jeudi 28 février 2008

2ème sous-sol


Un film de Franck Khalfoun
Avec Rachel Nichols (Angela), Wew Bentley (Thomas)
Genre : thriller
Sortie le 5 mars 2008

Ma note : 6,5/10

L'histoire : En cette veille de Noël, Angela Bridges, une jeune cadre ambitieuse, reste travailler tard avant d'aller rejoindre sa famille pour le repas de réveillon. Lorsqu'elle descend enfin au parking, sa voiture ne démarre pas. Le parking est désert et son téléphone portable ne passe pas. Quand Thomas, le gardien du parking, vient lui proposer son aide, Angela, un peu nerveuse, accepte son offre. Après avoir vainement tenté de faire démarrer la voiture, il l'invite à rester avec lui et à partager le modeste dîner qu'il a préparé dans sa loge. Mais elle refuse sa proposition avec mépris...

Mon avis : Nombreuses sont les dames et les demoiselles qui nourrissent une véritable phobie des parkings en sous-sol, surtout la nuit. Ce film ne va contribuer qu'à les enfoncer encore plus profondèment dans leur hantise car il est particulièrement gratiné.
Dans le genre épouvante éprouvante, il est rudement bien ficelé, avec une montée impitoyable dans l'horreur et la violence. Il est monté comme une tragédie grecque : unité de lieu (le 2ème sous-sol d'un parking déserté pour les fêtes), unité de temps (la douce nuit de Noël), unité d'action (deux personnages, un prédateur et une victime, l'un doit éliminer l'autre pour survivre). Très honnêtement, c'est un très bon film pour qui aime ce genre de spectacle au suspense traumatisant et aux images assez peu ragoûtantes.

Le générique débute sur une chanson guillerette interprétée par une petite voix juvénile accompagnée par les mâles "pou, pou, pou..." d'un choeur d'homme. Et, soudain, la bluette est cisaillée par un hurlement glaçant... On n'est pas pris en traître, l'ambiance est installée. Et nous faisons alors connaissance avec Angela, notre héroïne. Une héroïne à la Hitchcock, blonde, d'apparence fragile, avec un peu la tête de Jody Foster. Angela fait du zèle, elle veut finir son boulot avant de partir rejoindre sa famille pour le réveillon. Comme elle est invitée, elle n'a rien d'autre à s'occuper que de ses cadeaux. Elle prend donc tout son temps. Enfin, la conscience (professionnelle) tranquille, elle gagne le parking pour y prendre sa voiture. Qui refuse de démarrer...

Et voilà, nous y sommes... A partir de ce moment-là, l'angoisse commence à sourdre dans nos neurones car on voit bien que le piège est en train de se refermer sur la pauvre Angela. Tout est fait pour nous mettre sous tension. Nos nerfs se tendent insidieusement au fur et à mesure que monte la panique d'Angela. On s'imagine à sa place ! La bande son, avec ses bruits amplifiés par la vide du parking, ça nous résonne dans la tête, ça nous vrille. Et, bien entendu, on distingue à travers ces bruits métalliques de jolis chants de Noël diffusés dans le lointain. Des sadiques, je vous dis !

A ce moment, apparaît Thomas, le gardien du parking. Un charmant garçon au demeurant, plutôt joli, qui présente une vague ressemblance avec le Filip des 2Be3. Mais à certaines réactions de son visage, on voit bien vite qu'il est grave fêlé. Angela le détecte d'ailleurs très rapidement. Et elle acquiert la certitude qu'il n'y aura pas de salut pour elle.
Par son jeu, tour à tour impénétrable, puis agité de tics, ou bien carrément hystérique, il nous fait penser à l'Anthony Perkins de Psychose. C'est qu'il est en plus redoutablement retors, le bougre. Avec l'intelligence des grands psychopathes, il a vachement bien préparé son coup. Et, pour Angela, c'est la descente aux enfers, au propre comme au figuré. Et quand je dis "propre", âmes sensibles s'abstenir... Ce film comporte quelques scènes d'horreur pure, on n'a pas lésiné sur l'hémoglobine.
Heureusement - sinon le film aurait duré dix minutes - les scénaristes ont eu la judicieuse idée de nous informer que la citadine Angela avait passé toute son enfance dans une ferme. Elle ne va donc pas se présenter en victime expiatoire. La biche va se comporter à son tour en fauve. Elle va y laisser sa peau, mais ce ne sera pas sans combattre... Et notre romantique nuit de Noël se termine comme un western, avec un duel à mort...

Voilà. Dans le genre film d'horreur, 2ème sous-sol est vraiment bien réussi. La mécanique est hyper simple, le résultat est efficace. Un conseil : mesdames et mesdemoiselles, n'oubliez pas de glisser une hache dans votre sac à main avant de descendre seule dans un parking souterrain...

lundi 25 février 2008

Le Plan B


Studio des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
Tel : 01 53 23 99 19
Métro : Alma-Marceau

Une pièce d'Andrew Payne
Adaptatée poar Vanessa Chouraqui et Robert Plagnol
Mise en scène par Michel Fagadau
Avec : Aure Atika (Sarah), Natacha Régnier (Annie), Robert Plagnol (Tom), Thomas Chabrol (Craig)

Ma note : 6/10

L'histoire : Qu'est-ce qui réunit Sarah, Craig, Thomas et Annie ?
Le sexe ? L'amour ? L'argent ? Le pouvoir ? La drogue ? Le besoin d'exister ? Le besoin d'être aimé ?
A travers quatre personnages, Andrew Payne nous dresse avec humour et une étonnante simplicité le miroir reflet d'une société et d'une époque désolée et désolante, déstabilisée et déstabilisante...

Mon avis : D'emblée nous sommes en présence d'un couple très libre. Tom et Sarah parlent cul tout à fait banalement. Déjà, dès le premier tableau, on pressent que Tom est un garçon un peu compliqué et Sarah une maîtresse femme... Le tableau suivant met en présence Sarah et Craig, son mari. C'est un homme ronchon, maniaque, autoritaire, dont le langage lui aussi n'est guère châtié. On ne s'embarrasse pas de politesses et de prévenances. On appelle un chat un chat. Des adultes, quoi ! Sarah, qui vient de tromper Craig allègrement tout l'après-midi laisse glisser...

Le décor de cette pièce est on ne peut plus simpliste : des panneaux de contreplaqué, un canapé, une chaise et, un peu plus tard, une table à dessin, que l'on déplace au gré des situations. Mais le décor n'a que peu d'importance car ce sont les personnages et leurs caractères qui nous intéressent. Chaque changement de tableau - et ils sont nombreux - est accompagné d'une musique pop-rock années 70 tonique et de bon goût.

