mardi 30 septembre 2008

Le diable rouge


Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaïté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce d'Antoine Rault
Mise en scène par Christophe Lidon
Décors de Catherine Bluwal
Costumes de Claire Belloc
Avec Claude Rich (le cardinal Mazarin), Geneviève Casile (Anne d'Autriche), Bernard Malaka (Colbert), Denis Berner (Bernouin), Adrien Melin (Louis XIV), Alexandra Ansideï (Marie Mancini).

Ma note : 8/10

L'histoire : Au sommet de son pouvoir, mais à la fin de sa vie, le cardinal Mazarin achève l'éducation du jeune roi Louis XIV sous le regard de la reine-mère Anne d'Autriche et d'un Colbert qui attend son heure. Tous ces personnages, leurs calculs et leurs rivalités, ne sont pas sans rappeler les jeux du pouvoir et ces liens étroits entre affaires publiques et vie privée dont nous sommes témoins aujourd'hui sur la scène politique. Tant il est vrai que les régimes changent mais que les motivations des hommes restent les mêmes...

Mon avis : Il ressort de cette pièce au ton très contemporain que les façons de faire n'ont vraiment pas changé sous le soleil de la politique. Bien qu'il fusse plus opportun ici de parler de ce qui se passe plutôt dans l'ombre qu'en pleine lumière. Les propos échangés entre Mazarin, la reine-mère et le ministre Colbert sont en effet d'une modernité sidérante. On a l'impression d'entendre nos dirigeants actuels et, plus particulièrement, le monarque en place. Surtout à propos de la gestion économique d'un état.
Je me suis ainsi amusé à relever deux-trois phrases réellement éloquentes : " Crois-tu que l'on pourrait gouverner un pays uniquement avec des gens honnêtes ?"... "Ce sont les coquins qui mènent le monde"... On ne fait pas de politique avec de bons sentiments"... C'est confondant de réalisme !
L'écriture du Diable rouge est un délice de raffinement, de lucidité et de cynisme. C'est intelligent sans être pesant, badin sans être futile et, surtout, agréablement caustique.
Très joueur, Claude Rich excelle dans ce genre de personnage. Depuis la salle, on voit son oeil pétiller de plaisir et de malice. D'un grand personnage de l'Etat, il possède toutes les vertus... cardinales. Il n'a pas son pareil pour faire passer - c'est selon - pertinence et impertinence, voire un certain machiavélisme. Ses joutes verbales à fleurets mouchetés avec Anne d'Autriche (Geneviève Casile absolument... impériale. Quelle prestance, quel port, quelle élégance !) ou avec Colbert (Bernard Malaka tout en retenue, et en même temps habile diplomate et ferme politicien) constituent de grands moments de théâtre. Cette pièce pleine d'esprit comporte évidemment une kyrielle de répliques savoureuses.
La note de fraîcheur et de spontanéité est apportée par les deux jouvenceaux Adrien Melin et Alexandra Ansidéï. le premier campe un Louis XIV fringant, vif, primesautier, fougueux, mais aussi déjà très mature et volontaire. Quant à la fort jolie Alexandra, elle joue une Marie Mancini plutôt fine mouche, qui refuse de se poser en victime expiatoire de la raison d'Etat. Elle réagit en femme amoureuse sans pour autant y laisser son âme et perdre sa lucidité.
Enfin, la pièce est esthétiquement très réussie. De lourdes tentures et tapisseries dans des tons de rouge orangé donnent énormément de chaleur à un décor réhaussé par la présence d'un gigantesque miroir en suspens. Quant aux costumes, ils sont tout bonnement somptueux.
Encore un grand et beau moment de théâtre. Quelle rentrée !

Les aventures de Rabbi Jacob


Palais des Congrès
Tel : 01 40 68 00 05
Métro : Porte Maillot

Mise en scène : Patrick Timsit
Musiques : Vladimir Cosma
Avec Eric Métayer (Victor Pivert), Marianne James (Germaine Pivert)...

