lundi 22 décembre 2008

Les Sea Girls "Chansons à pousse-pousse"


La Nouvelle Eve
25, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 48 65 97 90
Métro : Blanche / Pigalle

Avec Judith Rémy, Prunella Rivière, Elise Roche, Delphine Simon
Accompagnées par Benoît Simon (guitare) et Christophe Dorémus (contrebasse)

Ma note 8,5/10

Le spectacle : Les Sea Girls chantent, dansent, portent bien la moustache, sont grandes et petites, blondes, brunes ou un peu rousses, elles aiment le fromage, les personnes d'un certain âge et... faire pipi sur le gazon.

Mon avis : Quatre filles dans le vent ; dans un vent de folie. Avec ce carré de dames sans coeur, les mecs bêtes à bouffer du trèfle se tiennent à carreau devant leurs piques. Car ces péronnelles sont tout autant espiègles, taquines, vachardes, cruelles, coquines qu'égrillardes. Mais, quand il leur arrive, plus ou moins consciemment, de baisser la garde, elles peuvent se révéler sentimentales (si, si), adorables, émouvantes, voire fragiles (pas trop quand même !) Heureusement, elles se ressaisissent vite.

Les Sea Girls ? C'est vague comme nom. On entend "les Six Girls", mais elles ne sont que quatre, à moins que leurs deux accompagnateurs... Mais cela ne nous regarde pas. Ce sont donc quatre filles-mer ; un bouquet de crevettes envoûtantes comme des sirènes. Mais, contrairement à Ulysse, devant leurs chants, on a pas envie de se faire attacher. On veut jouir d'elles sans entraves. Même s'il est impossible de prendre un air détaché face à certaines de leurs abominations à l'encontre de la gent masculine. C'est qu'elles ont parfois la quenotte dure les murènes !

Vu le soin qu'elles ont apporté à leur esthétique, ce sont bien des filles. Ah ça, elles aiment les fanfreluches, les tissus satinés, les soieries, les rubans, les paillettes... Et pis elles en arborent des coiffures bien compliquées. A thématique bucolique car composées avec des plumes, des feuilles, des plantes, des étoiles... Voilà, le décor sera complètement planté quand on y aura ajouté un gramophone de caractère très instable et, surtout, histoire de justifier le titre de ce spectacle, un superbe pousse-pousse côté jardin (normal). Et des chinoiseries, il va y en avoir...

Les Sea Girls ne nous font pas mariner longtemps. Question existentielle (pour elles en tout cas) : Où sont passés les hommes ? C'est leur problème après tout, si elles en croisent peu. Elles n'ont qu'à être un peu plus aimables avec le sexe fort... Il serait incongru de trop en dévoiler sur ce spectacle à nul autre pareil. Ces filles sont folles ! Elles ne reculent devant aucune audace. Pour elles, il eût fallu inventer le terme de comiques-troupières. Cascades, chorégraphies improbables, rivalités sournoises, recherche de la femelle dominante, sensualité débridée (paradoxal près d'un pousse-pousse). Elles ne sont solidaires que dans un seul domaine : vilipender et ridiculiser les hommes. Littéralement exécrabes, elles nous étrillent !

Même si ça écorche un peu les babines de le dire, il faut reconnaître que dans leurs huitres, on trouve des perles. Elles ne se noient jamais dans la facilité, leurs chansons ne sont jamais mièvres... Je suis une crevette est une variation de bon thon sur la faune aquatique. On ne peut aussi que saluer leur honnêteté quand elles claironnent Je cherche un riche, ainsi que leur grandeur d'âme quand elles font l'apologie des bars à putes... A travers différents arrangements, elles nous invitent également au voyage sur des musiques orientales, polynésiennes ou acadiennes. Elles se risquent même vers la chanson réaliste pour nous présenter leurs meilleurs vieux. En revanche, elles ne devraient peut-être pas s'aventurer dans la magie tant leur numéro est grotesque et lamentable (à moins que ce ne soit voulu). Et pour nous faire encore plus poiler, elles n'hésitent pas à s'affubler de grosses moustaches...

Il y a beaucoup à dire sur ce show vraiment épatant, riche et foisonnant de trouvailles et d'une belle énergie. Merveilleusement complices (sur la gazon comme sur la scène), elles s'entendent comme larronnes en foire. Elles se moquent comme de leur première brassière de prendre des poses ridicules, de fouler du pied leur féminité, de s'enlaidir avec des grimaces outrées..
Bref, Les Sea Girls, c'est vache, c'est vachement bien. C'est un spectacle garanti iodé ; fou, inventif, déjanté et vraiment généreux (pas que dans les formes). Laissez-vous embarquer par elles pour cette désopilante croisière au fil de la scène. Pour moi, c'est foutu. Je ne serai jamais un mâle de mer, j'ai adhéré à leur fan-club masculin : je suis devenu un Sea Sea Rider...
Au fait, j'allais oublier : elles ne font pas que chahuter sur scène, elles chantent vraiment très très très bien.

Orphéon Célesta "de la fuite dans les idées"


La Nouvelle Eve
25, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tél : 08 92 70 75 07
Métro : Blanche / Pigalle

Mise en scène de Nicolas Lormeau et Emmanuel Hussenot
Avec Emmanuel Hussenot (sax alto, trompinette, flûte à bec, kazoo, ustensiles ménagers, vocals), Patrick Perrin (soubassophone, percussion, kazoo, vocals), Christian Ponard (guitare, banjo, cornet, kazoo, vocals)

Ma note : 7/10

Le spectacle : Trois jazzmen de talent, bricoleurs éclectiques, comédiens surdoués, enchaînent avec précision gags et parodies à la recherche d'effets musicaux orignaux pour la bande son d'un film. A la clef : un gros contrat avec Hollywood ! Le plus petit big band du monde renouvelle les grands standards du jazz, détourne objets et situations, revisite avec fougue le répertoire classique et populaire, dévoilant le "making off" de son univers musical insolite, loufoque et jubilatoire, à la fois brulesque et poétique.

Mon avis : Ils sont très élégants nos trois orphéonistes célestes dans leur tenue noire rehaussée d'un galon blanc parfaitement symétrique. Dès les premières notes, on sait qu'on va entendre de la bonne musique. Dès les premiers gestes, on sait que l'on va s'amuser. Sweet Georgia Brown nous insuffle immédiatement entrain et bonne humeur, alors que le Duelling Banjos qui lui succède nous tire aussitôt vers la performance. Accidents de scène, gags, clins d'oeil, détournements, utilisation de gadgets, bruitages, bande son hilarante... nos trois energumènes ont ouvert en grand le robinet de l'inventivité burlesque. Ils adaptent au gré de leur fantaisie débridée toutes sortes d'univers musicaux : jazz (surtout), classique, musique western, musique de dessin animé... Ce sont Tex Avery et Spike Jones qui auraient fait copain-copain avec Duke Ellington et Beethoven. Drôle de résultat !

Parfaitement impassibles, avec un humour très british, ils se livent à des tableaux totalement incongrus et surpenants que seule leur grande maîtrise de leurs différents instruments peut leur permettre d'accomplir. Banjo à quatre puis à six mains, numéro de dressage "éléphantesque", version parodique particulièrement "aiguisée" de Just A Gigolo, jouant comme des casseroles au sens propre du terme, adaptant savoureusement Ol' Man River en gospel, flûte de pan transposée avec des canettes de bière (et pas en play-bock, s'il vous plaît ! Qui a dit que souffler n'était pas jouer ? On se prend à rêver d'une adptation de l'Ave Maria de Goulot)... on est sans cesse bluffé par leur créativité et leur virtuosité. Et je ne vous parle pas de leur mini-revue nègre à faire pâlir de jalousie Al Johnson lui-même car je préfère que vous la goûtiez dans toute son originalité.

Il faut emmener les enfants à ce spectacle. Ils vont découvrir la musique sous son aspect le plus ludique tout en assistant à un véritable cartoon exécuté par trois messieurs d'apparence faussement sérieuse. Un mini-jazz band aux néons de la Nouvelle Eve à ne pas rater. Eden garanti !

vendredi 12 décembre 2008

Un monde fou


Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : Trinité d'Estienne d'Orves

Une pièce de Becky Mode
Texte français d'Attica Guedj et Stephan Meldegg
Mise en scène de Stephan Meldegg
Avec Eric Métayer

Ma note : 8/10

L'histoire : Sam, acteur au chômage, arrondit ses fins de mois comme standardiste aux réservations d'un grand restaurant.
Eric Métayer joue Sam... et tous ses interlocuteurs au téléphone, ainsi que tout le personnel du lieu, qui intervient par interphone. cette trentaine de personnages nous montre un raccourci d'un monde saisissant. Sam s'approprie leurs voix, leurs corps, leur mental.
Froidement poli face aux caprices des VIP qui usent de sa patience, il prend le temps de répondre gentiment aux correspondants qui le méritent. Du haut de sa cuisine high-tech, le chef le harcèle, le manager le snobe, le cuistot oublie de lui garder son repas, on lui demande même d'exécuter les tâches les plus ingrates.
Et il y a son père, qui vit seul, et qui espère qu'il pourra se libérer pour passer Noël auprès de lui...


Mon avis : Amateurs de performance unique, précipitez-vous au Petit Théâtre de Paris voir un Grand artiste. On ne peut pas présenter cette pièce comme étant un one-man show puisqu'il y a en tout 32 personnages qui se succèdent sur scène. 32 personnage... et un seul acteur pour les interpréter ! Eric Métayer.
C'est tout simplement époustouflant. Comment fait-il pour enchaîner aussi rapidement les personnages, prendre leurs gestes, leurs accents (quand ils en ont un, ce qui est souvent le cas), leurs tics, leurs manies. Il mime les accessoires avec une précision incroyable. Son micro-téléphone, qu'il symbolise avec deux doigts, on le voit ! Et puis il y a cette multitude de bruitages, aussi précis que saugrenus car c'est tout un univers qui s'installe en quelques secondes à l'intrusion d'un nouveau personnage. Cet homme est un fou. mais un fou comme on les aime : loufoque, inventif, cartoonesque. Dans un rythme infernal, il se démène, gesticule... Il vit chaque situation avec une intensité telle qu'il fait passer ce que peut ressentir Sam, ses états d'âme, et il brosse en même temps les caractères de tous les intervenants. Quelle maîtrise !