Très vite, Tom devient le personnage central. Ami d'enfance de Craig, amant inévitable de Sarah, il a beaucoup de mal à assumer. Alors, comme ses amis, il puise une forme d'assurance dans la boisson. J'espère que cette pièce est sponsorisée par les Vins Nicolas parce les bouteilles s'y vident vitesse grand V. Craig passe son temps le tire-bouchon à la main. Or, ce qu'appréhendait Sarah survient : Tom fait une rencontre, Annie, aussi blonde qu'elle est brune, aussi nunuche qu'elle est manipulatrice, aussi puérile qu'elle est sûre d'elle. Problème, Annie balade de la coke sur elle. Et Tom qui s'efforçait de ne plus y plonger... Deux lignes plus tard, c'est l'euphorie, puis l'hystérie. Annie s'installe chez Tom avec sa planche à dessin... Et Tom, additionnant l'alcool et la dope devient une grenade dégoupillée à la recherche permanente d'argent pour assouvir son vice.

Le Plan B vaut par le jeu des comédiens. Craig est une sorte de Bacri acariâtre, souvent odieux et cruel. Mais il se sait cocu et ceci explique cela. Sarah, directrice de magazine féminin et mère de deux enfants, sûre de son pouvoir de séduction, trouve son équilibre dans ses coucheries de l'après-midi. Annie, c'est la midinette parfaite, un peu fleur bleue, romantique et paumée, en recherche permanente de sécurié et d'amour. Quant à Tom, il compense son manque d'assurance par une agressivité quasi permanente.

Ils sont excellents tous les quatre, mais la palme revient à Robert Plagnol qui joue l'homme sous dépendance avec un brio époustouflant. Il est confondant de réalisme. Il faut voir comment il nous joue une crise de manque ! Il nous fout la trouille. Mais il a l'art de toujours retomber sur ses pattes et de se montrer parfois tellement attachant...
Cette pièce ne repose donc que sur les affrontements. On y rit souvent ; jaune la plupart du temps. Et on essaie de se rassurer en se disant que ces gens qui évoluent là, devant nous, ne sont qu'une minorité. En tout cas, au-delà ce qu'elle raconte, cette pièce vaut par la prestation impeccable de ses quatre comédiens au jeu remarquablement maîtrisé.

jeudi 21 février 2008

Taken


Un film de Pierre Morel
Scénario de Luc Besson et Robert Mark Kamen
Avec Liam Neeson (Bryan), Maggie Grace (Kim), Famke Janssen (Lénore), Xander Berkeley (Stuart), Leland Orser (Sam), Jon Gries (Casey)...
Sortie le 27 février 2008

Ma note : 5/10

L'histoire : Que peut-on imaginer de pire pour un père que d'assister impuissant à l'enlèvement de sa fille via un téléphone portable ? C'est le cauchemar vécu par Bryan, un ancien agent des services secrets. Il n'a que quelques heures pour arracher Kim des mains d'un redoutable gang spécialisé dans la traite des femmes. Premier problème à résoudre : il est à Los Angeles, elle vien de se faire enlever à Paris...

Mon avis : Et bien voilà, on a un nouvel héros indestructible façon Stallone, Schwarzy, Van Damme et autres Bruce Willis ; l'humour en moins, hélas... On ne peut nier que Taken soit un grand film d'action. De l'action, il y en a revendre et, je dois admettre qu'on a droit à quelques scènes vraiment spectaculaires. Le problème, c'est qu'on ne parvient jamais à frémir un tant soit peu pour nos héros tant tout est prévisible et cousu de fil blanc. C'est inouï la rapidité avec laquelle il déniche les indices et remonte des pistes a priori hyper protégées. Rien de grave ne peut arriver à Liam Neeson. A lui tout seul il va démanteler un des gangs les plus sanguinaires et les plus monstrueux que la pègre ait enfanté. Imbattable au combat rapproché, capable de courir aussi vite qu'une voiture de sport et de rouler à fond la caiise à contresens sur la voie sur berge, inatteignable par les balles, il est incroyable !

Le début de ce film est un peu lent. Ce qui est regrettable car, ensuite, il devient trop rapide. Dans cette première partie, qui précède l'enlèvement de sa fille, il se révèle tellement tenaillé par la crainte qu'il arrive quelque chose de grave à sa rejetonne, que l'on peut lire sans cesse ses appréhensions sur son visage. Il en fait des grimaces, il en jette des regards inquiets... Ce n'est pas de la comédie, c'est du cinéma muet !
Ensuite, pour donner enfin du rythme au film, le montage est tellement boosté, les scènes d'action se succèdent les unes aux autres, que l'on n'a plus le temps de se poser. On est embarqué dans un grand scenic railway de la violence et du grand guignol. C'est nous qui réclamons pitié. Au niveau de la violence gratuite et exacerbée, on est servi. C'est un petit peu trop. Ce film est truffé d'outrances, de scènes de poursuites et de cascades irréalistes, d'affrontements survitaminés. Au final : même pas peur. C'est trop rapide pour ça et, surtout, trop gros.

Il y a et il y aura un public pour un tel film qui s'apparente plus à un jeu vidéo. C'est vrai que certaines scènes d'action sont plutôt bien foutues, que les méchants sont vraiment TRES méchants, et que Liam Neeson est une formidable machine de guerre à lui tout seul. Il faut aimer...

Bienvenue chez les Ch'tis


Un film de Dany Boon
Avec Kad Merad (Philippe Abrams), Dany Boon (Antoine Bailleul), Zoé Félix (Julie Abrams), Line Renaud (Madame Bailleul), Michel Galabru (l'oncle de Julie), Stéphane Freiss (Jean), Anne Marivin (Annabelle Deconninck), Philippe Duquesne (Fabrice canoli), Guy Lécluyse (Van Vandernoot), Patrick Bosso (le gendarme), Zinédine Soualem (Momo), Jérôme Commandeur (Inspecteur Lebic)

Ma note : 7,5/10

L'histoire : Philippe Abrams est directeur de la Poste à Salon-de-Provence. Il est marié à Julie sont le caractère dépressif lui rend la vie difficile. Pour lui faire plaisir, il fraude afin d'obtenir une mutation sur la Côte d'Azur. Mais, démasqué, il est muté par mesure disciplinaire à Bergues, une petite ville du Nord.
Pour les Abrams, sudistes pleins de préjugés, le Nord c'est l'horreur : une région glaciale, peuplée d'êtres rustres, éructant un langage incompréhensible, "le cheutimi". Philippe s'y rendra donc seul. A sa grande surprise, il découvre un endroit charmant, une équipe chaleureuse, des gens accueillants ; et il se fait un ami, Antoine, le facteur et carillonneur du village, à la mère possessive et aux amours contrariées.
Quand Philippe revient à Salon, Julie refuse de croire qu'il se plaît dans le Nord. Elle pense même qu'il lui ment pour la ménager. Pour la satisfaire et se simplifier la vie, Philippe lui fait croire qu'il vit en effet un enfer à Bergues...