Ma note : 5/10

L'histoire : L'industriel Victor Pivert, catholique et français "comme tout le monde", irascible et un tantinet raciste, se prépare à marier sa fille Antoinette au fils d'un général. Mais un vendredi soir, alors qu'il rentre à Paris avec son chauffeur Salomon, dont il découvre avec stupeur qu'il est juif, il est victime d'une sortie de route. Resté seul après avoir congédié son employé parce qu'il refusait de travailler pendant le Shabbat, il s'en va chercher de l'aide. Il se retrouve dans une usine de chewing-gum. Il y assiste à un interrogatoire musclé conduit par les membres d'une police d'Etat d'un pays identifié comme étant "arabe" à l'encontre d'un dissident politique, Mohammed Larbi Slimane. Ce dernier réussit à s'échapper, entraînant dans sa cavale un Victor Pivert devenu otage malgré lui... Ils se retrouvent à l'aéroport d'Orly où, pour échapper à leurs poursuivants, ils usurpent l'identité de deux rabbins hassidiques tout juste débarqués de New York...

Mon avis : Et bien, Rabbi Jacob y va (dé)chanter...
Après deux heures et demie d'un spectacle sans rythme, ennuyeux, décousu, mal maîtrisé, on se demande ce que ce pauvre Eric Métayer est venu faire dans cette galère. Il se montre une nouvelle fois excellent, plein d'inventivité, de dynamisme, de drôlerie. Et Marianne James, dans un rôle certes très caricatural, tire elle aussi son épingle du jeu (ce qui pourrait légitimement lui ouvrir des perspectives cinématographiques). Ils ont beau s'échiner et faire leur possible pour donner l'impression qu'ils s'amusent, le soufflé retombe hélas mollement.

Visiblement impressionnés par le challenge, les adaptateurs, trop frileux, ont trop voulu coller au film. Du coup certaines péripéties qui passent parfaitement dans le film arrivent sur scène comme des payos sur la soupe (les payos sont les frisettes que portent les rabbins). La rencontre que fait Pivert en pleine cambrousse avec le cortège d'un mariage mixte est par exemple totalement surréaliste et inutile pour l'action. Il eût fallu resserrer le scénario pour lui donner un peu plus de pêche. Trop de longueurs, une utilisation abusive du comique de répétition, particulièrement dans les dialogues ("toc toc toc" et "tac tac tac"), ce qui alourdit péniblement le propos, un jeu outré (surtout de la part des trois représentents de la police secrète)... En plus, les chorégraphies sont très conventionnelles, elles exhalent le déjà vu dans un ersatz approximatif de celles de Notre-Dame de Paris.
Musicalement - un comble pour une comédie musicale - on attend en vain une ébauche de tube. Seul le titre d'introduction, un raggamuffin signé MC Solaar, possède une certaine originalité. Sinon, le reste est d'une platitude extrême.
Le soir de la générale, bon nombre d'invités ont profité de l'entracte pour s'esquiver. On ne peut que leur donner raison car la deuxième partie est encore plus lénifiante que la première.
Je mets donc 5 points. 4 qui vont à la prestation irréprochable d'Eric Métayer, et 1 à Marianne James pour son sens aigu de l'autodérision.
Le film va rester sans problème un film culte ; quant à ce spectacle, il va s'inscrire dans la catégorie des divertissements "cucultes".
Vont-ils tenir jusqu'à la fin novembre ? Ce n'est pas gagné.

lundi 22 septembre 2008

Les deux canards


Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce de Tristan Bernard
Adaptation et mise en scène d'Alain Sachs
Avec Isabelle Nanty (Léontine Béjun), Yvan Le Bolloc'h (Lucien Gélidon), Urbain Cancelier (Béjun), Pierre-Olivier Mornas (Larnois), Gérard Chaillou (baron Saint-Amour), Jean-Marie Lecoq (commandant Mouflon), Catherine Chevalier (Amélie Flache), Jean-Pierre Lazzerni (Honoré Flache), Jean-Louis Barcelona (La Chevillette), Michel Lagueyrie (Moreau), Cassandre Vittu de Kerraoul (Madeleine Saint-Amour)