Il n'y a pas que les clients qui viennent l'assaillir. Il y a son patron, sadique et tyrannique, ses collègues, plutôt timorés, sans relief et parfaitement égoïstes. Il y a aussi son père et son frère, un collègue apprenti comédien comme lui, l'assistant de son agent qui ne croit pas trop en ses talents...
Eric fait la pluie qui tombe, reproduit le bruit des voitures, les grincements d'un fauteuil roulant, il fait le chien, il fait même le homard qui vit ses derniers instants... Etc, etc... C'est carrément dingue, franchement hallucinant. Et c'est tellement plein d'humanité ! On se prend très vite d'affection pour ce pauvre Sam tellement exploité, tellement gentil, qui veut tellement rendre service à tout le monde et qui est au bord de l'implosion.
Eric Métayer fait preuve là d'une débauche d'énergie inouïe. Il nous fait bénéficier de tout le fruit des années passées à la ligue d'improvisation. Dans la salle, les gens, pris dans ce maelström insensé, hoquètent de rire. On est épuisé pour lui.
On comprend tout à fait pourquoi les gens de la profession lui ont décerné le Molière 2008 du "Spectacle seul en scène"...
Une performance qui fait date dans une carrière. On ne peut humainement aller plus loin dans le délire.

mercredi 26 novembre 2008

Patrick Fiori "Les choses de la vie"


Il y a belle lurette que l'on sait que Patrick Fiori possède une voix exceptionnelle. Il en donne régulièrement la preuve dans les émissions de télévision où il interprète de grands standards ou au sein de la joyeuse bande des Enfoirés. Ses prestations sont toujours impeccables.
Hélas, en dépit de cet incomparable atout, on ne peut pas dire que ses albums successifs se soient montrés à la hauteur de son talent et de ses possibilités. Il faudra bien qu'il y remédie un jour...
En attendant la naissance de cet opus très espéré, Patrick Fiori vient de nous concocter un album concept autour de ses musiques de films préférées. Et là, ON SE REGALE !!!
Le choix des titres s'avère réellement judicieux et éclectique. Patrick, on le sent, y a mis toute son âme. Il n'y recherche pas la performance vocale à tout prix - il n'a plus rien à prouver dans ce domaine - il s'exprime au contraire avec énormément de sensibilité et de nuances. Qu'il chante en français, en italien ou en anglais, c'est parfait. Evidemment, les mélodies sur lesquelles il a jeté son dévolu sont très porteuses et, pour la plupart, leurs ritournelles sont gravées dans notre mémoire cinématographique : Jeux interdits, Les parapluies de Cherbourg, Borsalino, Les choses de la vie, Manon des sources, Le Parrain, Fame... Que du lourd et du bien agréable à entendre, voire même à redécouvrir.
En prime, Patrick s'offre deux duos de grande qualité : le premier avec une des plus grandes dames de notre septième art hexagonal, Micheline Presles, et le second avec un autre phénomène vocal, Tina Arena (qui, soit dit en passant, se situe dans le même cas de figure que Patrick : elle n'a pas les albums que sa voix mérite).

Voici donc de la bien belle ouvrage. En se faisant ainsi plaisir, Patrick Fiori contribue amplement au nôtre. Son bonheur de chanter est palpable. Dans ce registre, il est vraiment sur la voix royale.

mardi 25 novembre 2008

Fin de partie


Théâtre de l'Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris
Tel : 01 46 06 49 24
Métro : Abbesses / Anvers / Pigalle

Une pièce de Samuel Beckett
Mise en scène de Charles Berling
Avec Charles Berling (Clov), Dominique Pinon (Hamm), Gilles Segal, Dominique Marcas

Ma note : 7/10

L'histoire : Pour Hamm, cloué dans son fauteuil à roulettes, les yeux fatigués derrière d'épaisses lunettes noires, il ne reste plus qu'à tyranniser Clov. Alors qu'au fond de cet intérieur vide, les parents de Hamm finissent leurs vies dans des poubelles, les deux héros répètent devant nous une journée visiblement habituelle. Ils dévident et étirent ensemble le temps qui les conduit vers une fin qui n'en finit pas, mais avec jeu et répartie, comme le feraient deux partenaires d'une ultime partie d'échecs. Ainsi, les mots triomphent, alors que les corps, dévastés et vieillis, se perdent. Hamm et Clov usent du langage comme d'un somptueux divertissement en des échanges désespérés et tendres. Beckett a su avec jubilation écrire le langage de la fin, une langue au bord du silence, qui s'effiloche et halète, transparente et sereine, dernier refuge de l'imagination.

Mon avis : Samuel Beckett, c'est sûr, n'est pas le champion de la gaudriole. Et pourtant... Pourtant il réussit à nous faire rire avec ces deux paumés magnifiques, ces deux clowns tristes et pathétiques. Deux hommes qui n'ont plus que le luxe de la parole et des mots pour remplir leurs vies étriquées qui rampent inexorablement vers la fin.

Le décor est primordial. Il tient son rôle. C'est une sorte de cachot grisâtre, sordide, austère et ténébreux. Au premier plan, deux énormes poubelles. Cloué sur un fauteuil à roulettes antédiluvien, Dominique Pinon est saississant. En dépit de son immobilité, c'est lui qui dirige autoritairement les opérations.
Quant à la composition de de Charles Berling, elle est tout aussi fascinante. Le dos voûté, se déplaçant à petits pas hésitants, répétant à l'infini les mêmes gestes, apathique, résigné, c'est une sorte d'automate servile et maladroit qui subit sans broncher la tyrannie de son colocataire.

Mais peu à peu, on s'aperçoit dans ce huis-clos éprouvant que les deux hommes sont dépendants et ont terriblement besoin l'un de l'autre. En fait, toute la dramaturgie de la pièce repose sur leurs échanges. Les répliques fusent comme des exocets. Avec un sens du verbe étourdissant, Samuel Becket a cidelé des dialogues reposant sur une logique implacable dans... le non-sens. Il en faut du talent pour réussir à rendre l'absurde aussi concret, aussi compréhensible. Du coup, on se surprend à rire beaucoup, le plus souvent assez nerveusement car on se sent quelque peu gênés de faire ainsi intrusion dans le monde intime et feutré de ces deux personnages. La pièce dégage une sensation de fin du monde et de fin de race. C'est une fin de partie où il n'y aura que des perdants ; on le sent, on le sait, c'est inéluctable.

Qu'ajouter de plus sur Dominique Pinon et Charles Berling. Voici, à coup sûr, deux prétendants légitimes aux Molières. Le premier, avec sa voix rocailleuse et tonitruante et ses gestes compulsifs, exprime sa souffrance en se montrant agressif et injuste. Sa composition est proprement hallucinante. Quant au second, il se meut comme si toute vie était rentrée à l'intérieur de lui. Il est falot, effacé, terne. Et soudain, il s'emballe et expulse quelques fulgurances d'une extrême lucidité et qui touchent juste. Quel duo ! Que le théâtre est estimable quand il nous permet d'assister à de telles prestations avec des comédiens d'une telle trempe...

vendredi 21 novembre 2008

Les aventures de la Diva et du Toréador


Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 83 04
Métro : Edgar Quinet / Gaîté

Un spectacle de Raphaëlle Farman et Jacques Gay
Piano : Fabrice Coccito
Costumes : Monika Eder

Ma note : 8/10

L'histoire : Au cours d'une réception, une diva célèbre, fraîchement veuve (mais pas très éplorée), fait la connaissance d'un toréador auréolé de gloire (et un tantinet arrogant).
Entre eux deux, le coup de foudre est immédiat... Et nous volià entraînés dans une histoire d'amour pleine de rebondissements, prétexte à un voyage musical à travers les plus belles pages de l'opéra, de l'opérette et de la comédie musicale (Carmen, La Vie parisienne, West Side Story, la Traviata, Night and Day, Véronique...)

Mon avis : Un délire total ! Mais un délire parfaitement maîtrisé. L'action se déroule dans un décor espagnol cossu très stylisé en rouge et noir. Un laquais emperruqué en livrée répondant au nom de Firmin commence à vaquer dans la pièce. A l'apparition de son maître, El toréador, il se glisse prestement au piano pour y interpréter l'ouverture du Barbier de Séville. La terreur des toros, gommeux et suffisant, se la pète un peu. Mais à l'entrée de la Diva, superbe créature élégante et féline, il a plutôt tendance à se métamorphoser en loup de Tex Avery et à vouloir lui faire une cour effrenée. Il ne perd d'ailleurs pas son temps pour commencer à planter des banderilles.
Le duel est lancé. Tant sur le plan vocal que dramaturgique. La mise en scène déborde d'inventivité. il faut rester tout le temps en éveil car l'action, comme le décor, sont truffés de détails saugrenus. Comme la présence symbolique de paires de cornes disséminées un peu partout... Nos deux protagonistes prennent des poses et des postures très théâtrales, gentiment outrées. Au fur et à mesure de leur joute par chansons interposées, des accessoires apparaissent judicieusement pour souligner et illustrer l'action. La Diva joue les allumeuses, le torédor les amoureux transis. On est dans un remake burlesque de la Femme et le Pantin.
Nos deux héros ne s'épargnent rien, ne se refusent rien. Avec des mimiques dignes du cinéma muet, ils n'ont pas peur du ridicule. C'est plein de petites astuces. Les (nombreuses) tenues de scène de la Diva sont magnifiques. Il faut bien reconnaître qu'elle porte admirablement la toilette. Y compris quand elle arbore une superbe panoplie de dominatrice SM !

Les aventures de la Diva et du Toréador sont un trépidant duel à fleurets pas toujours mouchetés. C'est un bras de fer dans un gant de velours. Le rythme est soutenu. On est plié de rire par des gags dignes de cartoons, par des clins d'oeil appuyés vers des film ô combien kitsch. On sent venir le quiproquo gros comme l'Opéra Bastille, et ils s'engouffrent dedans à fond les manettes pour notre plus grand bonheur. C'est complètement déjanté, farfelu à souhait, mais c'est également de la haute voltige théâtrale et vocale. Aidés en cela par Fabrice Coccito, un inénarrable pianiste facétieux et débordant de talent, Raphaëlle Farman, la Diva soprano, et Jacques Gay, le toréador baryton, comblent autant de plaisir les mélomanes avertis que les amateurs de comédie pure. Dans un domaine comme dans l'autre, il n'y a pas une seule fausse note. Cette fantaisie lyrique est une véritable prouesse à tout point de vue. De vue et d'ouie, d'ailleurs car ces deux sens sont réellement comblés. Il y a là un travail incroyable, fin et intelligent, qui fonctionne au millimètre. C'est le genre de spectacle qu'il faudrait voir une deuxième fois tant il est riche en péripéties.

jeudi 20 novembre 2008

Gérard Miller "Manipulations, mode d'emploi"


Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : Trinité d'Estienne d'Orves

Ma note : 7/10

Le sujet : Mis en scène par Agnès Boury, Gérard Miller, pour la première fois, joue seul sur scène un spectacle qu'il a présenté pendant un mois au festival off d'Avignon. Il y dévoile avec humour et ironie les manigances des "grands hypnoptiseurs", de Frantz-Anton Mesner à Nicolas Sarkozy.
Pourquoi nous laissons-nous embobiner aussi souvent ? Pourquoi est-il aussi facile de nous séduire et de nous tromper ? De quelles façons, celles et ceux que notre coeur plébiscite nous capturent-ils dans leur filet ? Que nous disent-ils qui nous touche ? Que voyons-nous en eux qui nous attire ? Sommes-nous donc tous hypnotisables ? Et vous, ce soir, au Petit Théâtre de Paris, vous laisserez-vous piéger ?

Mon avis : Gérard Miller fait du Gérard Miller, et c'est ce que l'on attend de lui... Décontracté, en chemise et jeans, il arpente le salon qui jouxte la salle de théâtre à l'accueil des spectateurs. Il a envie de connaître au plus près les gens qui se déplacent ainsi pour le voir et l'entendre.
Pas de rideau. Un décor simplissime : une petite table-bureau nappée de tissu rouge sur laquelle trônent une demi-douzaine d'ouvrages. Et à l'angle, face au public, quelques portraits. A notre entrée, c'est celui de Sarkozy qui nous regarde. Ce qui semble cocasse, c'est de découvrir notre président dressé devant... un rideau de fer ! Une troublante impression sulbiminale.