Mon avis : Bon, ce n'est pas le film du siècle et il ne s'inscrira pas dans le marbre des annales du septième art. Mais c'est une comédie vraiment sympathique qui nous permet de vivre un très bon moment et d'oublier nos soucis pendant une heure et demie.
Ce film est tout entier à l'image de Dany Boon : drôle et plein de tendresse et d'humanité. Il contient bien sûr quelques maladresses et pas mal d'exagérations qui pourraient passer pour "marseillaises", et bien non, elles sont purement nordiques. Dany a pour sa région natale les yeux de Chimène (non pas Badi qui, elle, hurle qu'elle "vient du Sud", mais la Chimène du Cid qui, lui, ne vient pas de Normandie, comme son nom pourrait le laisser croire). Ce film est une véritable déclaration d'amour adressée aux gens du Nord-Pas de Calais. Originaire d'Armentières (comme Line Renaud, d'ailleurs, sa maman de cinéma), il n'a jamais cessé d'évoquer avec fierté ses racines (il en a même fait un sketch).
Bref, pour en revenir à son second long métrage, c'est une très honnête comédie. On y rit énormément sans avoir jamais la sensation de se moquer. Ce qui est plutôt agréable. Ce film est truffé de bons sentiments. On en sort tout ragaillardi et rassuré quant à la race humaine.

Les bémols d'abord... Je n'ai guère aimé le personnage joué par Stéphane Freiss car, pour avoir moi-même longtemps travaillé à la Poste, même si j'ai rencontré quelques jolis spécimens, jamais je n'ai croisé un individu aussi survolté. Pour être un peu plus crédible il eût fallu qu'il se la joue un peu moins hystérique le Stéphane. De toute façon, le début a des allures de grosse farce. Ce n'est que quand Kad a traversé la France du Sud au Nord que le film commence à prendre sa vitesse de croisière et à devenir la vraie comédie que l'on espérait.

Les atouts maintenant... Il y en a énormément. D'abord le générique, qui est très original. Puis, il y a le solo de Michel Galabru, tellement surréaliste, tellement ENORME, qu'il nous laisse pantois et fasciné. Même si son discours est terriblement outré, il reste un grand numéro d'acteur... Kad Merad est, comme à son habitude, formidablement juste. Il joue sa partition sans aucune fausse note. Il forme avec Dany Boon un duo qui devrait donner des idées aux producteurs... La première apparition cascadeuse de Dany est un grand moment et son accent donne enfin le ton, nous préparant ainsi à quelques savoureux quiproquos et incompréhensions. Il est vrai que cet accent et le vocabulaire qui s'y rapporte se prêtent admirablement au jeu. Et puis il y a les Ch'tis eux-mêmes. Quelle belle brochette formée par Line Renaud, Anne Marivin, Philippe Duquesne et Guy Lécluyse !

Nul doute que cette gentille comédie saura trouver son public. On y rit de tellement bon coeur. C'est tout simple, pas prétentieux du tout, et ça fait du bien... Bergues risque de devenir une destination très prisée des curieux. Quant à la municipalité d'Armentières, elle devrait ériger une statue à l'enfant du pays pour services rendus à la région. On imagine déjà la légende : "A not' p'tiot Biloute". il le mérite amplement...

L'antichambre


Théâtre Hébertot
78 bis, boulevard des Batignoles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers/Rome

Une pièce de Jean-Claude Brisville
Mise en scène par Christophe Lidon
Avec Danièle Lebrun (madame du Deffand), Roger Dumas (le président Hénault), Sarah Biasini (Julie de Lespinasse)

Ma note : 8/10

L'histoire : Louis XIV est mort depuis longtemps. le soleil est éteint. Maintenant le pouvoir - ou contre-pouvoir, comme on veut - n'est plus à Versailles, mais à Paris, dans les salons. Ce sont quelques femmes parmi les plus fines qui tiennent ces endroits où se rassemblent les meilleurs esprits européens et les plus éclairés.
Madame du Deffand et sa nièce, Julie de Lespinasse, comptent au nombre des plus célèbres de ces femmes.
Leur salon, ouvert dans l'hôtel particulier du président Hénault, est sans doute le plus couru de la capitale puisqu'on y croise des philosophes et des savants de l'envergure de Diderot, Turgot at autres d'Alembert...

Mon avis : Quel bonheur que cette pièce ! Un bonheur de gourmet, s'entend ; car les mots y sont cuisinés avec un raffinement exquis. Dès les premiers échanges entre madame du Deffand et le président Hénault, on est enchanté par tant de vivacité, par une telle précision dans le verbe, qu'on a l'impression de redécouvrir une des plus précieuses (dans le sens noble du terme) langues qui soient : le français. Les dialogues sont absolument étourdissants et ils le seront pendant une heure quarante-cinq.

Pour goûter à ces brillantissimes joutes verbales, mieux vaut ne pas être fatigué par une dure journée de labeur car on est tenu d'être attentif tout du long. C'est un feu d'artifice, aucun mot n'est anodin, chaque phrase est un petit bijou d'intelligence, de finesse, de diplomatie (donc d'hypocrisie), de duplicité, de perfidie.
Pour assumer un tel numéro de haute voltige sémantique, il fallait des comédiens hors pair. le trio qui évolue sur scène devant nous est tout à fait parfait.

Danièle Lebrun nous livre là une prestation exceptionnelle. Elle campe une marquise et femme d'esprit avec une maestria qui nous comble de plaisir. D'ailleurs la salle, composée en majeure partie d'un public d'esthète, apprécie et le fait savoir par de discrets ronronnements de délectation. Tour à tour pétillante, caustique, impertinente, Danièle Lebrun sait faire passer toutes les nuances avec une réjouissante virtuosité. Son personnage, servi par une abondance de sentences péremptoires et de mots d'auteur fulgurants est un esprit libre. C'est une femme éclairée, une pionnière qui pose les prémices de ce qu'on appellera le Siècle des Lumières. D'une intelligence et d'une culture remarquables, elle est féministe, profondément athée et violemment anticléricale. Une de ses phrases peut la définir en grande partie : "Je suis amie des philosophes, mais ennemie de la philosophie"...
Son complice dans ce tournoi oral est Roger Dumas. Tout en rondeur, son langage est à l'image de son physique. Il est facétieux, malin, apaisant, il a l'art d'arrondir les angles sans être jamais dupe, ce qui ne l'empêche toutefois pas de se laisser emporter quand l'orgueil de sa fonction est titillé. Il est aussi parfois victime cde certaines faiblesses typiquement masculines... Chacune de ses interventions apporte un supplément de fantaisie dans cette pièce qui n'est légère qu'en apparence.
N'oublions jamais que c'est une élite qui évolue devant nous, que l'esprit de Voltaire y est omniprésent et que les premières de l'Encyclopédie sont en train d'être échafaudées.
Quant à Sarah Biasini, elle est épatante dans un rôle pas évident. Ses partenaires, eux, comme leurs personnages, ont forcèment un vécu. Leur caractère est déjà dessiné. Elle, en revanche, ne cesse de grandir tout au long de la pièce et nous suivons sa métamorphose avec le plus grand intérêt. Au tout début, elle est fraîche, exaltée, romantique, avide de culture. Peu à peu, elle se révèle ambitieuse, intrigante, pleine d'idées avant-gardistes. Elle est tout le temps juste. C'est courageux de sa part de se confronter à de tels partenaires. Mais ce doit être tellement enrichissant !