Ma note : 8/10

L'histoire : Lors d'un voyage en province, Lucien Gélidon, écrivain parisien et raffiné, tombe sous le charme de Léontine Béjun, la voluptueuse et impétueuse épouse d'un imprimeur.
Par amour pour lui, elle décide de fonder un journal de gauche dont elel le nomme rédacteur en chef. Mais voilà que Gélidon tombe amoureux de la fraîche et irrésistible Madeleine Sain-Amour, la jeune fille du château. Afin de pouvoir l'approcher en toute liberté, il devient aussi sur-le-champ rédacteur en chef du journal de droite que lance son baron de père. Notre journaliste écrit donc le matin sous son vrai nom, et le soir sous un pseudonyme, dans les deux "canards" concurrents et politiquement opposés. Jusqu'au jour où...

Mon avis : Lorsque les lumières s'éteignent, une valse légère et entraînante nous met déjà en condition. Et puis le rideau se lève sur le décor inhabituel d'une imprimerie du tout début du 20è siécle. C'est le siège de La Torche, un journal très marqué à gauche...
Les deux canards est une pièce âgée de 95 ans ! Mais elle ne les fait absolument pas tant elle est alerte, fringante et pleine de verdeur. Alors que Feydeau, voire Labiche, ne cessent d'être à l'affiche dans les salles parisiennes, on peut s'étonner de l'absence dans les programmations depuis près d'un siècle de cet excellent "boulevard". C'est du Tristan Bernard tout de même ! Si on y retrouve le même rythme endiablé que les meilleurs Feydeau, il y a en effet cette plus-value que constitue l'écriture de cet auteur renommé entre autre pour ses bons mots et ses définitions de mots croisés. On se délecte effectivement de quelques savoureuses saillies.

Ce qui est le plus bluffant dans le scénario de cette pièce, c'est la faculté de l'auteur à rebondir. On se demande à chaque fois comment ses personnages vont se sortir de l'inextricable cannevas de mensonges qu'ils ont eux-même tricoté. Surtout ce cher Lucien Gélidon, obligé qu'il est de faire le grand écart entre deux relations amoureuses, deux employeurs aux idées diamétralement opposées, deux bureaux, deux patronymes. La sauce ne fait que monter. On pressent qu'il court immanquablement à la catastrophe jusqu'à ce bouquet final totalement farfelu : se provoquer lui-même en duel. Bonjour la schizophrénie ! C'est énorme, c'est tout fou, bien déjanté, mais on se prend au jeu tant c'est enlevé, habile et gentiment tordu.
Si la mayonnaise prend si bien, c'est aussi et surtout grâce au jeu des comédiens. Il y a sur la scène du théâtre Antoine une belle brochette de "branquignols" un tantinet caricaturaux, de vraies "gueules", de vrais personnages. Ils sont tous très bons. Et personne ne tire la couverture à soi. Sous la houlette facétieuse et hyper précise d'Alain Sachs, ils se conduisent avec un esprit de troupe et une complicité qui passent la rampe. Il est délicat, presque incorrect, d'en mettre certains plus en évidence que d'autres, mais Urbain Cancelier (Béjun) et Pierre-Olivier Mornas (Larnois) nous livrent chacun une prestation absoluiment savoureuse dans des rôles plutôt exigents.
Et puis il y a le couple Isabelle Nanty-Yvan Le Bolloc'h... Très rare au théâtre (elle s'est beaucoup consacrée à la mise en scène), Isabelle est réellement épatante dans son double rôle d'épouse autoritaire et dominatrice et de maîtresse amoureuse et dévouée corps et âme. Tour à tour drôle et émouvante, elle possède un registre comique des plus affinés. Quelle présence !
Quant à Yvan Le Bolloc'h, il va être une véritable découverte pour la majorité des spectateurs qui ne connaîtraient de lui que ses (excellentes) prestations dans Caméra Café. Il nous révèle un éventail de jeu très étendu. En fait, la pièce repose sur son personnage. Au propre comme au figuré, il en est le noeud... Il a tous les défauts que quelques féministes malveillantes (pléonasme) prêtent aux hommes : il est lâche, versatile, menteur, pusillanime, opportuniste, bref c'est une vraie girouette. Mais il ne nous est jamais antipathique, bien au contraire. C'est un garçon plein de charme(s) à la libido exacerbée, qui se laisse guider et submerger par ses élans amoureux. Il lui est donc beaucoup pardonné... Depuis quelques années, YLB se construit patiemment. Il gravit tranquillement tous les échelons, il apprend, il prend de l'épaisseur, de la légitimité. Et comme il peut tout jouer - et pas uniquement dans la fantaisie - on peut affirmer qu'il est à l'orée d'une emballante carrière d'acteur.
Enfin, il faut souligner l'originalité des trois décors successifs ainsi que l'élégance et la qualité des costumes. Ces dames et ces messieurs portent vraiment beau. Très respectueux du public, Alain Sachs et ses complices décorateurs et costumiers nous offrent là un fort beau spectacle. Chapeau et merci...

mercredi 17 septembre 2008

Faubourg 36


Un film de Christophe Barratier
Musique originale de Reinhardt Wagner
Textes des chansons de Frank Thomas
Avec Gérard Jugnot (Pigoli), Clovis Cornillac (Milou), Kad Merad (Jacky), Nora Arnezeder (Douce), Pierre Richard (monsieur TSF), Bernard-Pierre Donnadieu (Galapiat), Maxence Perrin (Jojo), François Morel (Célestin), Elisabeth Vitali (Viviane), Eric Prat (commissaire Tortil), Julien Courbey (Mondain), Philippe du Janerand (Triquet)...

Ma note : 8,5/10

L'histoire : C'est bien simple, ce film est tout ce que j'attends du cinéma : une magnifique histoire, de beaux personnages, de superbes décors, des jolis costumes, une photographie d'une extrême qualité, des angles de prises de vues originaux et inattendus, une bonne musique... On n'a qu'à s'installer confortablement dans son fauteuil et se laisser emporter... On est pris et captivé de bout en bout.

C'est qu'on l'attendait au tournant le Barratier après le phénoménal succès des Choristes ! Et bien, à mon goût, Faubourg 36 est encore meilleur. Il est inutile de gloser à l'infini, ce film est parfaitement réussi. Il est largement du même niveau que le somptueux Moulin Rouge de Baz Luhrmann, film auquel il fait immanquablement penser.

A travers les destins entremêlés des quatre principaux personnages, Pigoil (Jugnot), Jacky (Kad), Milou (Cornillac) et Douce (Nora Arnezeder), c'est une fresque tout bonnement humaine qui nous est proposée. Cette époque charnière, magnifiquement restituée, se trouve au carrefour de toutes les passions, de toutes les idéologies. C'est l'hitoire de nos parents et grands parents ; notre histoire. C'est l'exaltante période du Front populaire en même temps que celle, menaçante, de la guerre qui sourd. La camaraderie ouvrière côtoie la xénophobie. Et au milieu de ces importants événements historiques, il y a la simple aventure humaine.
Ce film nous distille un flot de belles et profondes émotions. Il nous tient en haleine tant on s'attache aux personnages. On se projette en eux, on se met à leur place. On rit, on pleure, on tremble, on a peur, on se sent concerné, solidaire. Tous les sentiments y sont exprimés : l'amour, l'amitié, la tendresse, la haine, la violence, la fraternité...
Nous sommes dans la grande tradition du bon cinéma français de l'après-guerre. Inévitablement, on a tendance à transposer : il y a du Chaplin dans Jugnot, du Bourvil dans Kad, du Gabin dans Cornillac, de la Michèle Morgan dans Arnezeder, du Eric Von Stroheim dans Donnadieu... C'est frappant. Le moindre second rôle se révèle épatant (Julien Courbey en Mondain, ou Philippe du Janerand en Triquet, pour ne citer qu'eux...) Ils sont tous tellement naturels qu'on ne peut parler de numéros d'acteurs.