On connaît les opinions de Gérard Miller, on connaît son engagement et sa passion pour la chose politique, on n'est donc pas surpris de le voir attaquer par quelques saillies bien venues sur le duo Sarko/Ségo. A partir de là, il nous invite à pénétrer avec lui dans le mystère de nos enthousiasmes, de nos passions. Voit-on vraiment l'Autre comme il est ? Prenant un couple pour témoins, il étaie ses explications avec des exemples concrets et des témoignages ; il nous impose même quelques exercices communs. Et puis, il aborde le thème des phénomènes hypnotiques. Mais en réalité, tout est lié.

Les différents sujets qu'il aborde et développe découlent souvent les uns des autres. Le pouvoir des mots, le pouvoir de la suggestion, la crédulité, l'émotion engendrée par le pouvoir, la force persuavive des déclarations vagues (quel titre !), la force des injonctions répétitives...
Gérard Miller est un médecin légiste des âmes. Son esprit, affûté comme un scalpel, démonte toutes ces mécaniques qui influencent nos comportements. Utilisant un langage simple et imagé, ses exposés sont limpides, ses analyses sont imparables, ses conclusions évidentes. Parce qu'on comprend tout ce qu'il nous dit et que l'on adhère le plus souvent, on se sent parfois bien plus intelligents qu'on ne l'est en réalité. Ce spectacle en forme de conférence interactive s'avère passionnant et même, parfois, étourdissant. Gérard Miller a l'art de décortiquer les cortex. Il est parfaitement à l'aise, très volubile. Le point fort de sa prestation c'est qu'il illustre tous ses sujets avec des exemples et des faits concrets. On n'est jamais largué. On sourit souvent devant les évidences. Le problème, c'est qu'on aurait été incapable de les expliquer. Sa formulation nous est donc très utile.

ce soir-là, parmi le public buvant les paroles du maître, se trouvaient Philippe Geluck et André Manoukian. Gérard Miller, qui a ses détracteurs, possède aussi ses disciples. Très honnêtement, on passe en sa compagnie un excellent moment au Petit Théâtre de Paris avec ce long exposé qui au moins le mérite d'être complètement original... et édifiant.

mercredi 19 novembre 2008

Elisabeth Buffet


Théâtre de Dix Heures
36, boulevard de Clichy
75018 Paris
Tel : 01 46 06 10 17
Métro : Pigalle

Ma note : 8/10

Le contenu : Dans un langage bien à elle, cette quadra un brin fodingue mais au caractère bien trempé, s'attaque au "nouvel éternel féminin" dans lequel bien des femmes se reconnaissent. Un univers dont les hommes ne sont pas exclus, bien au contraire, ils sont omniprésents !

Mon avis : Légèrement introverti, je ne suis pas quelqu'un qui éclate facilement de rire. Quand je trouve quelque chose de vraiment drôle, je souris plutôt. Mais là, je dois avouer que je me suis laissé plusieurs fois prendre. Et j'étais loin d'être le seul. Etant placé au fond, j'ai rarement vu une salle ressembler autant à une houle tant les épaules tressautaient, secouées qu'elles étaient par des fous rires incontrôlables et incessants...
Elisabeth Buffet, est un sacré personnage. Une sacrée bonne femme. le visage expressif et avenant, le corps en exutoire, elle nous rentre immédiatement dans le lard. C'est qu'elle ne recule devant aucune audace la donzelle, ni physique, ni verbale. Elle, elle appelle un chat un chat ; elle ne s'emberlificote pas de périphrases et de circonvolutions. Elle ne tourne pas autour du pot. Du pot, de toute façon, elle n'en a pas. Surtout dans ses relations amoureuses.
D'abord en robe de chambre satinée bleu ciel (si, si...), puis en négligé, elle se bagarre avec ses rondeurs pour enfiler un pantalon qui n'est plus vraiment à sa taille ; et, tout en bataillant ferme, elle part dans des digressions bien senties dont le thème central reste l'amour... Pour aborder l'orgasme féminin, elle remonte à l'Eden et puise dans la Bible... Un peu plus tard, dissertant sur l'onanisme, elle illustre ses commentaires de force détails scabreux et croustillants, décrit quasi cliniquement certaines situations appartennant généralement au domaine de l'intime.
Avec une énergie de tous les instants, sans aucune inhibition, elle raconte, mime. Chaque sketch donne lieu à une histoire finement observée. Elle est tellement expressive que l'on s'y voit. On l'accompagne aux toilettes, on souffre avec elle devant ses problèmes que lui posent les chiottes à la turque ; tout en se poilant beaucoup, on est solidaire de sa séance d'épilation ; on est certes délicieusement choqué par sa visite à la maternité où sa soeur vient de mettre bas. Mais on compatit car, derrière les propos acerbes et fielleux, au-delà de cette jalousie pernicieuse, on sent un profond désarroi ; on partage sa révolte contre un dîner où le vin et l'alcool sont totalement prohibés par ses hôtes ; on est tout nus avec elle sur une plage du Cap d'Agde où elle pratique le naturisme...

Vous l'aurez compris, Elisabeth Buffet est tout le contraire d'un parangon de vertu. C'est plutôt une championne de la gaudriole. Mais pas de la gaudriole gratuite et bêtement provocatrice. En effet, il y a toujours du fond car elle reste de bout en bout terriblement femme. C'est audacieux, osé, très cru, elle ne s'embarrasse d'aucun tabou, et ce n'est JAMAIS VULGAIRE. Ses saynètes sont tellement empreintes d'autodérision (car elle se moque d'abord d'elle-même) qu'on lui pardonne tout. C'est superbement écrit (je vous recommande plus particulièrement ses savoureux poèmes en alexandrins dans lesquels la césure ne rime pas avec censure), c'est remarquablement joué (quelle comédienne ! Quelle vitalité). Elle possède un sens de l'observation unique, très personnel. Bref, elle ne ressemble à aucune autre.
La salle toute entière se marre, se gondole, hoquette de rire...
En guise de conclusion, le mieux est de citer une de ses boutades qui résume à elle seule le ton de dame Elisabeth : "J'adore les vieux. Mais pas pour me les mettre dedans. je ne suis pas un cercueil !"

mardi 18 novembre 2008

Il était une fois Franck Dubosc


Palais des Sports
1, place de la Porte de Versailles
75015 Paris
Tel : 0 825 038 039
Métro : Porte de Versailles

Ma note : 8/10

L'histoire : Du ventre de Janine à ses premiers pas sur scène, Franck Dubosc nous raconte la vie d'un petit garçon bien ordinaire...

Mon avis : ce spectacle est le plus personnel, le plus autobiographique de Franck Dubosc. A 45 ans, il a décidé de laisser au vestiaire la panoplie qui a fait son succès, celle du pseudo aventurier mytho et narcissique, du séducteur patenté. Gonflé, il a tenté la gageure de faire rire avec sa propre vie. Il nous fait cette fois du "franc" Dubosc et c'est vraiment réussi.

Il attaque bille en tête, au tout début de son existence, avec sa naissance, ne nous épargnant aucun détail, y compris chiffré : date, poids, taille... Bien sûr, de temps à autre, son récit est émaillé de ces réjouissantes exagérations qui font son charme. Et, de fait, il va sans cesse osciller entre réalité vraie et réalité boursouflée. Au passage, il se livre à un court récapitulatif de ses spectacles précédents, ce qui a évidemment l'heur de plaire à ses inconditionnels. Il joue sans cesse avec le public, le prend à témoin... Systématiquement, sciemment, il se déprécie, se ridiculise. Et il nous confie des travers terriblement intimes comme, entre autres, sa terrible dépendance aux pépitos...
Et puis le voici à 14 ans. Eveil de la sexualité, vrais boutons d'acné, fausses pistes et pirouettes. L'autodérision est à son summum. Ce sont les années Bi-actol, la première boum, le premier patin, les premiers émois. Et ça se termine carrément en histoire gore.
Ensuite, place aux années 80, aux années disco. Clin d'oeil très appuyé (et apprécié) au film et à Didier Travolta. Il se mue alors en chorégraphe, donne des leçons de danse à une poignée de spectateurs invités sur scène. Physiquement, il assure, il est au top. Il fait ce qu'il veut de son corps. C'en est énervant.
Suite logique, après les premiers émois, place à la première relation amoureuse. On ne peut trop en dire sinon qu'il la commente d'une manière très militaire, façon commando, avec bruitages amplifiés... Apocalypse now ? Non, Ah l' pot qu'a l' slip now !!!
Puis il a 18 ans. ce qui n'est pas un inconvénient "majeur" puisqu'il s'offre ses premières vacances en solo et qu'il se retrouve malgré lui confronté à une affectueuse variété d'homos sapiens.

2 octobre 1983. 25 ans déjà ! C'est l'arrivée à Paris. Totalement autobiographique. A travers un récit saupoudré de fulgurances poétiques, Franck révèle alors de remarquables dons de conteur. C'est qu'il lui en est arrivé des aventures... Et pas toujours à son avantage. Mais il a décidé de (presque) tout nous dire.
Quatorze années plus tard, il connaît sa première expérience de vie à deux. Avec la fameuse Véronique qu'il nous a présentée lors de son précedent spectacle. La vie d'artiste, la vie de Bohême, ne sont pas forcément compatibles avec les exigences du quotidien d'une vie de couple...
Mai 99 : il présente son tout premier one-man show...
Voilà, c'est fini. Le rideau se lève enfin. Kikito aura mis 36 ans pour devenir Franck Dubosc.
Quant au rappel, je vous en laisse la saveur, l'originalité.

Franck parvient parfaitement à nous amuser, à nous faire rire avec ses propres erreurs de genèse. Il nous livre énormément de confidences intimes sans être jamais impudique. C'est du funambulisme. Le fond de l'histoire est sérieux - puisqu'authentique - mais il a une telle façon légère, moqueuse et fantaisiste pour nous le narrer qu'il nous met aisément dans sa poche. L'émotion n'est jamais loin, mais il y a en permanence le filtre de l'humour et de l'autodérision pour que l'on ne bascule pas. Il n'a jamais été aussi sympathiquement lui-même. Et pourtant, à la manière du cochon qui sommeille chez certains hommes, on sent qu'il a toujours en lui, prêt à jaillir et à faire le paon, ce personnage fanfaron et hâbleur qui a fait sa gloire. Ce n'est pas du tout schizophrène, loin de là. Cela fait partie intégrante de sa personnalité. Il est parfois plus facile de cacher sa réelle fragilité derrière un hurluberlu frimeur et esbroufeur. C'est d'ailleurs parce que l'on sait tout ça qu'on l'aime encore plus.

Il était une (confession de) foi Franck Dubosc est donc un cocktail parfaitement réussi de tendresse et d'humour. A consommer sans modération aucune...

mardi 4 novembre 2008

Grease


Théâtre Comédia
4, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 38 22 22
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Livret, lyrics et musique : Jim Jacobs et Warren Casey
Mise en scène : Jeanne Deschaux et Olivier Bénézech
Adaptation : Stéphane Laporte
Direction musicale : Franck Sitbon
Direction vocale : Pierre-Yves Duchesne
Décors : Charles Auburtin
Costumes : Frédéric Olivier
Direction artistique : Serge Tapierman

Avec : Cécilia Cara (Sandy), Djamel Mehnane (Danny), Amélie Munier (Rizzo), Clémence Mérot du Barré (Frenchy), Virginie Perrier (Marty), Vanessa Cailhol (Jan), David ban (Kenickie), Fabrice Todaro (Doody), Nuno Resende (Roger), Pedro Alves (Sonny), Olivier Ruidavet (Teen Angel/Vince Fontaine), Fabrice Némo (Eugène), Alix Briséis (Patty), Caroline Roelands (Miss Lynch), Audrey Senesse (Cha-Cha)...

Ma note : 8,5/10

L'histoire : A la fin de l'été 1958, Danny et sandy, tombés amoureux l'un de l'autre pendant les vacances, sont contraints de se séparer pour retourner sur les bancs du lycée. Danny est le chef des T.Birds, une bande de copains gominés et portant des blousons noirs, tandis que Sandy est une jeune étudiante australienne qui doit rentrer au pays.
Mais le hasard fait qu'elle reste en Amérique et qu'elle soit inscrite au lycée Rydell, le même que celui que fréquente Danny. Chacun dans l'ignorance de la présence de l'autre, ils racontent à leurs amis respectifs leur aventure amoureuse, avec une certaine nostalgie. Les deux tourtereaux finissent par se retrouver et, bien que leurs personnalités soient radicalement opposées, ils décident d'essayer de reprendre leur relation.
La rentrée va donc prendre une tournure inattendue, d'autant que Sandy rejoint les rangs des insolentes Pink Ladies et que la rivalité avec les T.Birds et le gang des Scorpions est à son comble...

Mon avis : Grease, c'est un gros bonbon, un superbe sucre d'orge aux couleurs chatoyantes et au goût délectable ! Pour les trente ans du film, l'idée de programmer cette comédie musicale est particulièrement judicieuse. Les teenagers d'alors sont aujourd'hui des quadras et ils sont encore tout imprégnés des fameuses chansons créées à l'écran par Olivia Newton-John et John Travolta. Comme il est affirmé sur le programme : Grease, c'est "le musical de toute une génération".

Avant même que le rideau se lève, les gens sont frétillants de plaisir, visiblement hereux d'être là...
Le premier contact que l'on a, c'est avec les musiciens. Ils sont six, que des pointures que le grand public connaît grâce à la télé réalité. Franck Sitbon, qui en assure la driection musicale, n'est autre que le pianiste de La Nouvelle Star.
Et dès la première scène, c'est tout de suite le bonheur. Les costumes sont vraiment chouettes. Jupes trapèze, pantalons corsaires, chemisiers chamarés, tenues de pom pom girls, pour les filles ; jeans, blousons de cuir noirs, costards ajustés, baskets, lunettes noires et bananes fleuries pour les garçons. On entre de plain-pied dans les années 50. Aucune fausse note, tout est d'époque. On s'attendrait presque à voir surgir James Dean !

A travers une succession de tableaux tous plus originaux et drôles les uns que les autres (la scène de la douche, celle de la Cadillac...), nous devenons les témoins privilégiés de l'histoire d'amour quelque peu tumultueuse de Sandy et Danny. Pas facile pour lui de roucouler de façon romantique quand tous les gars de la bande des T. Birds affectent de jouer aux gros durs désabusés. Il est vrai que les garçons se montrent plutôt primaires. Ce ne sont pas des flèches. Ils ne sont préoccupés que par des problèmes d'une futilité pitoyable. Si les filles - comme dans la vraie vie - font preuve d'une plus grands maturité, elles se révèlent néanmoins assez frivoles et leur attirance pour les garçons les rend parfois un peu nunuches. Il est évident que pour les uns comme pour les autres, les études passent au second plan. Bref, il régnait à cette époque une grande insouciance et une vraie joie de vivre. Et c'est parfaitement rendu.

Les chorégraphies sont épatantes, pleines de trouvailles et de dynamisme. Tout ce petit monde chante et danse remarquablement... Servie par sa blodeur fragile et son frais minois, Cécilia Cara campe une Sandy parfaite. Elle aussi on la dirait "d'époque"... Djamel Mehnane fait preuve d'une vitalité survitaminée. A mon goût, avec un humour un peu appuyé, il tire trop sur les ficelles et il adopte parfois une attitude de petite frappe qui peut agacer. C'est un parti pris de la mise en scène, il faut l'accepter... Si tout le monde est bon, voire très bon, on ne peut toutefois que saluer la performance d'Amélie Munier dans le rôle de Rizzo. Derrière son apparent cynisme, elle cache une grande vulnérabilité. Et quand elle chante, elle nous cloue sur nos fauteuils. Mais je tiens à le redire, ils sont tous extrêmement performants. C'est une vraie troupe, au sens noble du terme.

En concusion, ce spectacle est un véritable bain de jouvence. Il souffle dans le théâtre Comédia un vent de fraîcheur qui vivifie nos petits cellules "Grease". C'est un très, très, très, bon divertissement.
Ne vous inquiétez pas, ils prolongent déjà jusqu'à la fin du mois de janvier. Mais ce serait bien le diable s'ils ne tenaient pas jusqu'au printemps !

Bouquet final


Un film écrit et réalisé par Michel Delgado
Avec Didier Bourdon (Gervais), Marc-André Grondin (Gabriel), Bérénice Béjo (Claire), Marthe Keller (Nickye), Gérard Depardieu (Hugo), Anne Girouard (Natacha), Chantal Neuwirth (Evelyne), Marilü Marini (Carmen), Valérie Bonneton (Marie Thanato), Michel Galabru (M. Froissard), Philippe Laudenbach (le général)
Sortie le 5 novembre

Ma note : 6/10

L'histoire : Gabriel se rêve compositeur de musiques de films, mais la gloire se fait attendre et ses cours de musique ne suffisent pas à le faire vivre. Aussi, lorsqu'un ancien camarade d'école de commerce lui propose de le recruter comme directeur commercial à Paris d'une entreprise américaine de pompes funèbres, il accepte. Mais avant de prendre ses fonctions à "Ciel et Terre", il doit passer trois mois en stage à l'Agence Père-Lachaise afin d'apprendre le métier et tâter du terrain. Aux côtés de Gervais Bron, quinze ans de métier, Gabriel découvre le monde des croque-morts, les macchabées, les enterrements, le business... Au prix d'acrobaties constantes, il tente de dissimuler son nouveau job à ses parents, babas sur le retour, hostiles à toute idée de travail sérieux, et à son amoureuse, Claire, qui voit en lui un grand musicien.

Mon avis : Bouquet final est une comédie sympa et gentillette. Elle fonctionne sur des ressorts souvent abordés dont celui du tandem que tout oppose : un néophyte un peu candide et un vieux briscard jaloux et bourru. Evidemment, c'est la
mort dans l'âme que notre jeune héros délaisse le clavier de son piano pour les pompes funèbres. Il y découvre - et nous avec lui - un univers vraiment particulier dans lequel l'aspect économique prime largemlent sur la commisération. En cela, l'humour férocement noir d'un Bourdon fait merveille. L'homme se révèle, au début tout au moins, parfaitement dénué de scrupules. Il est surtout profondément humilié que l'on ait mis au poste qu'il convoitait, et méritait, ce jeunot sans aucune expérience. La rivalité aurait pu être mortelle pour le parachuté, mais Gervais/Bourdon a quand même du coeur.
Le sujet du film entraîne une foultitude de situations un peu féroces, mais qui ne nous heurtent pas car le trait n'est jamais méchant. L'humour est une excellente façon d'exorciser la mort. Ici, il a le mérite même de la banaliser.
Le personnage de Gervais (Didier Bourdon) est très riche. Il n'est pas monolithique. Si, au départ, on le trouve un peu brut de décoffrage - c'est le cas de le dire - on en arrive peu à peu à découvrir ses failles et une réelle sensibilité. Cette évolution permet d'établir une vraie relation humaine avec le néophyte. Très à l'aise dans ce film "clin deuil", il confirme toute l'étendue de son registre.
Marc-Antoine Grondin, qui joue Gabriel, le jeune impétrant qui se trouve brutalement confronté aux macchabées et au monde policé du marché de la mort, manque, à mon goût, un peu d'envergure. Il est mignon, tout frais, sympathique, mais il manque quelque chose que je ne sais pas définir.
Les femmes, toutes les femmes, tirent leur épingle du feu... pardon, du jeu. Marthe Keller est toujours aussi délicieuse, aimable (dans le sens où on ne peut que l'aimer). Elle a toujours la fantaisie aussi légère. Bérénice Béjo est décidément de plus en plus jolie, de plus en plus femme. Quant à Valérie Bonneton, elle est à mourir... de rire. Elle campe une thanatopractrice gentiment lunaire. On aimerait presque qu'il y ait plus de scènes avec elle tant elle baigne dans un second degré jubilatoire.

Pour conclure, rassurez-vous, on ne meurt pas d'ennui à (ex)humer ce Bouquet final. Ce film n'est pas un four (crématoire) et je n'ai entendu personne râler. C'est une bonne comédie "à la française". C'est tout, mais c'est déjà ça.

mercredi 29 octobre 2008

Je m' voyais déjà


Théâtre du Gymnase Marie-Bell
38, boulevard Bonne-Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne-Nouvellle

Paroles et musique : Charles Aznavour
Livret : Laurent Ruquier
Mise en scène : Alain Sachs
Direction musicale : Gérard Daguerre
Chorégraphie : Patricia Delon
Avec Diane Tell (Francesca Lavi), Pablo Villafranca (Danny), Stéfi Celma (Virginie), Jonatan Cerrada (Nicolas), Arno Diem (Alexandre), Julie Lemas (Chloé), St-Cyr (Abdel)

Ma note : 8/10

L'histoire : Une demi-douzaine de jeunes, représentative de la France d'aujourd'hui, viennent de se faire jeter d'un casting. Mais ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas été retenus qu'ils sont nuls ! Alors ils décident de se battre. Avec l'aide d'une chanteuse un peu oubliée, qui attend ell-même une seconde chance, ils vont tenter de monter un spectacle. Leur spectacle. Leur propre comédie musicale dont le fil rouge et unique inspirateur sera... Charles Aznavour.

Mon avis : Je dois reconnaître que je ne me suis pas rendu au théâtre du Gymnase avec le plus grand enthousiasme. Je traînais un peu les pieds. Connaissant bien le répertoire de Charles Aznavour, je me demandais comment Laurent Ruqier avait pu concocter un spectacle qui ne soit pas que l'égrènement , voire la litanie, d'une cinquataine de titres qui font pout la plupart partie de notre mémoire collective. J'étais tout de même assuré d'entendre des chansons d'une extrême qualité. C'était déjà ça. Alors, je me suis dit "On ne sait jamais"...
Deux heures plus tard, je vous jure Sur ma vie, j'étais dans un état proche de celui dans lequel on se sent Après l'amour : heureux, optimisme, requinqué. Ce spectacle est en tout point, en tout cas For me, formidable. J'en ai même oublié Mes emmerdes...

Avant tout, il faut souligner la présence d'un orchestre live composé de cinq musiciens. Que des pointures, des instrumentistes que l'on a l'habitude de voir officier entre autres dans La Nouvelle Star. Cette présence bonifie et tonifie le spectacle.
Ensuite, il faut mettre en exergue l'esthétique du décor, le rendu des façades et des rues de Paris et l'agrément qu'apportent de nombreuses projections d'affiches de music-hall, justement. C'est judicieux, référent, et ça apporte énormément de vie.

Laurent Ruquier a eu l'intelligence d'écrire une véritable histoire. C'est toute une dramaturgie qui se déroule sous nos yeux. Chacun des protagonistes de cette aventure musicale présente un profil psychologique scrupuleusement dessiné. L'attribution des titres ne s'est visiblement pas faite au hasard, mais en fonction justement de ces différents types. Les dialogues sont savoureux, incisifs, très modernes, saupoudrés de clins d'oeil malins sur l'actualité, la politique... La patte Ruquier, quoi, dans ce qu'elle a de meilleur ; ça déborde de tendresse, de fraternité, d'humour. c'est truffé d'anecdotes sur certaines chansons. C'est nickel !
Chaque chanson bénéficie d'un traitement particulier. Ici, rien n'est gratuit, rien n'est anodin. On ne chante pas de l'Aznavour pour chanter de l'Aznavour. Chaque chanson s'inscrit "à juste titre" dans un moment de l'histoire. Autour d'un Emmenez-moi qui joue les Arlésienne tout au long du spectacle, on découvre par exemple un Retiens la nuit très parodique, un Pour faire une jam façon West Side Story, une martiale Marche des anges, un facétieux détournement de La Mamma, de psychédéliques Plaisirs démodés, un pot-pourri hyper romantique... Il ne faut pas en révéler plus pour vous laisser le plaisir de la découverte et des (bonnes) surprises.
Il y a de superbes tableaux et des trouvailles dans les chorégraphies réellement très originales.

Le casting est parfait. Les mélodies de Charles Aznavour n'auraient supporté aucune fausse note à ce sujet.
Fort de sa longue expérience dans les comédies musicales, Pablo Villafranca joue un peu au grand frère. Sa voix rocailleuse fait merveille. Et il n'a jamais peur de forcer sur la parodie (Un Mexicain) et son organe excelle dans l'émotion (Non, je n'ai rien oublié). C'est un pilier.
Stéfi Celma, liane sensuelle, joue les séductrices et les femmes amoureuses avec conviction. Elle peut se le permettre. Elle est très à l'aise dans son corps, bonne comédienne, elle est fraîche, pleine de dynamisme. Son interprétation de Prends garde à toi est un des grands moments du show. C'est vrai, elle nous donne parfois show aussi...
Jonatan Cerrada, premier vainqueur de La Nouvelle Star, joue au petit con avec énormément de finesse. C'est le bougon de la bande. Il cache en fait son extrême pudeur derrière une pseudo arrogance. Et quand il faut envoyer, il envoie. et à la fin de l'envoi, il nous touche avec une sublime version de Au creux de mon épaule.
Arno Diem est surprenant. A priori, on le décide fragile et il se révèle être un sacré danseur, une sorte d'elfe aérien, vibrant, brûlant d'une intense feu intérieur. Un personnage très attachant.
Julie Lemas assume avec beaucoup d'autodérision sa légère surcharge pondérale. Très bonne comédienne, elle joue à ravir les nunuches chouineuses un peu complexées. Mais quand il faut danser, même si c'est compliqué, elle est là. Elle apporte énormément à ce spectacle. Et, elle aussi, elle chante !
St-Cyr, quant à lui, est le bouffon de la bande. Incroyablement souple, c'est un véritable zébulon qui saute et cascade dans tous les coins. Il est une sorte d'électron libre tout en se montrant très sensible à l'esprit d'équipe. Il tourne tout à la rigolade. Son but essentiel dans la vie, c'est d'interpréter Emmenez-moi. Mais y parviendra-t-il ? Et, là où l'on aurait attendu Arno Diem, il s'avère très subtil de lui avoir confié à chanter Comme ils disent. Il lui apporte une jolie touche d'émotion.
Et puis il y a Diane Tell... Je suis un peu plus circonspect à son égard. Je n'arrive pas à affirmer qu'elle est à sa place dans ce rôle de cheftaine. Manque d'autorité sans doute, manque d'envergure. Sa première apparition, affublée d'une horrible robe orange aux couleurs du Modem, n'est pas non plus pour la servir. Et puis dans les chansons un peu rapides, là où il faut pulser, on ne la sent pas toujours très juste. Heureusement, la deuxième partie est bâtie sur mesure pour elle. Elle est vraiment excellente quand les chansons demandent d'exprimer du sentiment, de la mélancolie. En même temps, on comprend que tous ces jeunes gens se prennent d'affection pour elle car elle est vraiment sympa avec eux.

Conclusion, Je m' voyais déjà est un spectacle total, absolument réussi. On n'a pas envie que ça s'arrête tant on y prend du plaisir. Monsieur Aznavour doit être très fier de ce superbe hommage à son incomparable talent d'auteur-compositeur-interprète.

mardi 28 octobre 2008

Clérambard


Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignoles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers / Rome

Une pièce de Marcel Aymé
Mise en scène par Nicolas Briançon
Décors et costumes de Pierre-Yves Leprince
Avec Jean-Marie Bigard (Clérambard), Nicolas Biaud-Mauduit, Véronique Boulanger, Hélène Surgère, Jean-François Guilliet, Dominique Daguier, Sophie Tellier, Philippe Uchan, Fabienne Chaudat, Maud Heywang, Maurine, Nicot, Lola Marois, Thibaud Lacour

Ma note : 7/10

L'histoire : Clérambard, hobereau ruiné, brute esclavagiste de sa famille, consommateur de chats, tueur de chiens, bouffeur de curés, est soudain converti après une apparition de Saint François d'Assise.
Il devient aussi excessif dans le bien qu'il l'était dans le mal.
Il ne touche plus aux animaux, fussent-ils insignifiants, il trouve de la pureté chez les filles de joie, du plaisir dans le dénuement, et il ira prêcher la bonne parole sur les routes, en roulotte, en entraînant sa famille dans sa croisade d'amour...

Mon avis : Après une entrée en matière originale et les trois coups frappés de la plus charmante des façons, le rideau se lève sur un décor austère et rustique qui suinte la misère. Seuls vestiges d'un lustre passé, quatre prortraits des aïeux pendouillent du plafond. Clérambard apparaît immédiatement comme un affreux bonhomme. Face à une belle-mère franchement hostile, à une épouse soumise, mais digne et toujours aimante, et à un fils craintif et passablement niais, il exerce une tyrannie de tous les instants. Egoïste, injuste, sans scrupules, anticlérical, prédateur d'animaux domestiques, il n'a absolument rien de sympathique. Jusqu'à ce que l'apparition ectoplasmique de Saint François d'Assise le transforme du tout au tout...
Et là, la métamorphose est radicale. le loup se fait agneau. Le despote se mue en en une personne aimable, tolérante, pleine de commisération pour son entourage... C'est sidérant.

Entouré d'une douzaine de comédiens hauts en couleurs, Jean-Marie Bigard s'en donne à coeur joie. Bigard rime avec Clérambard. Mieux, Bigard EST Clérambard. Au début, avec sa grosse voix, il terrorise toute sa famille, il tonne, il vitupère, il menace. Tout le monde file doux... Et quand il est inopinément touché par la grâce, la voix se fait douce, cauteleuse, respectueuse. Ce doit être un régal pour un comédien que de jouer deux personnages aussi diamétralement opposés.

Clérambard est une pièce savoureuse, à l'écriture élégante et finement léchée... La mise en scène est soignée. Les intermèdes onirico-bucoliques sont pleins de poésie. les trois sylphides, espiègles et virevoltantes, apportent une note de fraîcheur assez insolite, mais plutôt plaisante. Et tous les comédiens sans exception sont impeccables.
Jean-Marie Bigard ne fait ici que confirmer des talents de comédien "classique" qu'il nous avait déjà révélés dans Le Bourgeois gentilhomme. Sa joie de jouer entraîne tous ses partenaires à sa suite. Son plaisir, gourmand, est manifeste, il passe la rampe. Désormais, avec un tel éventail, on sait qu'il peut tout jouer. Et, quand on le connaît, on comprend pourquoi il a choisi d'interpréter Clérambard. Il peut, tout au long de cette pièce, faire passer un message d'amour... Son leitmotiv : savoir aimer. Savoir Aymé ?

lundi 27 octobre 2008

Le Comique


Théâtre Fontaine
10, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 48 74 74 40
Métro : Blanche / Pigalle

Une pièce de Pierre Palmade
Avec Pierre Palmade (Pierre Mazar), Anne-Elisabeth Blateau (Babeth), Arnaud Tsamère (Arnaud Pelletier), Sébastien Castro (Monsieur Godin), Noémie de Lattre (Noémie Rivière), Delphine Baril (Delphine Mazar), Bilco (Alexis Aben), Jean Leduc (Jean)

Ma note : 8/10

L'histoire : Pierre Mazar, un comique célèbre à la vie débridée, est en panne d'inspiration pour son prochain spectacle qui commence dans un mois.
Et pour cause : les boîtes de nuit, l'alcool et les conquêtes amoureuses masculines l'empêchent de se concentrer sur son écriture. Son entourage panique et décide de le mettre "au vert"... Son assistante, sa soeur, son meilleur ami, mais aussi d'autres personnages vont se lancer dans une course contre la montre pour tenter de sauver cette carrière qui sent le roussi.

Mon avis : Cela fait aujourd'hui vingt ans que Pierre Palmade arrivait à Paris. Il avait 20 ans. Il étonnait déjà par la qualité de son écriture, son sens aigu de l'observation, son goût prononcé pour l'absurde... Vingt ans plus tard, il ne fait que confirmer qu'il est un de nos plus brillants auteurs et, surtout, un dialoguiste hors pair(es).
"Le Comique", à forte connotation autobiographique, est une pièce gonflée. Il y a mis (presque) tout de lui. C'est terriblement impudique, limite scabreux, et ça passe. Au contraire, il nous apparaît infiniment sympathique. Ses faux airs de matamore, sa pseudo tyrannie, ne parviennent pas à dissimuler sa grande vulnérabilité ; même s'il est aujourd'hui beaucoup moins fragile que naguère.
La pièce, dont il faut avant tout saluer la beauté des deux décors (surtout celui de la deuxième partie), commence par une petite rétrospective de la carrière de Pierre Mazar-Palmade. C'est-à-dire une vie de "people" très agitée que le succès, venu très tôt, a tout logiquement déstabilisé et entraîné vers toutes les formes de plaisirs. C'est truffé d'anecdotes réelles, c'est empli d'autodérision, et ça nous délivre un portrait juste et sans concessions d'une star de l'humour. Il ne se fait pas de cadeau. Derrière la gloire et la vie facile, il y a beaucoup de solitude (une "élégante solitude" précise-t-il). Et pour avancer, pour aller au bout de la nuit, on prend des béquilles dont une des plus anesthésiantes est l'alcool. Pierre ne nous cache rien. Le bonheur ? Ce serait la cerise (à l'eau de vie) sur le gâteau au rhum : "Il faut choisir entre libre et heureux. J'ai choisi libre"...