Cette Antichambre est donc un pur bonheur. On s'y trouve comme dans une bulle, entre privilégiés, dans une rare sensation de partage. Quand les lumières se rallument dans la salle, les gens se sourient, complices, tenant à communiquer sur ce moment précieux qu'ils viennent de vivre. C'est une pièce intemporelle, brillante et piquante, un modèle de cet esprit français que toutes les cours européennes de l'époque nous enviaient et cherchaient à s'approprier.

mercredi 20 février 2008

Jamil "Pitié pour les femmes"


Théâtre de Dix Heures
36, boulevard de Clichy
75018 Paris
Tel : 01 46 06 10 17
Métro : Pigalle

Ma note : 7/10

Mon avis : Jamil, c'est d'abord une bonne bouille. Frisé comme Charlebois ou Pierre Perret, une voix rocailleuse entre Arno et Patrick Verbeke et un univers digne de Reiser ou de Vuillemin. Voici en gros ce que vous pouvez attendre de lui lorsqu'il arrive sur scène accompagné de ses deux musiciens, un bassiste et un batteur.
Il attaque à tout vitesse avec un accent québécois à couper au couteau. On commence à s'inquiéter car on n'y comprend pas grand chose. C'est sa première blague ! Car ensuite, pratiquement sans accent, il passe aux présentations. Marocain par son père, Auvergnat par sa mère, c'est un croisement dangereux ! Il a vu le jour au Québec en 1961, puis il a vécu en Egypte, en France et au Maroc, avant de réintégrer définitivement Montréal à 18 ans... Ces différents séjours lui ont apporté, en marge de son métissage biologique naturel, une palette de goûts multiculturelle d'une grande richesse. Le lascar aime les mots. C'est un poète facétieux, iconoclaste, provocateur, épicurien, avec énormément d'autodérision et une pointe de cynisme de bon aloi. Oreilles sensibles, âmes prudes, jouvencelles effarouchées, esprits chagrins et pisse-froid s'abstenir...

Son show est construit de chansons entrecoupées de digressions et de monologues savoureux, énoncés sur le ton de la confidence. D'emblée, Jamil s'adresse à son public comme à des amis. Les prenant pour complices, il estime qu'il peut tout leur dire, du plus intime au plus scabreux. Et ça y va !
Les thèmes de ses chansons reposent esentiellement sur les relations homme/femme. Il a choisi son camp : celui des machos. Egoïste, graveleux, limite vulgaire, avec un langage réaliste et très imagé, il nous brosse de lui un portrait tellement beauf qu'au bout de trois titres, on n'y croit plus une seconde. C'est en fait un gros tendre, un admirateur inconditionnel de la gent féminine, qui cache sa pudeur derrière une prolifération d'horreurs.
Si on l'écoutait, il n'y a que sa mère qui mérite des éloges. Alors, histoire de se débarrasser de ce chapitre positif à l'égard des femmes, il le chante en premier et il tourne la page. Et c'est parti pour les insanités ! Tout le monde y passe, et lui avec... Les vieux, la pingrerie, les Arabes (il peut se le permettre), Internet, les bébés... Le pire, c'est qu'on adhère souvent à ses descriptifs, à ses petits scènes de vie inavouables ("Je pète au lit", "C'est pas moi" !). Ce qui permet de tout faire passer, même le pire, c'est que c'est remarquablement écrit. Le gaillard (c'est le terme qui le définit le mieux) possède une sacrée plume. La chanson qui clôt le spectacle, "Les Glands" est du niveau du "Zizi" de Pierre Perret. De toute façon, c'en est l'extrêmité !

Alors, si vous n'êtes pas bégueule mais plutôt bon vivant et amateur de mots, vous vous amuserez énormément aux pitreries verbales de messire Jamil.
Et puis, j'allais oublier, c'est un sacré guitariste, le garçon ! Ses solos sont étourdissants. Et ce n'est pas Dick Rivers, présent dans la salle ce soir-là et fan de la première heure (il avait engagé Jamil en première partie d'un de ses spectacles), qui me contredira.

lundi 18 février 2008

Paris


Un film de Cédric Klapisch
Avec Juliette Binoche (Elise), Romain Duris (Pierre), Fabrice Luchini (Roland Verneuil), François Cluzet (Philippe Verneuil), Mélanie Laurent (Laetitia), Albert Dupontel (Jean), Karin Viard (la boulangère), Gilles Lellouche (Franky), Zinédine Soualem (Mourad), Julie Ferrier (Caroline), Olivia Bonamy (Diane), Maurice Bénichou (le psy), Anne lise Hesme (Victoire)...

Ma note : 5,5/10

L'histoire : Pierre vient d'apprendre qu'il était atteint d'une grave maladie du coeur qui va nécessiter une intervention chirurgicale dont l'issue n'est pas garantie. Envisageant le pire, il se met à regarder le monde qui l'entoure d'un oeil différent. Plus que la sienne, la vie des autres, la vie de la ville - Paris - prennent soudain une autre dimension...

Mon avis : Le jeu de mot est facile mais, pour ce qui me concerne, Cédric Klapisch n'a pas commis avec Paris un film... capital. Pourtant, depuis quelques semaines, les Ruquier, Drucker, Ardisson et autres chantent les louanges de ce film. Pour la faire bref, personnellement, si on enlève les scènes où figurent Fabrice Luchini et Karin Viard, il me reste la sensation d'un film trop long, trop éclaté et passablement ennuyeux. Je m'explique :

L'aspect positif d'abord... On qualifie ce film de "film choral", ce qui, vu le quantitatif et le qualitatif du générique, est une évidence. Dans cette fameuse chorale donc, tout le monde chante juste (c'est un minimum) et personne ne tire la couverture à soi. La façon de filmer Paris, soit aérienne, soit vu du sol, et avec une abondance souvent bien venue de gros plans, est irréprochable. La caméra aime cette ville et le lui déclare. La cité est omniprésente, bruissante de vie et de mouvement. Ses bruits si caractéristiques forment une très bonne bande son. Les dialogues sont justes. Il y a de jolies relations, frère-soeur (Romain Duris et Juliette Binoche), ou frère-frère (Fabrice Luchini et François Cluzet). Romain Duris, amaigri, joue avec une grande sensibilité et beaucoup d'intériorité (trop ?) un artiste qui prend le temps de regarder enfin le monde qui l'entoure parce que sa vie, déjà sur le plan professionnel, marque un arrêt. Juliette Binoche, en femme débordée, un peu paumée, pas du tout dans la séduction, est absolument touchante. Karin Viard, épatante, est une commerçante plus vraie que nature ; on devrait la détester, mais elle nous amuse trop. Quant à Fabrice Luchini, il est une fois de plus étourdissant. Quelle pépite pour le cinéma français ! Toutes les scènes dans lequelles il apparaît sont autant de merveilleux petits sketches. Il y en a deux qui sont de purs moments de très grande fantaisie : la séance chez le psy et sa démonstration de rock'n'roll avec une façon de bouger qui n'appartient qu'à lui. Mélanie Laurent s'affirme de plus en plus comme une comédienne avec laquelle il va falloir désormais compter.
En conclusion : ce film est un patchwork composé de quelques moments de grâce, il transpire d'humanité et de tendresse et il contient quelques moments de magie d'un très haut niveau. Et le message, même s'il est un peu galvaudé, qui nous incite à faire plus attention à ceux qui nous entourent passe parfaitement. Mais...

