jeudi 8 novembre 2007

La chambre des morts


Un film écrit et réalisé par Alfred Lot
D'après le livre de Franck Thilliez
Avec Mélanie Laurent (Lucie), Eric Caravaca (Stéphane Moreno), Gilles Lellouche (Sylvain), Jonathan Zaccaï (Vigo), Céline Sallette (Annabelle), Laurence Côte (Alex), Nathalie Richard (Raphaëlle Valet)...
Sortie : 14 novembre 2007

Ma note : 8/10

Synopsis : Une nuit, dans le Nord de la France, Sylvain et Vigo, deux informaticiens au chômage un peu paumés font les cons en voiture dans une zone portuaire. En tentant d'éviter un train, ils percutent un homme surgi de nulle part et le tuent. A ses côtés, ils découvent un sac rempli de billets. 2 millions d'euros qui leur tombent tragiquement du ciel ! Apparemment, il n'y a eu aucun témoin de l'accident ; plutôt que d'appeler la police, ils décident, malgré les réticences de Sylvain, de se débarrasser du corps et de garder le pactole...
Le lendemain, dans un entrepôt situé à quelques mètres du lieu de l'accident, la police retrouve le corps de Mélodie, une fillette aveugle qui avait été enlevée. Son père, qui devait apporter les 2 millions de la rançon, a mystérieusement disparu...
Une autre enfant, diabétique cette fois, est kidnappée...
A l'hôtel de policde de Dunkerque, la course contre la montre est lancée. Lucie, jeune brigadier de 26 ans, se voit confier sa première enquête. Elle fait équipe avec le lieutenant Stéphane Moreno...

Mon avis : Quel film ! Pendant deux heures, je suis resté scotché à mon fauteuil, totalement captivé par l'histoire - ou plutôt les histoires - qui se déroulaient devant moi. Grand amateur de polars (c'est mon unique lecture dans le métro), je me suis régalé. Franchement, quand on reçoit de plein fouet un tel film, on se dit qu'on n'a vraiment rien à envier aux Américains. C'est Le silence des agneaux dans le Nord-Pas de Calais ! D'ailleurs, le réalisateur, Alfred Lot, dont il faut souligner au passage que c'est son premier long métrage, ne se gêne pas pour adresser un petit clin d'oeil en forme d'hommage référenciel au film de Jonathan Demme... Mais il ne faut surtout pas focaliser là-dessus, La chambre des morts n'a pas besoin d'être comparée à quoi que ce soit. C'est un film tellement français, qui existe par lui-même, une formidable réussite dans tous les domaines : le suspense, l'action, la peinture sociale, l'image, la bande-son, le jeu des comédiens... Respect total ! Grand bonheur de spectateur.
La chambre des morts est un film gigogne comme on a appris à les aimer. Ce sont plusieurs destins qui évoluent d'abord en parallèle, puis qui, sous l'effet d'un engrenage fatal, s'affolent soudain et se mettent à s'entrecroiser. C'est absolument magistral. La tension est permanente. Il n'y a pas de héros dans ce film. Que des gens on ne peut plus banals amenés à vivre des événements extraordinairement dramatiques. Certains les provoquent et les subissent involontairement (Sylvain et Vigo), d'autres tentent de les maîtriser (les flics). Mais ce film dépasse aussi la simple notion de polar. La peinture sociale y est traitée avec beaucoup de vérité, crûment et sans pathos. Les ressorts psychologiques de tous les personnages principaux sont fort bien décortiqués. Pas une fausse note.
Autre aspect passionnant de ce film, on en suit l'évolution de l'enquête au fil des déductions des policiers comme si l'on était au milieu d'eux.
Et puis il y a les décors, les paysages. Cette région de Dunkerque nous apparaît dans toute son âpreté et son austérité. De nombreuses scènes se passent de nuit, il pleut, il fait du vent. Et, soudain, parmi tous ces paysages rudes et tristounets, apparaissent tels des ilôts ou des oasis, des décors d'une incroyable esthétique, à la fois kitsch, luxuriante et baroque (l'atelier du taxidermiste, le loft du prédateur, la boîte de nuit) qui témoignent du rare soin apporté à leur réalisation.
Enfin, il faut évoquer le casting de La chambre des morts. Il y a pour chacun des personnages la bonne personne à sa bonne place. Ils nous sont immédiatement familiers. C'est nous, ce sont nos voisins que l'on voit se démener sur l'écran face à des situations tragiques. Mélanie Laurent (Lucie) est émouvante, fragile et en même temps toutà fait déterminée ; on lit souvent de la mélancolie et de la tristesse dans son regard. Toute en sobriété et dépouillement, elle n'en est que plus efficace. Eric Caravaca est totalement crédible ; son jeu est subtil, tout en nuances avec sa difficulté soudaine à faire cohabiter en lui l'homme et le flic. Jonathan Zaccaï est terrible de normalité. La fatalité fait de lui une ordure banale, un Dupont Lajoie pitoyable. Son comportement est d'une logique implacable, on ne peut l'excuser, mais on comprend sans problème ses réactions. Gilles Lellouche tient sans doute là un de ses rôles les plus forts. Jouet emporté et ballotté par un torrent de violence, il est amené à exprimer la palette de sentiments la plus large qui soit. Il atteint des sommets d'émotion... Alfred Lot a également déniché quelques personnages pittoresques, de vraies gueules, qui enrichissent encore plus sa distribution.
L'introduction du film, toute en noir et blanc, est terrible. Quand on passe à la couleur, les images sont hyper dures, froides, sans concession, très peu léchées ce qui ajoute encore au réalisme. Il y a des scènes d'une tension extrême, pas de temps mort, l'intrigue est super bien ficelée et d'une lisibilité totale.
Bref, La chambre des morts est un des meilleurs polars qu'il m'ait été donné de voir. Au risque de me répéter : les Américains vont être vachement jaloux...

Aucun commentaire: