dimanche 23 mars 2008

Ged Marlon "Solo"

Théâtre du Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 30
Métro : Edgar Quinet/Gaîté

Ma note : 7/10

Mon avis: En préambule, je me dois de prévenir les personnes sensibles : Ged Marlon est chauve ! Terriblement chauve, dramatiquement chauve ! Il n'a pas le crâne rasé pour faire mode, non, non, il est irrémédiablement chauve. A peine présente-t-il une médiocre petite couronne sur l'arrière de la tête. Bon, passé ce premier choc, je dois admettre qu'on s'y fait vite. On l'oublie même pour ne se fixer uniquement sur la qualité d'un spectacle très personnel, un ravissement de drôlerie intelligemment absurde. Bien sûr, c'est un genre qu'il faut savoir apprécier. Ils sont bien peu les humoristes qui ont cette faculté de nous entraîner ainsi dans leur univers à la fois loufoque et poétique (Daniel Prévost, Jean-Jacques Vanier...). le spectacle commence par un petit film burlesque digne de Mack Sennett ou Buster Keaton, une mise en bouche qui a déjà le don de nous mettre de bonne humeur. Et, pile au moment où ça commencerait à friser le répétitif, Ged, cette fois en chair et en os, s'autorise une entrée... fracassante. Sans plus attendre, sur le ton de la réflexion intime, il s'adresse à nous comme à des proches, comme à des confidents. Il fait cas de ses petits soucis, existentiels et métaphysiques certes, mais tellement banals et anodins : problème de chaussures (ah, la gestion de cette satanée demi-pointure ! Ah ces vendeuses si parfaites !), de costume, de ses cheveux... Et, sans transition, toujours comme s'il soliloquait, il passe de l'infiniment petit, lui, à l'infiniment grand, la dette de la France. Ce gouffre abyssal le tracasse et l'empêche de dormir exactement comme si d'était lui qui devait une telle somme. De "somme" à "sommeil", il n'y a qu'un pas qu'il franchit avec légéreté et il nous expose tout-de-go une théorie très sérieuse sur les cycles et l'importance de s'endormir avant ou après minuit.Ils sont terribles ses problèmes existentiels. Comment expliquer l'intervention du paranormal dans les manifestations du hasard ou de la coincidence ?... Lorsqu'on attaque de front un plateau de fruits de mer, faut-il commencer ou terminer par le tourteau ?... Diabolique ! Et ainsi de suite...
Tout le spectacle repose sur ces sortes d'élécubrations énoncées avec un sérieux imperturbable. Et puis, Ged Marlon chante. Il possède une superbe voix mélodieuse et chaudement flûtée de crooner avec, parfois, des intonations à la Dutronc Jacques, qu'il met au service de textes remarquablement ciselés (Que fit Sophie sur le sofa ?, Camille). Et il faut voir comme il bouge et fait onduler son corps ! Quelle souplesse, quelle fluidité ! C'est un elfe. Et si ce n'est pas un elfe, du moins en possède-t-il l'essence.

Il ne faut pas tout raconter de cet excellent one-man show. La mine réjouie du public à la sortie suffit amplement pour prévoir que le bouche-à-oreille va être éloquent. C'est entièrement mérité car Ged Marlon nous offre au Petit Montparnasse un spectacle total, spectacle qu'il ponctue en sorte de bouquet final d'une chorégraphie époustouflante. Il est sur ressorts ce gars-là et sa prestation, elle aussi ressort... de l'ordinaire (elle est même super, aérienne - donc sans plomb aux semelles -histoire de boucler en grandes pompes la boucle avec l'elfe).   

lundi 17 mars 2008

Ne nous quitte pas


Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre-Caumartin/Auber

Une comédie de Gil Galliot et Yves Hirschfeld
Mise en scène par Gil Galliot
Avec Gil Galliot (la tête), Philippe Lelièvre (le sexe),Fred Nony (le coeur).
Voix off de Sophie Le Tellier

Ma note : 7/10

L'histoire : Une tentative masculine pour évoquer la Femme en toute... méconnaissance. Une comédie drôle et tendre sur la vision maladroite mais assumée de la vie de couple... Le postulat de base de cette pièce est plutôt alambiqué : Paul est un commercial marié depuis 18 ans avec Agnès, libraire. Les trois principaux éléments du corps de Paul, sa tête, son coeur et son sexe, commencent à s'affoler au moment où un rival, Jérémie, un séduisant et brillant écrivain, met leur couple en danger...

Mon avis : On met quelques minutes pour réaliser de qui il s'agit ; ou, plutôt, de QUOI il s'agit. Car les trois olibrius qui s'agitent devant nous et qui s'appellent tous les trois Paul ne sont pas des êtres humains. Ils représentent chacun un organe de ce fameux Paul, et pas n'importe lesquels puisqu'il s'agit - en allant de haut de bas - de sa tête, de son coeur et de son sexe... Mais dès qu'on a compris qui fait quoi, on se délecte tant chacun campe son organe avec une précision, des manies et des tics diaboliques. Le sexe en tête, ils s'en donnent à coeur joie !

La mise en scène est aux petits rognons (puisqu'on est dans les organes !). Succinte, mais efficace. De toute façon, avec des énergumènes qui occupent autant l'espace, nul n'est besoin de s'encombrer de décors et d'immobilier superfétatoires. Au début, trois valises suffisent amplement pour nous faire comprendre qu'il y a de la séparation et du départ dans l'air. A l'étage du dessus, Agnès est en plein désarroi. On l'entend sangloter. le signal d'alarme est déclenché. Chacun de nos lescars réagit avec sa propre personnalité. La tête a le don de rester en tout point rationnelle et pragmatique, avec toutefois une certaine condescendance envers ses deux collègues, apparemment moins nobles à son goût. Le sexe se comporte évidemment comme un gland, sans états d'âme, tellement sûr de son art et de ses talents, mais tout de même assez primaire, voire carrément couillon. Quant au coeur, fragile et hypersensible, il se met à palpiter et à pousser des petits cris à la moindre contrariété ; sa faiblesse chronique agaçant considérablement ses deux comparses.

Voilà, le tableau est brossé. Fous d'inquiétude à l'idée de voir Agnès larguer Paul, leur propriétaire, ils vont étudier quelle(s) stratégie(s) adopter pour la maintenir dans le giron familial.
Autre excellente astuce de la mise en scène, de temps à autre, une photo descend des cintres, concrétisant les pensées intimes d'Agnès. C'est ainsi qu'on fait connaissance avec Jérémie, le redoutable bellâtre dont Agnès commence à s'amouracher. Paul a tort, il devrait passer moins de temps au bureau...

Après un début relativement calme et rigoureusement construit afin de nous permettre de bien appréhender la situation, nos trois héros font progressivement monter la pression ; tout simplement en fonction de l'attirance grandissante d'Agnès pour Jérémie. Totalement désemparés par ce qu'ils appellent "l'énigmatique échaffaudage embrumé de la femme", ils s'évertuent à essayer de recoller les morceaux. Plus ils craignent de la voir céder, plus ils s'affolent, plus ils font n'importe quoi. Et quand on dit n'importe quoi, c'est vraiment n'importe quoi ! Et ça part dans tous les sens. Tous les genres sont abordés : la comédie musicale, le burlesque, la pantomime, le non sens, les costumes approximatifs. c'est absurde, farfelu, délirant, complètement déjanté, ça passe du coq à l'âne - ou plus précisément du coq au cheval (vous comprendrez) - et... totalement maîtrisé. Qu'est-ce qu'ils sont bons les gaillards ! Ce sont les dignes petits cousins des Monty Python

Cette pièce est fort bien écrite, parfois nécessairement pompeuse et cérébrale (ça c'est la faute à la tête !) et, surtout, elle est servie par une triplette d'acteurs absolument étourdissants. Très physiques, ils évoluent tous trois au même (très haut) niveau, tellement différents qu'ils en sont formidablement complémentaires. Leur complicité est communicative et le public se met bien vite à l'unisson de leur folie aussi créatrice que dévastatrice.
On peut dire qu'elle en fait des dégât, LA femme, dans les organes masculins les plus nobles et les plus intimes ! Il faut voir dans quel état elle les met...