L'aspect négatif, maintenant... Mais tant (trop ?) de bonnes intentions ne suffisent pas à nous embarquer. D'emblée, la musique du générique nous agresse les oreilles. le seul superbe passage musical est le piano d'Erik Satie égrenant ses notes sous une neige tombante ; c'est en parfaite harmonie et romantique à souhait... Malgré tout leur talent, on ne parvient pas à s'apitoyer vraiment sur le sort des personnages campés par Romain Duris et Juliette Binoche. Plus de deux heures, c'est beaucoup trop long. J'ai trouvé certaines scènes réellement superflues :
- L'odyssée du Sénégalais ne fait que nous embrouiller en nous emmenant sur une fausse piste. Ce pseudo fil rouge n'apporte rien de vraiment constructif, il ne fait qu'alourdir le film.
- Le délire onirique de François Cluzet, même s'il est esthétiquement original, nous égare lui aussi.
- On ne voit pas très bien l'utilité du faux sondage que Romain Duris vient effectuer chez Mélanie Laurent. En plus, cette scène sonne faux.
- Le pire est ce long tunnel qui nous entraîne du côté des halles de Rungis. Tout ce qui s'y passe nous éloigne du récit et, trop décalé, ne nous concerne guère. Il est hors Paris, donc hors sujet.

Conclusion : Le pari de Paris n'est pas toujours tenu. La faute à un rythme trop lent, alourdi par des scènes superfétatoires. Ce film souffre finalement de sa trop grande richesse. Abondance de biens nuit. Quand un réalisateur possède sous la main une telle escouade d'acteurs tous aussi performants, il doit avoir tendance à jouer les "Monsieur Plus" en rajoutant un peu de ceci, puis un peu de cela, et encore un peu de ceci...
C'est dommage, car avec un peu plus de concision, de nervosité, nul doute que Paris possède tous les ingrédients esthétiques et humains pour faire un grand film.

mercredi 13 février 2008

Armelle


Comédie de Paris
42, rue Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 00 11
Métro : Blanche

Mise en scène de Rodolphe Sand

Ma note : 7/10

Mon avis : Armelle... c'est Armelle ! Une jeune femme à nulle autre pareille, une sorte d'extra-lunaire (car elle n'est guère terrestre) évaporée, décalée, surprenante, originale... Unique, quoi ! Armelle c'est une façon de se mouvoir très personnelle et une voix encore plus personnelle. Son image de marque, c'est une attitude physique qui ne correspond pratiquement jamais à ce qu'elle dit. Je m'explique : sur scène, elle évolue avec une sorte de grâce un tantinet maniérée, une affectation précieuse qui confère au détachement. Et en même temps, elle débite force incongruités, insanités et autres grivoiseries. C'est ce décalage qui, en partie, la rend irrésistible. Mais il n'y a pas que cela ; il faut y ajouter un sens aigu de la dérision, des pointes de cynisme et, surtout, des textes admirablement ciselés.

Le titre de son tout premier one-woman show était "Voyage en Armélie", et il convient toujours autant car la demoiselle a l'art de nous prendre par la main et de nous emmener en souriant dans son monde à elle, dans son univers si particulier où tout n'est que décor en carton-pâte. Excessivement féminine, chatte de race, elle n'hésite pas à s'accoutrer des vêtements les plus extravagants, à s'afficher aussi bien en culotte et guêpière qu'en une superbe robe fourreau noire. Sa première apparition dans une robe en mousseline orange donne le ton. Elle, miss Auvergne, vient de se voir couronner du titre de Miss France. Ce sketch se distingue surtout par certaines formules à l'emporte-pièces absolument savoureuses.
A chaque histoire aussi son éléments de décor, très rudimentaire certes, mais on ne peut plus explicite : un candélabre avec des cierges, une cuisinière, un landau, un traîneau russe, un appareil à UV, une barre de tribunal...
Dans la douzaine de sketches et de chansons qu'Armelle nous propose, il y en a trois que j'ai particulièrement appréciés. Dans l'ordre d'apparition en scène : la servante du château, en robe vichy rose, en train de narrer par le menu avec une analyse pleine de fatalisme et de bon sens les péripéties d'une tragédie dont ses maîtres sont les protagonistes ; la bourgeoise très très snob et totalement égocentrique qui parle d'adoption avec son époux avec un cynisme qui frise l'humour noir ; la femme mise en accusation qui témoigne à la barre du tribunal qui raconte les aléas qui ont entraîné sa déchéance (ce texte est particulièrement bien écrit).

N'hésitez donc pas à prendre votre billet pour ce voyage en Armélie, une escapade pour de rire dans un pays où fleurit le non-sens, où les nuages, roses et verts pomme, sont porteurs d'une ironie ouatée et où la fée Armelle se mue souvent, pour notre plus grand plaisir, en Carabosse.

lundi 11 février 2008

Les demoiselles d'Avignon


Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Edgar-Quinet

Une pièce de Jaime Salom
Adaptée de l'espagnol par Jacques Collard et Nicolas Laugero Lasserre
Mise en scène par Jean-Pierre Dravel et Olivier Mace

Avec Catherine Allégret (madame Hortense), Cécile Bois (Antonia), Félicien Juttner (Pablo Picasso), Cécile Luciani (Sofia), Laura Presgurvic (Pilar), Christelle Reboul (Pépita), Serena Reinaldi (Rosita)

Ma note : 7/10

L'histoire : Barcelone, 1895. Une maison close de la rue d'Avignon. Cinq jolies filles délurées tenues d'une main de fer par une matrone qui n'a pas froid aux yeux... De l'autre côté, un jeune artiste fauché, encore inconnu, qui devient un client assidu du bordel. Il s'appelle Pablo Picasso, il a 17 ans, et avant de connaître la gloire quelques années plus tard à Paris, il va rencontrer l'amour...