La première partie est franchement étourdissante. Tous les personnages sont impeccables, très typés. Ils sont plus que des faire valoir pour Pierre, ils sont de véritables complices, des miroirs à peine déformants. Longtemps beaucoup plus obsédé par l'esprit de croupe, Pierre découvre avec délices l'esprit de troupe. Les répliques, souvent délicieusement acides, fusent, les formules - véritables aphorismes -nous ravissent, les rebondissements sont efficaces. Fuyant la réalité d'une vie un tantinet désordonnée, Pierre Mazar-Palmade se réfugie dans une forme de désinvolture affectée plutôt que d'avouer son désarroi. C'est qu'il est lucide le bougre ! Il a l'art de se réfugier soit dans la mauvaise foi, soit dans la pirouette d'une brillantissime saillie. Et ça marche... On devrait le détester tant son attitude peut irriter, or on ne l'en aime que plus.
J'ai beaucoup apprécié sa saine colère, sa légitime indignation à propos de la mode du stand-up. C'est tellement vrai ! En effet, ils ne sont pas très relevés les conteurs ; on en reparlera dans vingt ans...
Même si, en réalité, il joue son propre rôle, Pierre Palmade confirme ses grands progrès de comédien. Aujourd'hui, il a acquis la carrure que son talent mérite. C'est-à-dire de bien larges épaules...

La deuxième partie se révèle un peu plus molle, moins rythmée, moins percutante aussi. Mais les circonstances l'imposent. On tombe un peu plus dans une sorte de boulevard farceur avec mensonges et quiproquos. Mais ça reste d'un très bon niveau. Il faut dire que la barre était très haut en première mi-temps... Et toujours ces rebondissements distillés à point nommé. Quelle efficacité !
Difficile également de ressortir un des ses partenaires plus qu'un autre tant chacun a un rôle bien précis et indispensable au bon assemblage de ce meccano. On ne peut toutefois que remarquer l'abattage d'Anne-Elisabeth Blateau dans son rôle d'assistante au dévouement qui frise le sacerdoce, et la présence comique de Sébastien Castro, le gardien sans gêne, sorte d'enfant improbable qu'auraient pu engendrer Régis Laspalès et Stéphane Guillon.

Le Comique est une excellente pièce, une comédie fine et réjouissante. On comprend aisément quelles sont les raisons qui ont amené Pierre Palmade à l'écrire. C'était pour lui une sorte d'exutoire, un prétexte pour être enfin lui-même. Sans aucun doute la manière la plus intelligente et la plus honnête de faire son "comique out".

jeudi 23 octobre 2008

Magique


Un film écrit et réalisé par Philippe Muyl
Musique de Cali
Avec Marie Gillain (Betty), Cali (Baptiste), Antoine Duléry (Auguste), Louis Dussol (Tommy), Benoît Brière (Alix), Holly O'Brien (Alice), Rachel Gauthier (Libellule), Stéphane Breton (Archibald)...
Sortie le 22 octobre 2008

Ma note : 5,5/10

L'histoire : Dans une ferme isolée vivent Betty et son petit garçon de 10 ans, Tommy.
Tommy n'a jamais connu son père. Sa mère lui a toujours dit qu'elle ne savait pas qui il était. Tommy s'est mis en tête que celui-ci était cosmonaute et elle ne l'a jamais démenti. Depuis, chaque soir, l'enfant regarde le ciel en attendant son retour. Betty, elle, est souvent mélancolique. Tommy voudrait bien que le sourire illumine son visage. Mais comment faire ?
Un jour, il apprend qu'un cirque est de passage en ville. Mais faute de documents administratifs en règle, interdiction de planter le chapiteau ! Tommy se jette sur cette opportunité. Il parvient à convaincre sa mère d'accueillir le cirque sur leur terrain. Les caravanes viennent donc s'installer dans le champ tout proche de la ferme. Mais un problème survient : Bingo, qui transportait le chapiteau, s'est perdu en route ! Et sans chapiteau, pas de spectacle possible...

Mon avis : Bizarre ce film... Quasiment anachronique...
Voyons déjà les points positifs : Le gamin est épatant. Ce film déborde de tendresse et de poésie. On dirait un gros sucre d'orge plein de couleurs et de douceur. On y est le témoin de la vie d'un cirque vue de l'intérieur ; le pied pour un enfant ! Marie Gillain est frémissante de langueur. Cali est romantique à souhait, Antoine Duléry vachement sympa. Voici un duo qui fonctionne bien. Les décors et les paysages naturels du Canada parés aux couleurs mordorées de l'été indien sont absolument splendides... Bref, Magique est très esthétique et totalement onirique.

Voyons maintenent les points négatifs : le gamin a un jeu et des mimiques appuyées parfois irritants. Ce film est tellement dégoulinant de bons sentiments qu'il en devient mièvre. On dirait un gros sucre d'orge un peu collant et limite écoeurant. La vie de ce cirque est vraiment par trop idyllique. Marie Gillain est agaçante de langueur. Cali est romantique à souhait. On dirait un Gavroche lunaire égaré à la campagne. Antoine Duléry n'a pas du tout l'air de croire en son personnage. Les décors et les paysages naturels du Canada parés aux couleurs mordorées de l'été indien sont absolument splendides (là, il n'y a rien à (mé)dire). Bref, Magique est très esthétique et totalement irréaliste.

En conclusion, Magique serait le genre de téléfilm idéal à diffuser en deuxième partie de soirée sur une chaîne de service public à la période de Noël. Il ne peut s'adresser qu'aux enfants et aux doux rêveurs. Ce qui est déjà louable, me direz-vous. Il est hors du temps, hors de toute réalité (hormis les soucis financiers de la jolie apicultrice). Et même si on ne peut qu'apprécier les beaux sentiments - valeurs qui nous semblent actuellement bien obsolètes - là, c'est vraiment trop. Je ne suis jamais rentré dans ce film. Pire, je m'y suis passablement ennuyé. Mais bon, dans ce monde de brutes, on ne peut pas décemment dénigrer un tel parti pris de gentillesse et de pureté. J'ai quand même peur quant à la fréquentation... Ils ne sont plus assez nombreux les gens qui fonctionnent à l'hyper romantismme...

mercredi 22 octobre 2008

Miracle à Santa Anna


Un film de Spike Lee
Scénario de James McBride, d'après son roman Buffalo Soldiers
Avec Derek Luke (Stamps), Michael Ealy (Bishop), Laz Alonso (Hector Negron), Omar Benson Miller (Sam Train), Pierfrancesco Favino (Peppi "Grand Papillon" Grotta), Valentina Cervi (Renata), John Turturro (l'inspecteur Antonio "Tony" Ricci)...
Sortie le 22 octobre 2008

Ma note : 6,5/10

L'histoire : New York, de nos jours. Hector Negron, un vieil homme noir, assassine un immigré italien appremment sans raison. Il oriente l'enquête d'un journaliste sur les traces des "Buffalo Soldiers". Ce bataillon, constitué de soldats afro-américains, a combattu en Europe pendant la seconde Guerre Mondiale...
Toscane, 1944. Les Buffalo Soldiers lancent une offensive contre l'armée allemande. L'attaque tourne mal et les soldats sont abandonnés à la merci de leurs ennemis par leurs officiers blancs. Quatre d'entre eux parviennent à s'échapper, mais ils s'égarent dans les montagnes où ils rencontrent miraculeusement Angelo, un enfant blessé et traumatisé par un drame survenu dans le village voisin de Santa Anna. Alors qu'ils tentent de le ramener à leur camp, Hector, Sam, Bishop, et surtout Train, "le géant en chocolat", vont tisser des liens très forts avec leur protégé. La petite troupe échoue dans un village et se mêle à la vie de ses habitants. Pendant ce temps, les partisans italiens rôdent dans la montagne. "Le Grand Papillon", un résistant héroïque, fait parler de lui ; un déserteur SS, porteur d'un terrible secret, fuit sa compagnie... Et la menace allemande se rapproche...

Mon avis : Pour la faire courte, Spike Lee a réalisé là un film en Noirs et Blancs. En racontant l'histoire de ces Buffalo Soldiers, ces 15.000 soldats noirs américains qui ont combattu en Italie d'août 1944 à novembre 1945, il lève un voile sur un pan de l'histoire assez méconnu... Spike Lee sait filmer, c'est sûr. Ce film comporte de superbes scènes, il porte - comme d'habitude chez Spike Lee - un message plein de tolérance et d'humanité, même si d'aucuns jugeront le trait sur le communautarisme un peu lourd et le parti pris quelque peu manichéen.
La scène d'ouverture, avec une caméra nerveuse, est réellement surprenante. En nous plongeant immédiatement dans une espèce d'incompréhension, elle nous place dans un délicieux sentiment d'attente. Qu'est-ce qui a bien pu légitimer ce meurtre ?
Et nous voici transplantés plus de soixante ans en arrière dans les paysages de Toscane. Là, de terribles scènes de guerre nous assaillent, crues et réalistes. Elles sont bien sûr indispensables pour nous faire nous intéresser à ces pauvres bidasses, complètement dépassés, souvent apeurés et, surtout, abandonnés à leur triste sort par des supérieurs - blancs - totalement irresponsables et plein de mépris pour cette piétaille.
De grands thèmes sont abordés : la propagande, la résistance, l'héroïsme, la lâcheté (souvent proche de la lucidité), la solidarité, la haine, le racisme... Ce film aurait pu (dû ?) être parfait avec une demi-heure de moins. le problème de Spike Lee, c'est qu'il est bavard, très bavard. A trop vouloir expliquer, il noie son sujet. Du coup, certains comportements et certains dialogues, par trop simplistes, voire ridicules, nous agacent. Résultat : des longueurs superflues, ralenties par des poncifs qui engluent l'action.
C'est dommage car avec un peu plus de concision, ce film ramené à deux heures aurait été remarquable. Mais Spike Lee reste un grand cinéaste, un virtuose de l'image et il possède un sacré talent pour nous dénicher des comédiens vraiment attachants, l'impressionnant Omar Benson Miller (Train) en tête.

mardi 7 octobre 2008

Being W. Dans la peau de George W. Bush


Un film réalisé par Karl Zéro et Michel Royer
Avec George Bush
Sortie : 8 octobre 2008

Ma note : 6/10

Synopsis : A l'heure du bilan - globalement jugé comme catastrophique - Karl Zéro et Michel Royer offrent à "Dubya" (George W. Bush) la possibilité de s'expliquer et de se défendre, via le talent d'imitateur de Jim Meskimen. Et W. lâche enfin toute sa vérité... Ce scénario ahurissant, Karl Zéro et Michel Royer n'en sont pas les auteurs : il s'agit d'une histoire vraie et terrifiante dont nous tous, habitants de la planète, sommes les témoins involontaires.