Faubourg 36 est un film sur lequel il est difficile d'écrire. On a beaucoup plus envie d'en parler avec d'autres spectateurs, d'échanger ses impressions, ses émotions, son plaisir. Il faut aller le voir, il nous fait tellement de bien, il nous emmène tellement haut. Et pourtant, il est d'une simplicité confondante. Barratier a l'art de nous raconter des histoires - car il y en a plusieurs qui s'entrecroisent ou qui avancent en parallèle -, il sait nous attraper par le coeur.
Je suis sorti de la salle enchanté, agréablement ému, heureux d'un petit bonheur tout pur, tout simple. Qu'est-ce que ça fait du bien le cinéma quand il nous propose des films de cette qualité. Sacrée lanterne magique !

Le malade imaginaire


Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 00 32
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce de Molière
Mise en scène par Georges Werler
Costumes de Pascale Bordet
Avec Michel Bouquet, Juliette Carré, Julie de Bona, Christian Bouillette, Pierre-Alain Chapuis, Olivier Claverie, Clémence Faure, Pierre Forest, Sylvain Machac, Patrick Payet, Sébastien Rognoni, Hélène Seuzaret, Pierre Val.

Ma note : 7/10

Mon avis : Voir Michel Bouquet sur scène, et qui plus est dans un grand rôle du répertoire, est un pur plaisir d'esthète et de gourmet. Quel métier ! A 82 ans, il nous régale pendant deux heures d'un jeu tout en subtilités, en nuances, truffé de trouvailles dignes d'un jeune homme espiègle. Il est habité cet homme-là ! Il EST le théâtre. Il reste, avec Robert Hirsch, un de nos derniers monstres sacrés des planches.
Dans un décor dépouillé à l'extrême, juste habillé de tapisseries orange, d'une immense tenture rouge et éclairé par un superbe lustre, campé dans son fauteuil en plein milieu de la scène, Michel Bouquet focalise toutes les attentions. Si le monologue du début, certes imposé par le texte de Molière, s'avère un peu longuet, il n'empêche que cette petite musique "en sols majeurs" constitue pour lui une sorte d'échauffement comparable à celui d'un coureur de fond. En effet, tout de suite après cette litanie de comptes d'apothicaire, la pièce prend son rythme et ne s'en départira plus durant deux heures.
Il y a sa tenue aussi. Franchement croquignolesque. Avec ses bas composés de bandes aux couleurs vives, sa sorte de grenouillère surmontée d'une collerette qui le fait ressembler à un Pierrot, et ses charentaises, il est tout à fait cocasse.
Il est bon de préciser que le metteur en scène a transposé la pièce au 19è siécle. Ce qui n'altère en rien l'esprit de Molière, mais qui permet en revanche l'emploi de costumes de toute beauté. Les femmes arborent de magnifiques robes et les hommes, en habit, portent vraiment beau. Quant aux médecins, ils sont affublés de tenues blanches du genre de celles que portent les laborantins, ce qui accentue encore leur étrangeté.

Bien sûr la pièce repose essentiellement sur le tandem Michel Bouquet/Juliette Carré (qui campe Toinette). Leur duel est réellement jubilatoire. La mécanique est précise, parfaitement huilée, toute en finesse(s). Et la troupe qui les entoure, aspirée par ces deux phénomènes, ne commet aucune fausse note. On assiste ainsi à de grands moments du théâtre classique, comme le numéro de duettistes des Diafoirus père et fils par exemple.
Enfin, cette pièce à la mise en scène vraiment dynamique se termine par une scène étourdissante à rendre jalouses moult comédies musicales. Un Bouquet final en quelque sorte dont je vous laisse la surprise.
Que ce soit en Harpagon ou en Malade imaginaire, Michel Bouquet est un des plus grands serviteurs de Molière.
En tout cas, le succès de cette pièce ne sera pas imaginaire, car c'est une salle debout qui a fait un triomphe à ce très grand monsieur et à ses complices.
Un grand moment de théâtre...

mardi 16 septembre 2008

Parlez-moi de la pluie


Un film écrit par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri
Réalisé par Agnès Jaoui
Avec Agnès Jaoui (Agathe), Jean-Pierre Bacri (Michel), Jamel Debbouze (Karim), Pascale Arbillot (Florence), Guillaume de Tonquedec (Stéphane), Frédéric Pierrot (Antoine), Mimouna Hadji (Mimouna), Florence Loiret-Caille (Aurélie)...