vendredi 14 mars 2008

Il y a longtemps que je t'aime


Un film de Philippe Claudel
Musique de Jean-Louis Aubert
Avec Kristin Scott Thomas (Juliette), Elsa Zylberstein (Léa), Serge Hazanavicius (Luc), Laurent Grevill(Michel), Frédéric Pierrot (Fauré), Lise Ségur (P'tit Lys), Jean-Claude Arnaud (Papy Paul)...
Durée : 1 h 55
Sortie le 19 mars 2008

Ma note : 7,5/10

L'histoire : Pendant quinze années, Juliette n'a eu aucun lien avec sa famille qui l'avait rejetée. Alors que la vie les avait brutalement séparées, elle retrouve sa jeune soeur, Léa, qui l'accueille chez elle, auprès de son mari Luc, du père de celui-ci et de leurs deux fillettes adoptées...

Mon avis : Je dois avouer, un peu penaud, que je suis venu à cette projection en traînant sensiblement des pieds. Bon, le temps n'étant pas folichon, j'avais suivi le mouvement... Deux heures plus tard, je me retrouvais bien enfoncé dans mon siège avec à l'âme un doux sentiment très agréable, les yeux légèrement humides et, sans doute, avec un sourire un peu niais...

Pas question de raconter l'histoire et d'en dévoiler les rebondissemnts. Bon, d'accord, il y a un secret de famille. On le sent, on le sait dès le début. Ce qui importe dans ce film, c'est sa trame, c'est l'évolution des sentiments... Et c'est surtout le jeu absolument remarquable de deux comédiennes particulièrement habitées, sensibles, fortes et fragiles et tellement aimables (dans le sens noble du terme).
Nous sommes à Nancy. C'est la province avec son rythme un peu mollasson, son climat pas spécialement attractif... Le début du film est lent, très lent même. Il fait en quelque sorte pour nous office de round d'observation. Immédiatement, on s'attache à Juliette, le personnage qu'incarne (le terme n'est pas trop fort) Kristin Scott Thomas. Elle nous fascine, nous intrigue, nous touche, nous émeut. C'est une taiseuse, repliée sur elle-même, qui ne s'exprime guère que par de longs regards tour à tour mélancoliques, révoltés, résignés, aimants. Tout se passe dans sa tête, mais elle sait fort bien nous le communiquer.
En face d'elle, il y a Léa, sa soeur (Elsa Zylberstein). Son personnage va être tout au long du film un élément déclencheur. C'est elle qui, à la fois avec maladresse et opiniâtreté, va faire bouger les choses et essayer de fissurer cette chappe de plomb qui dissimule le lourd secret de son aînée. Bien que gênée aux entournures parce que sa soeur ne lui facilite pas la tâche, peu aidée non plus par son chercheur de mari, Léa va s'appliquer consciencieusement à reconstruire quelque chose.
Inexorablement, la tension monte.
Les deux femmes portent tout le film sur leurs épaules. Elles sont indissociables. Les autres personnages font office d'aiguillons destinés à amener des réactions. Ce ne sont finalement que des rôles secondaires, mais ô combien nécessaires. Le mari aussi pragmatique que peu coopératif ; le flic, décalé, idéaliste, désabusé, fatigué ; P'tit Lys, l'aînée des gamines qui, avec l'impertinence de son jeune âge, exprime tout haut des commentaires que les adultes retiennent. Et, chez elle aussi, la caméra choppe de profonds regards qui en disent long ; il y a le grand-père, témoin silencieux et confident bienveillant ; enfin, il ya Michel, un type banal, normal, sympa qui, comme le grand-père, redore quelque peu le blason masculin.

Ce film est émaillé de quelques scènes qui sont autant de grands moments : le rendez-vous d'embauche de Juliette, les parties de piano, le dîner à la campagne...