Mon avis : Cet homme a été pendant huit années aux commandes du plus puissant pays du monde. Impressionnant ! A grand renfort de documents, d'images d'archives, de biographies, Karl Zéro et Michel Royer dissèquent le parcours stupéfiant d'un "bon à rien, ex-alcoolique qui se retrouve à la tête de la première puissance mondiale". Le résultat est effarant. C'est tellement gros que l'on vient à se poser deux questions diamétralement opposées :
George Bush est-il un crétin absolu ou bien est-ce le plus grand malin que la politique américaine ait engendré. Tout au long du film on balance entre ces deux hypothèse.
Avec ses clins d'oeil entendus, ses déclarations à l'emporte- pièce, ses apartés drôlatiques, on a souvent l'impression qu'il se fout de notre gueule. Et puis, à d'autres moments, il nous apparaît pathétique tant il semble dépassé par les événements.
Alors, illusionniste, manipulateur ou bien pitoyable idiot ? Il est fascinant de voir barboter cet homme en plein premier degré, considérer son chien à la manière d'un Caligula déifiant son cheval, jouer au cowboy ou au pompier tel un gamin tout fier de sa panoplie, de l'entendre s'exprimer comme un élève de CM2 qui ne maîtrise pas encore parfaitement la syntaxe... Et dans le quart d'heure qui suit, il manie l'autodérision avec un certain esprit.
Et puis il y a son comportement le jour de la catastrophe du 11 septembre. Soit il est totalement abasourdi par la monstruosité des attentats et il lui faut beaucoup de temps pour que l'information se fraie enfin un chemin jusqu'à ses neurones. Soit...
C'est donc à vous, humble spectateur, de vous faire votre propre idée sur ce personnage étonnant. Une chose est sûr, quelle que soit sa réelle personnalité, ce "fou de Dieu" va laisser son pays dans un état lamentable et, visiblement, ça ne le tracasse pas outre mesure.
Il est sûr que nous, Français, avons pris plus de plaisir à suivre les précédents opus des sieurs Zéro et Royer, Dans la peau de Jacques Chirac et Ségo et Sarko sont dans un bateau, car là nous étions concernés au premier chef et c'étaient des gens qui nous étaient familiers. Le traitement gentiment chansonnier iconoclaste nous réjouissait particulièrement. Là, ce qui se passe outre-Atlantique, nous paraît un peu lointain. Mais que cet individu nous laisse perplexe !!!

mercredi 1 octobre 2008

Equus


Théâtre Marigny
Carré Marigny
75008 Paris
Tel : 08 92 22 23 33 / 08 92 68 36 22
Métro : Champs-Elysées Clémenceau

Une pièce de Peter Shaffer
Mise en scène : Didier Long
Adaptation : Pol Quentin
Avec Bruno Wolkowitch (Docteur Dysart), Julien Alluguette (Alan Strang), Christiane Cohendy (Dora Strang), Didier Flamand (Franck Strang), Delphine Rich (Esther), Astrid Bergès-Frisbey (Jill Mason), Joséphine Fresson (l'infirmière), Alain Stern (Dawson), Jeoffrey Bourdenet (le cavalier), Lucas Anglarès, Benjamin Bodi, François Peyre.

Ma note : 7/10

L'histoire : S'inspirant d'un fait divers authentique et inexpliqué, Peter Schaffer raconte l'histoire d'un garçon de 17 ans qui a crevé les yeux de six chevaux, une nuit, dans un manège.
L'action a pour cadre un hôpital où un psychiatre tente d'élucider le mystère de cet acte... Ainsi commence une enquête aussi prenante qu'une aventure policière dans laquelle un duel passionné va opposer le docteur Dysart au jeune Alan Strang.
Nul ne peut échapper à l'envoûtement de ce débat implacable et superbe que domine la figure fantastique d'Equus, le dieu-cheval, dont un enfant solitaire avait fait son maître et son esclave.

Mon avis : C'est sûr, Equus n'est pas la pièce la plus légère et la plus facile de cette rentrée. Mais, au niveau de l'intrigue, c'est une des plus prenantes, une des plus passionnantes. C'est une vraie dramatique qui nous chatouille l'intellect et nous saisit aux tripes, aspirés que nous sommes par une mécanique implacable digne d'un polar. ON VEUT SAVOIR ! On veut savoir le comment et le pourquoi d'un geste aussi horrible que celui perpétré par le jeune Alan. Pour quelles sombres raisons a-t-il, une nuit, décidé de crever les yeux de six chevaux, des animaux dont il est follement épris ? Ce sera tout le travail de sape mené par un brillant psy qui nous permettra - peut-être - d'élucider ce mystère.

Le décor de Marigny est impressionnant de dépouillement. Au sol, reposent, selon le moment, plusieurs banquettes de bois oblongues, anonymes, banales, qui vont se déplacer en fonction de l'action. La pièce s'ouvre sur une sorte de ballet. Dès le départ, on compte douze personnes sur scène. Elles y seront présentes pratiquement tout du long, le plus souvent silencieuses.
Après un long monologue du docteur Dysart qui sert en quelque sorte d'exposé, l'histoire démarre véritablement. Les mouvements sont parfois très stylisés, mécaniques. L'action étant ponctuée de flashbacks, les ruptures de rythme abondent. La mise en scène est ingénieuse, truffée de trouvailles pour nous permettre de ne jamais lâcher le fil. Et la scène finale est superbe dans sa beauté froide et formelle...

Bruno Wolkowitch, omniprésent, livre sans doute là sa performance théâtrale la plus aboutie. Sa belle voix grave nous séduit et nous rassure, une qualité qui crédibilise sa fonction de psy. Un tel timbre ne peut qu'apaiser et donner confiance à n'importe quel patient. A plus forte raison quand il s'agit d'un jeune homme aussi perturbé qu'Alan qui cherche aussi, quelque part, un père. Bruno Wolkowitch campe un personnage humain, ne possédant pas une once d'arrogance, qui n'hésite pas à faire part de ses doutes, de ses manques, de ses contradictions. Il mène une véritable enquête, décortiquant patiemment l'écheveau emmêlé d'un cerveau malade. Pressé par un juge (excellente Delphine Rich) avec laquelle il entretient des rapports de confiance et d'estime, il veut connaître la vérité. Pour cela, il lui faudra aussi rencontrer les parents d'Alan, savoir quelle éducation il a reçue, quel enfant il était... C'est très fouillé, très précis. il y a d'ailleurs une scène formidable entre le docteur et la maman d'Alan (remarquable Christiane Cohendy)...
Et puis il y a la prestation d'Alan lui-même. La composition de Julien Alluguette est hallucinante. Tour à tour irritant et détestable, fragile et attachant, il ne cesse de nous fasciner, de noushanter. Avec sa gestuelle particulière, ses soubresauts, ses moments de folie ou d'abattement, il a un rôle extrêmement délicat à appréhender. Véritablement impressionnant, il est la grande révélation de cette pièce.
Il ne faut pas se voiler la face, Equus est une pièce âpre, difficile, qui souffre parfois de quelques longueurs (langueurs ?). Il ne faut donc pas y venir avec l'esprit fatigué ou endormi. Mais le talent des acteurs et celui du metteur en scène font que l'on se laisse happer par le suspense de ce récit inquiétant et tumultueux.

mardi 30 septembre 2008

Le diable rouge


Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaïté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce d'Antoine Rault
Mise en scène par Christophe Lidon
Décors de Catherine Bluwal
Costumes de Claire Belloc
Avec Claude Rich (le cardinal Mazarin), Geneviève Casile (Anne d'Autriche), Bernard Malaka (Colbert), Denis Berner (Bernouin), Adrien Melin (Louis XIV), Alexandra Ansideï (Marie Mancini).

Ma note : 8/10

L'histoire : Au sommet de son pouvoir, mais à la fin de sa vie, le cardinal Mazarin achève l'éducation du jeune roi Louis XIV sous le regard de la reine-mère Anne d'Autriche et d'un Colbert qui attend son heure. Tous ces personnages, leurs calculs et leurs rivalités, ne sont pas sans rappeler les jeux du pouvoir et ces liens étroits entre affaires publiques et vie privée dont nous sommes témoins aujourd'hui sur la scène politique. Tant il est vrai que les régimes changent mais que les motivations des hommes restent les mêmes...

Mon avis : Il ressort de cette pièce au ton très contemporain que les façons de faire n'ont vraiment pas changé sous le soleil de la politique. Bien qu'il fusse plus opportun ici de parler de ce qui se passe plutôt dans l'ombre qu'en pleine lumière. Les propos échangés entre Mazarin, la reine-mère et le ministre Colbert sont en effet d'une modernité sidérante. On a l'impression d'entendre nos dirigeants actuels et, plus particulièrement, le monarque en place. Surtout à propos de la gestion économique d'un état.
Je me suis ainsi amusé à relever deux-trois phrases réellement éloquentes : " Crois-tu que l'on pourrait gouverner un pays uniquement avec des gens honnêtes ?"... "Ce sont les coquins qui mènent le monde"... On ne fait pas de politique avec de bons sentiments"... C'est confondant de réalisme !
L'écriture du Diable rouge est un délice de raffinement, de lucidité et de cynisme. C'est intelligent sans être pesant, badin sans être futile et, surtout, agréablement caustique.
Très joueur, Claude Rich excelle dans ce genre de personnage. Depuis la salle, on voit son oeil pétiller de plaisir et de malice. D'un grand personnage de l'Etat, il possède toutes les vertus... cardinales. Il n'a pas son pareil pour faire passer - c'est selon - pertinence et impertinence, voire un certain machiavélisme. Ses joutes verbales à fleurets mouchetés avec Anne d'Autriche (Geneviève Casile absolument... impériale. Quelle prestance, quel port, quelle élégance !) ou avec Colbert (Bernard Malaka tout en retenue, et en même temps habile diplomate et ferme politicien) constituent de grands moments de théâtre. Cette pièce pleine d'esprit comporte évidemment une kyrielle de répliques savoureuses.
La note de fraîcheur et de spontanéité est apportée par les deux jouvenceaux Adrien Melin et Alexandra Ansidéï. le premier campe un Louis XIV fringant, vif, primesautier, fougueux, mais aussi déjà très mature et volontaire. Quant à la fort jolie Alexandra, elle joue une Marie Mancini plutôt fine mouche, qui refuse de se poser en victime expiatoire de la raison d'Etat. Elle réagit en femme amoureuse sans pour autant y laisser son âme et perdre sa lucidité.
Enfin, la pièce est esthétiquement très réussie. De lourdes tentures et tapisseries dans des tons de rouge orangé donnent énormément de chaleur à un décor réhaussé par la présence d'un gigantesque miroir en suspens. Quant aux costumes, ils sont tout bonnement somptueux.
Encore un grand et beau moment de théâtre. Quelle rentrée !

Les aventures de Rabbi Jacob


Palais des Congrès
Tel : 01 40 68 00 05
Métro : Porte Maillot

Mise en scène : Patrick Timsit
Musiques : Vladimir Cosma
Avec Eric Métayer (Victor Pivert), Marianne James (Germaine Pivert)...

Ma note : 5/10

L'histoire : L'industriel Victor Pivert, catholique et français "comme tout le monde", irascible et un tantinet raciste, se prépare à marier sa fille Antoinette au fils d'un général. Mais un vendredi soir, alors qu'il rentre à Paris avec son chauffeur Salomon, dont il découvre avec stupeur qu'il est juif, il est victime d'une sortie de route. Resté seul après avoir congédié son employé parce qu'il refusait de travailler pendant le Shabbat, il s'en va chercher de l'aide. Il se retrouve dans une usine de chewing-gum. Il y assiste à un interrogatoire musclé conduit par les membres d'une police d'Etat d'un pays identifié comme étant "arabe" à l'encontre d'un dissident politique, Mohammed Larbi Slimane. Ce dernier réussit à s'échapper, entraînant dans sa cavale un Victor Pivert devenu otage malgré lui... Ils se retrouvent à l'aéroport d'Orly où, pour échapper à leurs poursuivants, ils usurpent l'identité de deux rabbins hassidiques tout juste débarqués de New York...