Mon avis : Au fur et à mesure que la pièce se déroulait sous mes yeux, plus j'y prenais du plaisir. De scène en scène, je découvrais plus profondément la personnalité et la psychologie de chacun des sept personnages. Plus je les connaissais, plus j'étais touché et plus je les aimais.
On comprend pourquoi cette pièce, née en Espagne, a connu le succès partout où elle a été adaptée dans le monde (New York, Mexico, Buenos Aires, Berlin...). C'est tout simplement parce qu'elle si pleine d'humanité qu'elle est universelle.

L'action se passe dans décor pourpre et chaud d'un bordel barcelonais. Un petit coq prétentieux de 17 ans, ivre et insolent, y fait irruption au petit matin quand ces dames sommeillent d'un repos bien mérité. Il se heurte à madame Hortense, la tenancière, une maîtresse femme que plus rien n'impressionne. Tel un picador, il lui tourne autour, l'aiguillonne, la soûle de paroles et de flatteries. Il lui faut une femme de toute urgence, elle est là, elle fera affaire. Tour à tour irritée et amusée, madame Hortense est finalement flattée de voir que ses généreux appas peuvent encore éveiller la convoitise. Devant tant de fougue et de jeunesse, elle accepte de faire une petite entorse à son règlement personnel...

Petit à petit, on fait connaissance des quatre principales hôtesses de ce lupanar. En soutiens-gorge pigeonnants et porte-jarretelles, avec un langage très imagé, souvent cru, elles se chamaillent, se taquinent, se font des mamours.
Il y a Antonia, l'aînée, qui continue de travailler pour élever sa petite fille et qui, pour essayer de ne pas trop y penser, s'étourdit dans une amourette saphique avec la toute jeune Pépita. Mais ces brefs moments où elle fait la folle ne l'empêchent pas de sombrer parfois dans la mélancolie ; c'est une bonne camarade...
Pépita, c'est le vent de fraîcheur du boxon. Elle est gaie, frivole, provocante, insouciante, débordante de vie et de gentillesse. Son rire perlé est une incitation et une invitation à la gaudriole...
Il y a aussi Rosita, la soeur aînée de Pépita, une brune pétillante, bien en chair, volontaire, déterminée ; une bonne travailleuse, mais qui a le grand défaut, dans ce métier tout du moins, d'être un peu trop fleur bleue...
Il y a enfin Pilar, une jeune femme taciturne, lucide que cette exploitation de son corps dégoûte. Elle est irritable, se fond peu au groupe, mais elle laisse fugitivement entrevoir une réelle affection pour ses copines de travail. C'est une idéaliste avec, chevillé à l'âme, un besoin d'amour que ses parents n'ont jamais su lui offrir. (le jeu de Laura Pregurvic dans ce rôle sombre, est une des très belles satisfactions de cette pièce)...
En marge des "gagneuses", il y a Sofia, la fille de madame Hortense. Elle a grandi dans le bordel, elle en connaît tous les rouages et tous les rites. Elle est pragmatique et éprouve beaucoup de sympathie pour les employées de sa maman...
Cette maman, parlons-en. Madame Hortense c'est une main de velours dans un gant de fer. Mère maquerelle au grand coeur, elle sait se montrer autoritaire quand c'est nécessaire, mais dès que l'on joue de la corde sensible, elle craque et fait preuve de compréhension, de générosité et - indispensable dans ce genre d'établissement - de tolérance...
Enfin, il y a LE client. Cet énergumène mal élevé et débordant de fougue et de vitalité du nom de Pablo Picasso. Petit taureau furieux lâché dans un enclos de génisses, il a le port altier, le naseau frémissant et le sabot péremptoire. Ce qui ne l'empêchera pas de s'éprendre passionnément de Rosita...

Chaque comédien est à sa place et joue sa partition avec justesse. Le casting est parfait. On s'attache à ces jeunes femmes, victimes touchantes d'un destin malveillant. Mes hommages, chères demoiselles...

jeudi 7 février 2008

Plus si affinités


Le Splendid
48, rue du Faubourg Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 21 93
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une comédie de Mathilda May et Pascal Légitimus
Mise en scène par Gil Galliot
Avec Mathilda May et Pascal Légitimus

Ma note : 8,5/10

L'histoire : Plus si affinités est un florilège totalement déjanté sur le thème de la rencontre entre un homme et une femme et ses combinaisons à l'infini... Du speed-dating à la rencontre dite du "mauvais timing" des années après, du coup de foudre à la rencontre ratée, tout y passe...
Mathilda May et Pascal Légitimus interprètent à eux deux plus d'une quarantaine de personnages.

Mon avis : Pour tout vous dire, en me rendant au théâtre du Splendid, je nourrissais quelques appréhensions : en raison d'un début de rhume et d'une prise de médicaments pour l'éradiquer au plus vite, j'avais connu les affres de la somnolence dans le métro. Si bien que, la chaleur intérieure aidant, je craignais un assoupissement inopportun durant le spectacle.
Et bien, je vous rassure tout de suite, mes paupières ne m'ont pas trahi, elles sont restées bien légères et discrètes. Pas une seconde je n'ai ressenti l'ébauche du plus petit engourdissement, bien au contraire, je me suis senti aussi affuté et attentif qu'un paléontologue découvrant dans un glacier un oeuf de dinosaure parfaitement conservé.
J'ai l'air de la jouer dithyrambique, mais je suis absolument sincère et mon rhume est en train de me quitter au profit de je ne sais quelle nouvelle victime. J'ai effectivement eu le bonheur d'assister hier soir à un vrai spectacle, complet et varié, vachement bien écrit et super bien joué. Plus si affinités ?... Et bien il n'y a que des "plus" dans ce qui nous est donné à voir sur scène, si bien que chacun d'entre nous se sent en totales affinités avec les nombreuses situations évoquées et leurs interprètes.

Cette pièce est composée d'une succession de sketches ou de saynètes de différentes longueurs, une arythmie qui lui donne une formidable dynamique. Il se passe tout le temps quelques chose sur scène ; même lorsqu'il ne s'y trouve aucun comédien, par la magie d'une bande-son absolument épatante. En effet, le premier contact que l'on a avec ce spectacle, c'est à travers le son et une voix off qui va en constituer brillamment le fil rouge. Les bruitages créent une atmosphère qui nous permet de nous situer, évitant ainsi au sketch d'être empesé par un préambule explicatif. On entre immédiatement dans le vif du propos. Quant aux développements fournis par la voix off, ils sont tout autant savoureux que profondément didactiques et informatifs.

Plus si affinités, c'est en quelque sorte Un gars, une fille, vus sous l'angle très précis de la rencontre. Les façons de se rencontrer sont infinitésimales. Mathilda May et Pascal Légitimus ne peuvent donc en montrer qu'un nombre succinct. Ils ont opté pour une synthèse mêlant les rencontres les plus courantes (au bureau, en boîte, en vacances, à travers le speed-dating ou Internet...), et les plus rares (accident de voiture, voyage en avion, retrouvailles fortuites...)
Chacun de ces cas est traité avec beaucoup d'intelligence et énormément d'humour. Les deux comédiens s'en donnent à coeur joie, déployant tout l'éventail de possibilités de jeu que leur offrent cette kyrielle de situations : mime, mimiques, gestuelle, chorégraphies, accents, accessoires... c'est très inventif et redoutablement efficace.