Sans une once de pathos, on progresse lentement en une longue montée vers l'ouverture de vannes comprimant des coeurs trop longtemps asséchés. Ces lenteurs sont nécessaires, indispensables. Kristin Scott Thomas joue toute en retenue, en nuances, en finesse. Quels regards, quels sourires fugaces mais tellement lumineux. Ses yeux si clairs se plongent dans les nôtres, nous pénètrent, nous fouaillent. Ils parviennent à dénicher ce qu'il y a de meilleur en nous et ça nous fait un bien fou. Elle a là un rôle magnifique qui compte dans une carrière. Et Elsa Zylberstein se hisse brillamment à son très haut niveau.
Il y a longtemps que je n'avais pas autant aimé deux actrices, aussi belles et sensibles.

vendredi 7 mars 2008

MR 73


Un film d'Olivier Marchal
Avec Daniel Auteuil (Louis Schneider), Olivia Bonamy (Justine), Catherine Marchal (Marie Angéli), Francis Renaud (Kovalski), Gérald Laroche (Matéo), Guy Lécluyse (Jumbo), Philippe Nahon (Subra)
Musique de Bruno Coulais
Durée : 2 h 04
Sortie le 12 mars 2008

Ma note : 7,5/10

L'histoire : Un tueur en série ensanglante Marseille. Louis Schneider, flic au SRPJ, mène l'enquête malgré l'alcool et les fantômes de son passé. Ce passé, justement, qui resurgit aussi pour Justine : 25 ans plus tôt, ses parents ont été sauvagement assassinés par Charles Subra. C'est Schneider qui l'avait arrêté. Mais aujourd'hui, par le jeu des remises de peine ajouté à sa bonne conduite, Subra va sortir de prison. Cette libération anticipée va de nouveau réunir Schneider et Justine, deux êtres qui tentent de survivre au drame de leur vie...

Mon avis : MR 73 va vraisemblablement clore le tryptique qu'Olivier Marchal a ouvert avec Gangsters et poursuivi avec 36 Quai des Orfèvres. Au fur et à mesure de ces trois films, il s'est approché de plus en plus de lui-même. Dans les deux premiers, il racontait une histoire. Dans celui-ci, il se raconte en y associant des personnages, flics, victimes, tueurs, qi'il a croisés pendant les dix années durant lesquelles il a été lui-même inspecteur à la Crim', la nuit. Il en est ressorti tout cabossé de l'âme. Ou plutôt, il n'en est jamais sorti. Louis Schneider, c'est un Olivier Marchal qui serait resté dans la police et qui se serait graduellement laissé dériver, emporté par l'horreur, la compassion, le dégoût. La comédie lui a sauvé la vie. Mais auparavant, il lui aura fallu trois films pour expurger toute cette noirceur qui s'était nichée au plus profond de lui et le rongeait.

Sur un plan formel, MR 73 ressemble aux deux films précédents uniquement au niveau de l'esthétique. Car on peut parler d'esthétique tant la photographie est soignée, tant la couleur est recherchée. Olivier Marchal possède au plus haut point l'art de traiter ce qu'il y a de plus laid chez l'homme avec esthétique. Ses films sont beaux à voir. Il a une façon de mettre la nuit en image qui n'appartient qu'à lui. La nuit, il est chez lui, il ne craint pas d'y affronter ses vieux démons et de les mettre crûment à nu. Et puis il n'a pas son pareil pour nous dénicher des décors improbables et hideux, taudis, terrains vagues, sous-sols, geôles... Quant à l'idée de traiter les flash backs en noir et blanc elle est tout simplement remarquable car elle nous permet de savoir toujours où on en est dans le temps. Enfin, il y a le soin apporté au son, ou plutôt aux sons. Les bruits (grincements, claquements, résonances métalliques...) sont amplifiés, de même que les souffles. Ce principe a pour effet d'hypertrophier le réalisme et d'ajouer encore à la tension.
En revanche, MR 73 ne leur ressemble plus aux deux autres au niveau du fond. Il est beaucoup plus personnel. Dans les précedents, les personnages étaient nombreux, ils se cherchaient, ils s'aimaient, ils s'affrontaient... Ils évoluaient de plain-pied dans une histoire. Cette fois, la caméra s'attache à suivre pas à pas l'inéluctable descente aux enfers d'un homme, Louis Schneider. Et quand on sait que pratiquement chacun des protagonistes de ce film a existé, ça fait froid dans le dos ; ça ne donne guère envie de s'engager dans la police ! On ressent une profonde empathie pour Schneider tellement sa souffrance est palpable, tellement son mal de vivre est lourd à porter. On sait dès le début que, pour lui, il n'y aura pas de rédemption ; du moins pas dans cette vie-là. Mais pour cet être jusqu'au-boutiste et épris de justice, son sacrifice ne peut pas être vain.