Mon avis : Et bien, Rabbi Jacob y va (dé)chanter...
Après deux heures et demie d'un spectacle sans rythme, ennuyeux, décousu, mal maîtrisé, on se demande ce que ce pauvre Eric Métayer est venu faire dans cette galère. Il se montre une nouvelle fois excellent, plein d'inventivité, de dynamisme, de drôlerie. Et Marianne James, dans un rôle certes très caricatural, tire elle aussi son épingle du jeu (ce qui pourrait légitimement lui ouvrir des perspectives cinématographiques). Ils ont beau s'échiner et faire leur possible pour donner l'impression qu'ils s'amusent, le soufflé retombe hélas mollement.

Visiblement impressionnés par le challenge, les adaptateurs, trop frileux, ont trop voulu coller au film. Du coup certaines péripéties qui passent parfaitement dans le film arrivent sur scène comme des payos sur la soupe (les payos sont les frisettes que portent les rabbins). La rencontre que fait Pivert en pleine cambrousse avec le cortège d'un mariage mixte est par exemple totalement surréaliste et inutile pour l'action. Il eût fallu resserrer le scénario pour lui donner un peu plus de pêche. Trop de longueurs, une utilisation abusive du comique de répétition, particulièrement dans les dialogues ("toc toc toc" et "tac tac tac"), ce qui alourdit péniblement le propos, un jeu outré (surtout de la part des trois représentents de la police secrète)... En plus, les chorégraphies sont très conventionnelles, elles exhalent le déjà vu dans un ersatz approximatif de celles de Notre-Dame de Paris.
Musicalement - un comble pour une comédie musicale - on attend en vain une ébauche de tube. Seul le titre d'introduction, un raggamuffin signé MC Solaar, possède une certaine originalité. Sinon, le reste est d'une platitude extrême.
Le soir de la générale, bon nombre d'invités ont profité de l'entracte pour s'esquiver. On ne peut que leur donner raison car la deuxième partie est encore plus lénifiante que la première.
Je mets donc 5 points. 4 qui vont à la prestation irréprochable d'Eric Métayer, et 1 à Marianne James pour son sens aigu de l'autodérision.
Le film va rester sans problème un film culte ; quant à ce spectacle, il va s'inscrire dans la catégorie des divertissements "cucultes".
Vont-ils tenir jusqu'à la fin novembre ? Ce n'est pas gagné.

lundi 22 septembre 2008

Les deux canards


Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce de Tristan Bernard
Adaptation et mise en scène d'Alain Sachs
Avec Isabelle Nanty (Léontine Béjun), Yvan Le Bolloc'h (Lucien Gélidon), Urbain Cancelier (Béjun), Pierre-Olivier Mornas (Larnois), Gérard Chaillou (baron Saint-Amour), Jean-Marie Lecoq (commandant Mouflon), Catherine Chevalier (Amélie Flache), Jean-Pierre Lazzerni (Honoré Flache), Jean-Louis Barcelona (La Chevillette), Michel Lagueyrie (Moreau), Cassandre Vittu de Kerraoul (Madeleine Saint-Amour)

Ma note : 8/10

L'histoire : Lors d'un voyage en province, Lucien Gélidon, écrivain parisien et raffiné, tombe sous le charme de Léontine Béjun, la voluptueuse et impétueuse épouse d'un imprimeur.
Par amour pour lui, elle décide de fonder un journal de gauche dont elel le nomme rédacteur en chef. Mais voilà que Gélidon tombe amoureux de la fraîche et irrésistible Madeleine Sain-Amour, la jeune fille du château. Afin de pouvoir l'approcher en toute liberté, il devient aussi sur-le-champ rédacteur en chef du journal de droite que lance son baron de père. Notre journaliste écrit donc le matin sous son vrai nom, et le soir sous un pseudonyme, dans les deux "canards" concurrents et politiquement opposés. Jusqu'au jour où...

Mon avis : Lorsque les lumières s'éteignent, une valse légère et entraînante nous met déjà en condition. Et puis le rideau se lève sur le décor inhabituel d'une imprimerie du tout début du 20è siécle. C'est le siège de La Torche, un journal très marqué à gauche...
Les deux canards est une pièce âgée de 95 ans ! Mais elle ne les fait absolument pas tant elle est alerte, fringante et pleine de verdeur. Alors que Feydeau, voire Labiche, ne cessent d'être à l'affiche dans les salles parisiennes, on peut s'étonner de l'absence dans les programmations depuis près d'un siècle de cet excellent "boulevard". C'est du Tristan Bernard tout de même ! Si on y retrouve le même rythme endiablé que les meilleurs Feydeau, il y a en effet cette plus-value que constitue l'écriture de cet auteur renommé entre autre pour ses bons mots et ses définitions de mots croisés. On se délecte effectivement de quelques savoureuses saillies.

Ce qui est le plus bluffant dans le scénario de cette pièce, c'est la faculté de l'auteur à rebondir. On se demande à chaque fois comment ses personnages vont se sortir de l'inextricable cannevas de mensonges qu'ils ont eux-même tricoté. Surtout ce cher Lucien Gélidon, obligé qu'il est de faire le grand écart entre deux relations amoureuses, deux employeurs aux idées diamétralement opposées, deux bureaux, deux patronymes. La sauce ne fait que monter. On pressent qu'il court immanquablement à la catastrophe jusqu'à ce bouquet final totalement farfelu : se provoquer lui-même en duel. Bonjour la schizophrénie ! C'est énorme, c'est tout fou, bien déjanté, mais on se prend au jeu tant c'est enlevé, habile et gentiment tordu.
Si la mayonnaise prend si bien, c'est aussi et surtout grâce au jeu des comédiens. Il y a sur la scène du théâtre Antoine une belle brochette de "branquignols" un tantinet caricaturaux, de vraies "gueules", de vrais personnages. Ils sont tous très bons. Et personne ne tire la couverture à soi. Sous la houlette facétieuse et hyper précise d'Alain Sachs, ils se conduisent avec un esprit de troupe et une complicité qui passent la rampe. Il est délicat, presque incorrect, d'en mettre certains plus en évidence que d'autres, mais Urbain Cancelier (Béjun) et Pierre-Olivier Mornas (Larnois) nous livrent chacun une prestation absoluiment savoureuse dans des rôles plutôt exigents.
Et puis il y a le couple Isabelle Nanty-Yvan Le Bolloc'h... Très rare au théâtre (elle s'est beaucoup consacrée à la mise en scène), Isabelle est réellement épatante dans son double rôle d'épouse autoritaire et dominatrice et de maîtresse amoureuse et dévouée corps et âme. Tour à tour drôle et émouvante, elle possède un registre comique des plus affinés. Quelle présence !
Quant à Yvan Le Bolloc'h, il va être une véritable découverte pour la majorité des spectateurs qui ne connaîtraient de lui que ses (excellentes) prestations dans Caméra Café. Il nous révèle un éventail de jeu très étendu. En fait, la pièce repose sur son personnage. Au propre comme au figuré, il en est le noeud... Il a tous les défauts que quelques féministes malveillantes (pléonasme) prêtent aux hommes : il est lâche, versatile, menteur, pusillanime, opportuniste, bref c'est une vraie girouette. Mais il ne nous est jamais antipathique, bien au contraire. C'est un garçon plein de charme(s) à la libido exacerbée, qui se laisse guider et submerger par ses élans amoureux. Il lui est donc beaucoup pardonné... Depuis quelques années, YLB se construit patiemment. Il gravit tranquillement tous les échelons, il apprend, il prend de l'épaisseur, de la légitimité. Et comme il peut tout jouer - et pas uniquement dans la fantaisie - on peut affirmer qu'il est à l'orée d'une emballante carrière d'acteur.
Enfin, il faut souligner l'originalité des trois décors successifs ainsi que l'élégance et la qualité des costumes. Ces dames et ces messieurs portent vraiment beau. Très respectueux du public, Alain Sachs et ses complices décorateurs et costumiers nous offrent là un fort beau spectacle. Chapeau et merci...

mercredi 17 septembre 2008

Faubourg 36


Un film de Christophe Barratier
Musique originale de Reinhardt Wagner
Textes des chansons de Frank Thomas
Avec Gérard Jugnot (Pigoli), Clovis Cornillac (Milou), Kad Merad (Jacky), Nora Arnezeder (Douce), Pierre Richard (monsieur TSF), Bernard-Pierre Donnadieu (Galapiat), Maxence Perrin (Jojo), François Morel (Célestin), Elisabeth Vitali (Viviane), Eric Prat (commissaire Tortil), Julien Courbey (Mondain), Philippe du Janerand (Triquet)...

Ma note : 8,5/10

L'histoire : C'est bien simple, ce film est tout ce que j'attends du cinéma : une magnifique histoire, de beaux personnages, de superbes décors, des jolis costumes, une photographie d'une extrême qualité, des angles de prises de vues originaux et inattendus, une bonne musique... On n'a qu'à s'installer confortablement dans son fauteuil et se laisser emporter... On est pris et captivé de bout en bout.

C'est qu'on l'attendait au tournant le Barratier après le phénoménal succès des Choristes ! Et bien, à mon goût, Faubourg 36 est encore meilleur. Il est inutile de gloser à l'infini, ce film est parfaitement réussi. Il est largement du même niveau que le somptueux Moulin Rouge de Baz Luhrmann, film auquel il fait immanquablement penser.

A travers les destins entremêlés des quatre principaux personnages, Pigoil (Jugnot), Jacky (Kad), Milou (Cornillac) et Douce (Nora Arnezeder), c'est une fresque tout bonnement humaine qui nous est proposée. Cette époque charnière, magnifiquement restituée, se trouve au carrefour de toutes les passions, de toutes les idéologies. C'est l'hitoire de nos parents et grands parents ; notre histoire. C'est l'exaltante période du Front populaire en même temps que celle, menaçante, de la guerre qui sourd. La camaraderie ouvrière côtoie la xénophobie. Et au milieu de ces importants événements historiques, il y a la simple aventure humaine.
Ce film nous distille un flot de belles et profondes émotions. Il nous tient en haleine tant on s'attache aux personnages. On se projette en eux, on se met à leur place. On rit, on pleure, on tremble, on a peur, on se sent concerné, solidaire. Tous les sentiments y sont exprimés : l'amour, l'amitié, la tendresse, la haine, la violence, la fraternité...
Nous sommes dans la grande tradition du bon cinéma français de l'après-guerre. Inévitablement, on a tendance à transposer : il y a du Chaplin dans Jugnot, du Bourvil dans Kad, du Gabin dans Cornillac, de la Michèle Morgan dans Arnezeder, du Eric Von Stroheim dans Donnadieu... C'est frappant. Le moindre second rôle se révèle épatant (Julien Courbey en Mondain, ou Philippe du Janerand en Triquet, pour ne citer qu'eux...) Ils sont tous tellement naturels qu'on ne peut parler de numéros d'acteurs.

Faubourg 36 est un film sur lequel il est difficile d'écrire. On a beaucoup plus envie d'en parler avec d'autres spectateurs, d'échanger ses impressions, ses émotions, son plaisir. Il faut aller le voir, il nous fait tellement de bien, il nous emmène tellement haut. Et pourtant, il est d'une simplicité confondante. Barratier a l'art de nous raconter des histoires - car il y en a plusieurs qui s'entrecroisent ou qui avancent en parallèle -, il sait nous attraper par le coeur.
Je suis sorti de la salle enchanté, agréablement ému, heureux d'un petit bonheur tout pur, tout simple. Qu'est-ce que ça fait du bien le cinéma quand il nous propose des films de cette qualité. Sacrée lanterne magique !