable de mélancolie à la fois distanciée et positive. Même s'il n'en a pas écrit la plupart des textes, laissant cette mission à l'excellent Franck Thomas, il y a mis énormément de lui-même. Cet album très personnel est plein d'amour et de tendresse. La voix est retenue, parfois dans le souffle, parfaitement maîtrisée, swinguant naturellement quand le besoin s'en fait sentir.
Les thèmes abordés sont plutôt sérieux, mais il ne plombe jamais l'ambiance justement grâce à cette façon sobre et légère de dire les choses. Dans cet album très agréable à écouter, Eric Charden évoque des sujets aussi divers que les problèmes de l'environnement, les dérives de la société, l'acceptation de la soixantaine, l'adoption, les années 30, la solitude...

Mon hit parade :
1/ Le portrait de Dorian Gray. Une chanson originale au texte intelligent. Sur une musique qui frise la country, Charden balance en douceur - un peu façon Dylan - quelques vérités sur les fâcheux travers de notre société, ses dérives, sa débauche, sa médiocrité. Un "portrait" à l'acide.
2/ 60 ans. Un bijou allègre et réjouissant, à 200% autobiographique. Après avoir exposé les petites contrariétés dues à l'âge comme l'insomnie, la vue qui baisse, le coeur qui s'essouffle, il dresse, sans complaisance aucune, son autocritique : "J'ai toujours vécu dans les nuages et à l'ouest, plein de conneries attachées à mes fesses". Si ça, ce n'est pas de la lucidité ! Mais cette chanson, au rythme entraînant, est avant tout un formidable hymne à la vie, un torrent chargé d'amour. Par moment, quand Eric swingue, on a l'impression d'entendre Nino Ferrer. Ecoutez bien ; c'est troublant.
3/ Suzanne invente des amours. Une chanson sur la solitude. Une solitude que Suzanne tente de remplir à grand renfort de fantasmes. Le texte est très descriptif - on est projeté en Bretagne - on voit le paysage. la force de cette chanson est justement cette adroite juxtaposition entre un décor réaliste et concret et des amours imaginaires. Un vrai petit film qui se déroule sur une ambiance rock'n'roll.
4/ Ce n'est pas vrai. Une jolie complainte pour exprimer la crainte d'un monde qui s'autodétruit. Mais cette appréhension est nuancée par une volonté d'espoir en l'humanité. Sobre et efficace. A noter un son de guitare vraiment joli.
5/ 5 de Coco. Sensation de voir en légèrement accéléré un petit film couleur sépia empreint d'une nostalgie amusée sur les années folles, ou bien de feuilleter un Jour de France, le grand frère en plus classieux de Match. Un bel hommage à Coco Chanel et à son époque.
6/ Je te ramasse. La dépendance et le besoin de l'autre avoués sur un ton faussement détaché. Une quête d'amour pleine d'humilité, d'altruisme et de générosité. Une main tendue et un coeur ouvert. Ou l'art subtil de se moquer de soi-même à travers un fiasco assumé.
7/ Je vous retiens. Fermez les yeux. On croirait entendre Hugues Aufray ! Une ode doucement jazzy à l'amour de l'amour. Le Charden nous semble être un homme en demande d'amour et en offre d'amour perpétuelles. Il en veut et il veut en donner. Très émouvant.
8/ Le loup. Une java rigolote en duo avec une fillette qui joue à se faire peur. C'est joli comme tout, mignon, sympa, plein de tendresse. Dans leurs voix, on voit leurs sourires complices. Une chanson clin d'oeil, courte, à part, intemporelle.
9/ Amour, amour. L'amour, toujours l'amour. La plainte d'un affamé sur l'importance, sur la nécessité de l'amour. Une interprétation pleine de sensibilité, une jolie mélodie sublimée par une superbe partie de piano.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour, merci pour cet article très bien mené...
Etant admiratrice de la carrière d'Eric Charden je ne peux que vous en féliciter...
Cet album est attendu et j'espère de tout coeur qu'il laissera une empreinte...
Petite anecdote : la fillette qui chante Le loup n'est autre que sa propre fille Nolwenn âgée de 9 ans...