MR 73 est encore plus noir, plus sombre, plus désespéré et désespérant que ses prédécesseurs. Il nous touche insidieusement dans nos endroits les plus secrets. On voudrait sauver le soldat Schneider, mais on se contente d'assister impuissant à sa lente déchéance... Et là, il faut saluer la performance de Daniel Auteuil. Peu de comédiens auraient oser aller aussi loin, aussi bas dans le déni de soi. Ici, il atteint le niveau d'intériorisation d'un Jack Nicholson dans The Pledge, un film qui me donne encore le frisson quand j'y pense. On ne voit plus l'acteur, on ne voit que Schneider. Bonjour le sens de l'abnégation !
Si Daniel Auteuil porte ce film entièrement sur ses épaules, on ne peut occulter ses partenaires tant ils jouent leur partition avec une justesse totale.
Olivia Bonamy, vraiment sous employée au cinéma, trouve avec le personnage de Justine un rôle à sa puissance tragique qu'on avait entrevue dans Colomba. Elle est touchante d'authenticité, tant dans sa révolte que dans sa fragilité et sa peur panique.
Philippe Nahon est impressionnant dans le rôle de Subra. C'est notre Hannibal Lecter ! Il est parfait dans la duplicité. Il fout vraiment la trouille.
Catherine Marchal hérite d'un rôle superbe, mais peu évident car elle est prisonnière des conventions, de sa hiérarchie, de ses sentiments. C'est un insecte pris dans une toile inextricable. Tout chez elle ne peut passer que par les regards. Son impuissance et sa perspicacité nous la rendent profondément humaine.
Et puis c'est toujours un bonheur que de retrouver les complices de toujours d'Olivier Marchal, Francis Renaud (lui aussi injustement sous employé - ses compositions dans Gangsters et 36 m'avaient littéralement scotché) et l'excellent Guy Lécluyse dans un rôle peu reluisant mais qu'il réussit à ne pas rendre complètement antipathique.

jeudi 6 mars 2008

L'abribus


Théâtre de la Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une comédie de Philippe Elno
Mise en scène par Philippe Sohier
Avec Florence Foresti et Philippe Elno

Ma note : 7/10

L'histoire : Elle, c'est une star de cinéma, son univers, c'est le show business. Son drame, c'est de tomber en panne de voiture et de GPS en rase campagne, dans un endroit tellement paumé qu'aucun de ses deux portables ne passe. Elle vit un véritable cauchemar, d'autant qu'elel attend la réponse d'un producteur pour un film très important... La seule personne qu'elle croise dans ce no man's land est un apiculteur nonchalant, qui ne regarde pas la télévision et qui ne peut donc pas réaliser qu'il est en présence d'une vedette de l'écran. La seule échappatoire est le passage du bus. Un bus qui, pour le moment, ne peut pas parvenir jusqu'à eux en raison d'une rivière en crue. Il faut donc attendre la décrue... et tuer le temps.

Mon avis : Il est évident que cette pièce a été écrite sur mesure à l'intention de Florence Foresti. Par rapport à ce qu'elle donne en one-woman show, vous ne serez pas dépaysé. Elle nous livre en effet pendant une heure et demi un véritable récital de pitreries en tous genres qui nous comblent d'aise. Fille improbable que Louis de Funès aurait eue avec Muriel Robin, Florence Foresti, c'est... Florence Foresti ! En deux-trois années, elle s'est imposée comme une des toutes meilleures comiques (tous sexes confondus) de l'espace francophone. Elle possède dans le jeu une vista incomparable. Elle a le geste juste, la mimique précise et imparable. Il ne faut pas la quitter des yeux car elle invente sans cesse : une attitude, une bribe de mot, un sourire figé, un clin d'oeil complice... Toujours en mouvement, elle est toujours dedans.