Ma note : 6,5/10

L'histoire : Agathe Villanova, féministe nouvellement engagée en politique, revient pour dix jours dans la maison de son enfance, dans le sud de la France, aider sa soeur Florence à ranger les affaires de leur mère, décédée il y a un an.
Agathe n'aime pas cette région qu'elle a quittée dès qu'elle l'a pu. Les impératifs de la parité l'ont parachutée ici à l'occasion des prochaines échéances électorales.
Dans cette maison vivent Florence, son mari, et ses enfants. Mais aussi Mimouna, femme de ménage que les Villanova ont ramenée avec eux d'Algérie au moment de l'indépendance.
Le fils de Mimouna, Karim, et son ami Michel Ronsard entreprennent de tourner un documentaire sur Agathe Villanova, dans le cadre d'une collection sur "les femmes qui ont réussi".
On est au mois d'août. Il fait gris. Il pleut. Ce n'est pas normal. Mais rien ne va se passer normalement...

Mon avis : Ce film laisse une impression confuse. On s'y sent aimanté par la qualité des têtes d'affiche : Bacri-Debbouze-Jaoui, ça a de la gueule ! On s'installe donc avec cette agréable sensation liminaire que l'on va passer un bon moment de cinéma. Et puis le film commence... En demi-teinte ; en faux rythme. C'est comme une journée qui commence avec de petits nuages gris qui, poussés par un vent malin, vont grossir et s'épaissir. On sent qu'un orage va éclater et que tout le monde sera plus ou moins mouillé. Effectivement, certains seront juste éclaboussés alors que d'autres vont être carrément trempés. Le climat est parfaitement rendu.
Ce film météorologique fonctionne comme un diésel. Il démarre doucement. Le moteur se met à ronronner. A la moitié, il prend son rythme de croisière ; aux trois-quarts, il passe la surmutipliée, pour ralentir doucettement jusqu'à l'arrivée. Résultat, on trouve que la deuxième partie est bien supérieure à la première. Ce qui n'est pas plus mal car on se retire au moins sur une sensation positive.

Que reste-t-il justement de Parlez-moi de la pluie quand les lumières se rallument dans la salle ?
Des dialogues ciselés, percutants, excellents. Un Jean-Pierre Bacri phénoménal dans son personnage de raté magnifique, de loser flamboyant, de doux rêveur sympathique, de bras cassé irritant. Il est tout à fait remarquable. Alors qu'on attendrait logiquement Jamel, c'est Jean-Pierre Bacri qui fait preuve d'une formidable présence comique... Car Jamel, lui, joue tout en demi-teinte. Il est touchant de retenue et de fragilité (quelle jolie scène avec sa maman de cinéma !). Il se cherche, il n'est pas encore mature, il doute. Son personnage joue gros, impliqué qu'il est dans la réussite de ce documentaire... Agnès Jaoui, elle, est à l'image du film : elle ne fait que monter en puissance... Pascale Arbillot est parfaitement à sa place aux côtés de ce glorieux trio. Elle révèle une palette de jeu réellement étendue. Et puis la jolie Florence Loiret-Caille, dans le rôle d'Aurélie, nous enchante par sa spontanéité et sa fraîcheur.