Via les inoubliables sketches des Inconnus, on connaissait les aptitudes de Pascal Légitimus à enfiler les costumes de multiples personnages mais, là, il n'a peut-être jamais été aussi bon, aussi complet.
La belle et bonne surprise, la véritable révélation de ce spectacle, c'est l'aptitude de Mathilda May à faire rire. Piétinant allègrement les conventions d'un certain quant-à-soi élégant et inaccessible, elle se lâche totalement sans jamais perdre une once de son exquise féminité. D'abord, il faut voir comme elle bouge. Quelle grâce, quelle fluidité ! Jolie manière de rappeler qu'elle a décroché un 1er prix de Conservatoire en danse. Et puis, elle n'a peur de rien. Elle fait d'horribles grimaces, s'exprime comme un charretier, comme une gamine des cités, s'affuble de grosses lunettes et d'une tenue ridicule. De toute évidence, elle s'éclate. Et comme Légitimus est au diapason, leur bonheur d'être ensemble sur scène rejaillit sur le public.
Il y a de vrais grands moments de comédie dans cet excellent spectacle où, comme dans le cochon (alors qu'il ne l'est pas une seconde... cochon), tout est bon avec des saveurs excessivement variées. C'est un pur régal !!!

mercredi 6 février 2008

La jeune fille et les loups


Un film de Gilles Legrand
Avec Laetitia Casta (Angèle), Jean-Paul Rouve (Emile Garcin), Stefano Accorsi (Giuseppe), Michel Galabru (Albert Garcin), Patrick Chesnais (Léon), Miglen Mirtchev (Zhormov), Lorant Deutsch (Anatole), Didier Bénureau (Jacob)...

Ma note : 5/10

L'histoire : Au sortir de la guerre 14-18, Angèle, 20 ans, est déterminée à devenir la première femme vétérinaire. A travers son destin aventureux, elle sera l'objet d'une rivalité sans merci entre son promis, Emile, un industriel visionnaire mais sans scrupules, et un homme simple, Giuseppe, qui vit retiré dans la montagne près des loups et loin de la folie des hommes...

Mon avis : Je n'irai pas par quatre chemins (de montagne), pour moi ce film est hélas loup...é. On sent bien que le projet était très ambitieux, mais à vouloir trop glisser de symboles, on ne peut que les effleurer et on s'éparpille. A travers ce film, en effet, Gilles Legrand aurait aimé traiter de sujets aussi forts et divers que la protection de cette espèce naturelle qu'est le loup, les dégâts colatéraux causés par la guerre, l'essor de la conquête de l'or blanc, l'émancipation féminine, la discrimination raciale... Tout cela est fort louable, mais n'est malheureusement qu'ébauché.

Finalement, seuls les enfants, qui n'ont pas encore un esprit cartésien très développé, apprécieront cette histoire et les images qu'elle propose. C'est vrai que les montagnes haut-savoyardes sont superbement photographiées, c'est vrai que les gros plans sur les loups sont remarquables, c'est vrai qu'il y a quelques séquences très réussies (l'attaque du louveteau par un aigle, par exemple ; ou les premiers regards entre Angèle et le loup noir), c'est vrai que Laetitia Casta est irréprochable (comme Michel Galabru et Patrick Chesnais d'ailleurs), c'est vrai que la bande son, avec des cordes et un piano somptueux, est à la hauteur des paysages... Mais, dans notre fauteuil, on se sent un peu comme un skieur égaré. On fait du hors piste, on revient un instant en terrain balisé, puis on s'égare de nouveau...

Pourtant que la montagne est belle (air connu). Et, à ce titre, la longue séquence d'ouverture nous met en appétit et nous place dans d'excellentes dispositions. Ces images hyper réalistes d'un carnage dans un décor grandiose nous laissent augurer du meilleur. Et, de fait, les premières vingt minutes sont impeccables (en gros, la période concernant Angèle enfant). Car, ensuite, on tombe dans le stéréotype, voire le caricatural. Et on commence à s'ennuyer ferme. On devine sans cesse les bonnes intentions, mais le réalisateur ne parvient plus à nous reprendre par la main et à nous emmener dans son projet de voyage initiatique. Trop de clichés, trop de poncifs, trop d'ellipses. Et trop de longueurs...
Malgré tous (trop ?) ses efforts, Stefano Accorsi, sorte d'Ugolin des neiges, ne parvient pas à nous émouvoir. Jean-Paul Rouve est tellement le cul entre deux chaises qu'il est amené à surjouer et en devient déshumanisé. Lorant Deutsch a un personnage bien trop superficiel pour pouvoir s'exprimer. Miglen Mirtchev campe une sorte d'aventurier si idéaliste et si généreux qu'il en devient incrédible. A ce propos, la séquence du vol en coucou fait vraiment "opérette". Même pas peur...

Conclusion, ce film, aux images formellement belles, s'adresse à un public familial car je suis convaincu que les jeunes enfants, les 6-12 ans, vont vraiment se régaler et craquer devant ces véritables peluches grandeur nature que sont les louveteaux, le loup blanc et le loup noir au regard incroyablement fascinant.

lundi 4 février 2008

Croque monsieur


Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards

Une pièce de Marcel Mithois
Mise en scène par Alain Sachs
Avec Isabelle Mergault (Coco Baisos), Michel Crémadès (Jean), Julien Cafaro (Auguste), Anne-Sophie Germanaz (Anna-Maria), Tom Morton (Nicolas), Isabelle Tanakil (Maggy Fauchois), Alain Sachs (Anatole Longvy), Tadrine Hocking (Mademoiselle Valérie), Christian Sinniger (Monsieur Bécot), Lannick Gautry (Pascal de Vontauban)

Ma note : 5,5/10

L'histoire : Un coup de feu claque dans la nuit... Alertée, Coco Baisos surgit dans le salon pour y découvrir que monsieur Baisos vient de trépasser. Pas de chance, c'était son sixième mari et le deuxième qui tire sa révérence par suicide interposé... Elle ne semble pas très affectée par la brutale disparition de son époux jusqu'au moment où Jean, l'homme de confiance qu'elle vient de prévenir, lui apprend que c'est l'annonce de sa ruine qui a provoqué ce geste fâcheux. Dès lors, la situation tourne au tragique. Où cette veuve toute fraîche va-t-elle pouvoir trouver de l'argent pour continuer à mener grand train ? Elle ne connaît qu'un moyen : séduire vite un autre homme, richissime de son état. Elle ne perd donc pas une seconde et, grâce au carnet d'adresse de son amie Maggy, elle commence à lancer des rendez-vous... Chose que ne goûte guère sa fille Anna-Maria, et encore moins mademoiselle Valérie, l'infirmière de feu Baisos, qui en était secrètement éprise et qui est convaincue que Coco l'a assassiné...