Et elle est la première à se moquer d'elle-même et basta pour l'image ! Son entrée en scène donne le ton. Imméditament en survoltage, elle apparaît coiffée d'un serre-tête surmonté de deux grosses boules jaune vif qui ne cessent de s'agiter. Elle est ridicule, elle le sait, elle assume et même, elle en rajoute. Sa folle effervescence est d'autant plus déplacée que tout est calme et tranquille autour d'elle, dans ce coin de campagne anonyme. Sur un banc, un homme en tenue d'apiculteur est assoupi. Ce qui est un sommet de l'insupportable pour notre star en perdition. Elle a l'habitude d'être servie, qu'on obéisse au moindre de ses caprices. Ce manant va donc devoir payer de sa personne pour la sortir de cette impasse. Mais elle tombe sur un personnage un peu lunaire, débonnaire et flegmatique, totalement coupé du monde de l'audiovisuel par manque d'antenne et qui ne sait donc pas qu'il a affaire à une célébrité. On comprend tout de suite que ce sont deux mondes qui vont s'opposer et se frictionner. Il s'installe de part et d'autre une incompréhension totale et une éprouvante difficulté à communiquer. Plus notre star s'agite, plus Eric, l'indigène dégingandé, est calme. Pire, même, il s'en amuse et se permet de la titiller un peu plus. On pense parfois à Bourvil et de Funès dans La grande vadrouille, à part qu'Eric est beaucoup moins naïf que Bourvil. Il n'est jamais dupe et peut utiliser à l'envi son ironie malicieuse. Il a le piquant des abeilles dont il s'occupe. Pour en terminer avec la référence à La grande vadrouille, vous verrez, il y a une scène qui est carrément l'affiche du film !

Florence Foresti utilise toutes les facettes de son immense talent pour essayer d'obtenir une aide inconditionnelle et servile de l'autochtone. Elle est tour à tour surexcitée, affolée, contrariée, cabotine, cauteleuse, fourbe, insidieuse, simulatrice, autoritaire, manipulatrice, arbitraire, impatiente, insupportable, émouvante, fragile, charmeuse... (penser à acheter un dictionnaire des synonymes...)
On pourrait craindre qu'elle écrase son partenaire de son bouillonnement permanent, mais il n'en est rien. Philippe Elno ne lui sert pas la soupe, il lui renvoie la balle avec subtilité ; elle court la chercher, la lui rapporte, il feinte le tir, relance dans une autre direction... La mise en scène est sans faille.
Le seul problème, c'est que le sujet est tout de même mince pour tenir le rythme à deux durant une heure et demie. Aux trois-quarts de la pièce, ii y a une petite chute de tension et quelques ronronnements. Mais ce n'est pas grand chose et pour qui aime cette forme d'humour bon enfant, dénué de toute agressivité et méchanceté, mais non dépourvu d'une ironie satirique, L'abribus est la garantie de passer un excellent moment. Et puis, ne serait-ce que pour LA Foresti...

mercredi 5 mars 2008

Claude François : collection privée









Nostalgia for ever

Le 11 mars prochain, cela fera trente ans que Claude François nous a quittés. Il avait 39 ans...
Trois décennies après sa tragique disparition, son souvenir reste toujours aussi vivace dans nos mémoires et son "oeuvre" ne cesse d'être diffusée sur les ondes. Il demeure intangiblement un des artistes les plus interprétés dans les karaokés et, avec la mode disco qui réapparaît, des derniers tubes comme Alexandrie Alexandra et Magnolias for ever n'ont pas leurs pareils pour enflammer les dance floors... Et son Moulin de Dannemois continue à accueillir chaque semaine des dizaines et des dizaines de visiteurs...