Mon avis : Déjà, la première remarque est de se dire que Marcel Mithois vieillit moins bien que Georges Feydeau. Croque monsieur ne date pourtant que de 1964. Mais elle sent beaucoup plus la naphtaline et c'est regrettable. Disons, pour faire court, que son texte n'est pas au niveau des comédiens qui le jouent sur la scène des Variétés.
Le décor - un luxueux appartement - est superbe, les costumes sont somptueux, la machinerie, qui fait valser les fauteuils, est ingénieuse, les acteurs sont irréprochables... Et pourtant, la mayonnaise ne prend pas. Ce ne sont pas les dialogues ou les situations qui nous font rire, c'est la formidable présence d'Isabelle Mergault qui nous arrache des râles de plaisir. Ce n'est plus une pièce, c'est un one-woman show ! Elle tient ce spectacle de bout en bout sur ses épaules, qu'elle a au demeurant fort charmantes. Elle est absolument fantastique. Elle possède une science de la comédie incomparable. Dans les moindres de ses mouvements, de ses regards, de ses postures, dans sa façon de parler et de jouer avec ses partenaires, elle est fascinante. Elle mériterait un vrai grand boulevard. On ne peut la comparer à personne, surtout pas à Jacqueline Maillan ; même si toutes deux évoluent au plus haut niveau du jeu et de l'inventivité drôlatique. Il y a eu LA Maillan, il y a LA Mergault ! Point.

En dehors de ce grand et magistral numéro de comédie, en dépit d'une mise en scène alerte et efficace, Croque monsieur nous laisse un peu sur notre faim. A cause de ces dialogues un peu lourds, de ces lieux communs parfois indigestes. Malgré des gens bons, il sent un peu trop le gruyère... Mais, si on arrive à faire abstraction de ce handicap, je puis vous assurer que rien que pour assister à la performance hors normes d'Isabelle Mergault, vous pouvez prendre un ticket (repas). Après tout, un croque-monsieur n'est pas un plat de résistance, ce n'est qu'un en-cas.
J'insiste lourdement : une présence comique comme celle d'Isabelle, est trop rare pour que l'on passe à côté. Je mets 2/10 à la pièce et 9 à sa prestation. D'où le 5,5 affiché en préambule et dont je tiens à me justifier.

vendredi 1 février 2008

Réception


Théâtre des Mathurins
(Petite salle)
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre-Caumartin

Une pièce de Serge Valetti
Mise en scène par Christophe Correia
Avec Claire Nebout et Jean-Claude Dreyfus

Ma note : 7/10

L'histoire : Dans un hôtel perdu de province, un réceptionniste solitaire, acariâtre et alcoolique voit ses petites habitudes bouleversées par les arrivées d'un jeune VRP autoritaire et exigent, puis de son invitée, une jeune femme énigmatique et troublante. Intrigué, il va tenter de percer le mystère du comportement étrange de ses hôtes...

Mon avis : Le décor nous installe tout de suite dans l'ambiance. Nous sommes dans un boui-boui mal entretenu, au confort succinct. Cette sensation d'insalubrité est encore avivée par la présence du gardien de nuit, un personnage peu ragoûtant, débraillé, qui ne cesse de bougonner d'une voix grasseyante. Dans cet univers limite sordide, l'irruption d'un client élégant et racé a de quoi décontenancer. Pourtant, ce dandy rouleur de mécaniques, a bel et bien l'intention de passer la nuit dans ce gourbi. Mieux encore, il y attend la visite d'une jeune femme avec laquelle il compte bien partager un bon moment, puisqu'il intime au réceptionniste de mettre du champagne au frais. Evidemment, une telle attitude autoritaire dérange et déstabilise notre employé misanthrope et asocial qui en ronchonne de plus belle. Ce qui n'impressionne guère la petite frappe arrogante laquelle, au contraire, ne cesse de l'asticoter...
Alors que le jeune homme s'est absenté pour se sustenter dans un restaurant voisin, arrive une splendide jeune femme, moulée dans une robe d'un rouge éclatant qui dessine une plastique de rêve. Devant un réceptionniste médusé, elle prend des poses, se fait aguicheuse et provocante. Bien sûr, cela a pour résultat immédiat de réveiller chez lui le cochon qui sommeillait (ce qui est un pléonasme quand il s'agit de Jean-Claude Dreyfus). Aussitôt, il change d'attitude, se fait obséquieux, devient libidineux... Mais la jeune femme le laisse en plan pour gagner la chambre où elle est bientôt rejointe par son compagnon. Et le réceptionniste est bien vite le témoin agacé de leurs ébats bruyants...
Voilà, le tableau est dressé. Rien ne sert surtout d'en dévoiler plus.

L'atmosphère de ce huis-clos est intense. On oscille sans cesse entre pure noirceur, moments de grâce et d'humour. En tant que spectateur, on a l'impression de construire une pyramide de cubes à l'aveugle. On s'en pose des questions car on imagine bien que l'intrusion de ces deux jeunes gens dans la vie pitoyable du réceptionniste est tout sauf fortuite.
En cela, il faut encenser le jeu des comédiens. Jean-Claude Dreyfus est à la fois exécrable et pathétique. Il traîne sa solitude comme un boulet, essayant de la rendre supportable avec force verres d'alcool. Il y a belle lurette qu'il a renoncé à toute dignité. Il s'est volontairement mis en marge de la société, préférant converser et s'en prendre aux objets qui sont autant d'exutoires à sa détestation de lui. Dreyfus est formidable dans cette composition, impressionnant de veulerie et de mépris de lui-même. Indifférent à son marcel souillé, tel un ours en cage, il passe son temps à marmonner, à faire des allers-retours entre son arrière salle et ses distributeurs d'alcool.

Quant à Claire Nebout, elle a hérité là d'un rôle qui doit compter dans la carrière d'une comédienne tant il est dense et riche. Elle accomplit une véritable performance, allant jusqu'à s'exprimer avec deux voix aux timbres très dissemblables. On imagine qu'il y a eu un sacré travail en amont. Elle est tout le temps crédible, sans aucune fausse note dans ses deux partitions. Quel affrontement avec Jean-Claude Dreyfus ! Quel duo ! Au moment des saluts, il est évident qu'ils sont très complices. Il ne pourrait d'ailleurs en être autrement pour partager deux rôles aussi intenses...
La petite salle du théâtre des Mathurins est le cadre idéal pour une pièce aussi particulière. On peut ainsi en suivre l'intrigue à bout portant. Et on en sort avec la certitude d'avoir vécu un grand moment de comédie pure.
Il n'y a qu'une chose que je n'ai pas comprise, c'est au niveau du décor : pourquoi la porte d'entrée de cet hôtel est-elle de guingois. Je ne vois ce que cela apporte...