Aujourd'hui, ses deux fils, Claude et Marc, ont enfin décidé d'ouvrir leur armoire aux souvenirs et de raconter ce père entré si (trop) tôt dans la légende. Afin de se démarquer des ouvrages et des hommages plutôt conventionnels, les deux frères ont eu la judicieuse idée et la délicate pensée de nous faire partager les objets qui ont jalonné la vie et la carrière de Clo Clo.
Dans un somptueux livre-objet de 84 pages, illustré avec plus de 250 photos, ils nous proposent de découvrir et de toucher des documents et duplicatas aussi intimes et précieux que son certificat d'études, son permis de conduire, son passeport de 1963, mais aussi une couverture de Podium, un carton d'invitation, le fanion Flèche, un carnet de répétitions des Clodettes, des notes de service écrites de sa main, des cartes postales... et des dizaines d'autres objets tous plus marquants les uns que les autres, comme ce fameux télégramme d'Andy Feinman à propos de My Way.
Et enfin, cerise sur ce gâteau d'anniversaire tout bleu, ce livre contient un single inédit, Bye Bye Blackbird, la toute première chanson qu'il ait enregistrée et qui n'a jamais été mise en vente. Un objet unique !

Si l'on est fan de Claude François, cette Collection privée est sans conteste LE plus bel ouvrage auquel on puisse rêver pour approcher au plus près son idole. Original et indispensable. (44 €)

lundi 3 mars 2008

Les femmes de l'ombre


Un film de Jean-Paul Salomé
Avec Sophie Marceau (Louise Desfontaine), Julie depardieu (Jeanne), Marie Gillain (Suzy), Déborah François (Gaëlle), Moritz Bleitbreu (Karl Heinrich), Maya Sansa (Maria), Julien Boisselier (Pierre Desfontaine), Robin Renucci (Melchior), Vincent Rottiers (Eddy)...
Musique de Bruno Coulais
Sortie le 5 mars 2008

Ma note : 7/10

L'histoire :
Engagée dans la résistance française, Louise se réfugie à Londres après l'assassinat de son mari. Elle y est aussitôt recrutée par son frère Pierre, qui travaille pour le SOE, un service secret de renseignement et de sabotage piloté par Churchill.
La première mission qu'on lui confie est extrêmement urgente : il s'agit d'exfiltrer un agent britannique tombé aux mains des Allemands alors qu'il était en repérage sur la côte normande afin d'y préparer le tout proche débarquement. L'homme, qui était revêtu de l'uniforme allemand, n'a pas encore été confondu. Il est soigné dans un hôpital en Normandie. Le temps presse... Pour le sortir de là, Louise doit constituer un commando de femmes spécialement choisies pour cette opération. Elle engage d'abord Suzy, une danseuse de cabaret qui excelle dans l'art de séduire les hommes ; puis Gaëlle, une chimiste spécialiste en explosifs ; et enfin Jeanne, une prostituée condamnée à mort pour le meurtre de son souteneur et qui est capable de tuer de sang froid...
Parachutées en Normandie, elles retrouvent sur place Maria, une juive italienne, opérateur radio.
La mission débute bien mais se complique très vite. Un des champions du contre-espionnage nazi, le colonel Heinrich, commence à s'approcher dangereusement de la vérité à propos du débarquement... On impose à nos cinq héroïnes un périlleux voyage à Paris pour essayer d'éliminer le redoutable SS.

Mon avis : Très honnêtement, je n'avais absolument pas aimé les deux précédentes super productions réalisées par Jean-Paul Salomé, Belphégor et Arsène Lupin. Indigence du scénario pour le premier, erreur de casting pour le second car Romain Duris est tout sauf un Arsène Lupin crédible. Je leur avais toutefois reconnu une grande qualité : l'esthétique de la photo, la beauté des décors et des costumes... Evidemment, et c'est très appréciable, on retrouve toutes ces vertus dans Les femmes de l'ombre. Le soin apporté à la reconstitution des années 40 est remarquable, le tout étant servi par une photographie toujours aussi léchée. Le générique de début avec ses photos en noir et blanc est absolument superbe. Et les comédiens, dont le casting cette fois est parfait, ont vraiment le look de l'époque, Julien Boisselier en tête avec sa petite moustache si caractéristique.

Ce film est un bon film d'aventures et d'action. Bien qu'inspiré d'histoires vraies, il est construit sur une dramaturghie classique. Le recrutement du début fait un peu penser aux Sept mercenaires avant de prendre une tournure franchement Canons de Navarone. On s'attache très vite à la destinée de ces femmes de Londres appelées à devenir des femmes de l'ombre aussitôt leur parachutage en France. Les profils psychologiques sont bien cernés. On comprend vite qui est qui et qui fait quoi. Cette exposition efficace permet au film de prendre un rythme nerveux et haletant. On ne s'ennuie pas une seconde.
Si l'on fait abstraction de quelques grosses ellipses nécessaires justement à ne pas apesantir l'action, on est pris de bout en bout et, tout le temps, on pense à ce qu'aurait été notre propre attitude face à de tels événements. Quel que soit le comportement de chacun on le comprend. On l'admire quand il confine au sacrifice, on l'excuse quand il est dicté par la terreur. Les quelques scènes de torture sont suffisamment explicités pour étayer le propos. Il faut d'ailleurs souligner que ces scènes ont été tournées avec beaucoup de tact pour éviter de tomber dans une horreur complaisante ou un voyeurisme malsain.

Les femmes de l'ombre est une formidable aventure humaine. Qui dit "humain" dit personnages. Chacun dans son registre et dans son rôle, tous les protagonistes de ce film sont irréprochables.
Sophie Marceau a rarement été aussi impressionnante. Elle a dépassé le stade du chagrin avec la mort dramatique de son mari. Elle a fait une croix sur son avenir personnel, il est tout naturel pour elle d'entrer en résistance. N'ayant plus rien à perdre, elle a un sang froid et une dureté à toute épreuve. Elle est juste du début à la fin, à un point tel qu'on en oublie la plupart du temps qu'elle n'a jamais été aussi belle.
Une fois encore, Julie Depardieu éclabousse un film de son indispensable présence. C'est une assurance tous risques. Elle donne au personnage de Jeanne une épaisseur, une authenticité épatantes. Avec sa gouaille et sa dégaine, elle apporte la seule note de légèreté et d'humour à ce drame.
Marie Gillain n'a pas hérité du rôle le plus facile à jouer car il est le moins linéaire de tous. Il lui faut passer par différents états d'âme qui sont autant de variations dans l'interprétation. Son évolution comportementale est proprement fascinante.
Déborah François EST Gaëlle. C'est sans doute à travers elle que l'on est le plus secoué et que l'on se pose le plus de questions. Avec son innocente blondeur, sa foi quasi mystique, sa fragilité, elle campe une anti-héroïne on ne peut plus touchante.
Julien Boisselier est comme toujours impeccable ; autant qu'il est implacable d'ailleurs. C'est un pur soldat pour qui ne compte que la réussite de la mission que ses supérieurs lui ont confiée. Il nous révèle en outre qu'il est bâti comme un athlète, ce qui n'est pas évident quand on le voit en uniforme ou en costume de ville...
Et enfin Moritz Bleibtreu apporte à son personnage d'officier nazi une épaisseur aux antipodes des clichés habituels. Il est intelligent, ambitieux, ambigu, il a énormément de charme. Ce n'est pas qu'une machine de guerre, il est capable d'émotions et de sensibilité. Par son jeu très subtil, on devine bien qu'il n'est pas un défenseur acharné de la torture et que s'il pouvait éviter d'en venir à de telles extrêmités, il ne s'en porterait pas plus mal...

Les femmes de l'ombre devrait faire une jolie carrière car il va toucher tous les publics. Mais il faut cependant savoir dépasser la simple qualification de film d'action - car c'en est un et un bon - pour rendre hommage au courage de tous ces résistants, hommes et femmes, qui ont sacrifié leur jeunesse et parfois leur vie pour un idéal de paix et de liberté. Merci à eux... et à ELLES !