S'il pleut beaucoup à un moment du film, c'est surtout dans les coeurs que le plus gros de l'orage frappe. Personne n'est à l'abri, personne ne sera épargné. Et quand le beau temps reviendra, il éclairera des individus complètement différents de ce qu'ils étaient au début. Car la vie de tous les jours interfère sans cesse dans cette histoire. Ce sont tous des êtres humains avec leurs problèmes. On réalise très vite que personne n'est bien dans sa peau, bien dans sa vie. Un bon lavage de cerveau va leur être salutaire. C'est sans doute là que réside le point fort de ce film, dans la psychologie des personnages. On est les témoins de leur cheminement intellectuel puis de leur métamorphose. C'est très fin, remarquablement dessiné. On s'aperçoit que ce n'est pas avec nos petits égoïsmes, nos "chacun pour soi" que l'on avance et que l'on est heureux. Au contraire, il faut parfois savoir s'arrêter, se regarder en face et se retourner pour voir les autres et leur rendre leur importance.
Bref, c'est un film vachement humain. Qui donne à réfléchir sur nos comportements. Les femmes y voient plus vite et mieux que nous. Elles discernent avec réalisme le moment où il ne faut pas aller trop loin. Alors, elles reprennent leur destin en main, aspirant dans leur soudaine certitude leurs compagnons un peu dépassés.

ce film parle donc de la pluie, de ces petites ou grandes dépressions qui nous affectent à un moment de notre vie, en espérant que l'anticyclone des Açores va revenir s'installer pour un bon bout de temps et nous réchauffer enfin l'âme et le coeur.
Ce n'est pas un grand film, mais c'est un très joli film.
Et puis, il y a Jean-Pierre Bacri ! Avec lui, la pluie fait des claquettes. Alors, ne serait-ce que pour lui...

vendredi 12 septembre 2008

Le Roi Lion


Théâtre Mogador
25, rue de Mogador
75009 Paris
Tel : 0 820 88 87 86
Métro : Trinité / Chaussée d'Antin / Havre-Caumartin

Musiques et paroles d'Elton John et Tom Rice
Livret de Roger Allers et Irene Mecchi
Mise en scène et création des costumes : Julie Taymor
Adaptation française de Stéphane Laporte

Avec Olivier Breitman (Scar), Jean-Luc Guizonne, alias Jee-L (Mufasa), Zama Magudulela (Rafiki), David Eguren (Zazu), Christian Abart (Timon), Fabrice de La Villehervé (Pumbaa), Jérémy Fontanet (Simba), Léah Vincent (Nala), Céline Languedoc (Shenzi)...

Ma note : 8/10

L'histoire : L'Afrique s'éveille. le jour se lève sur l'immensité de la savane. L'aube rougeoyante voit la gent animale se rassembler. C'est une nouvelle journée qui commence... et une nouvelle vie. Bienvenue au royaume du Roi Lion.
Pour un jeune lionceau qui vient de naître s'ouvre le merveilleux cycle de la vie... Devant un parterre rassemblant tout le monde animal, Simba est fièrement présenté comme le futur successeur de son père, le roi Mufasa. Pourtant, sa jeunesse insouciante prendra brutalement fin par la traîtrise de son oncle Scar, qui veut s'arroger le pouvoir...

Mon avis : Mea culpa, mea maxima culpa... Il me faut humblement battre ma coulpe car je m'étais laissé entraîner par un apriori. Je m'explique :
Lorsqu'il y a un an j'avais vu à la télévision quelques extraits présentés sur différents plateaux par la troupe du Roi Lion, j'avais trouvé que ça criait un peu fort, que les maquillages étaient certes magnifiques, mais ce que je voyais et entendais ne m'incitait guère à me rendre du côté du théâtre Mogador. Pourtant, par expérience, je sais qu'il ne faut pas se fier à un extrait. Mais là, j'ai snobé ce spectacle pour des raisons superfatoires, basant mon jugement sur des impressions par trop succintes.
Et puis, j'ai été invité le 11 septembre dernier à une sorte de soirée portes ouvertes pour une poignée de happy few. Le choc !
D'abord l'enceinte du théâtre Mogador, entièrement refaite et pensée à neuf, est aujourd'hui la plus belle de tous les théâtres parisiens. J'adore l'entrée des Folies Bergère, mais il n'y a que ça. A Mogador, un luxe discret vous entoure de tous côtés et sur plusieurs étages. C'est cosy, élégant, chaleureux, confortable... Quant au spectacle lui-même, il ne m'a pas fallu plus de deux minutes pour tomber sous un charme frisant l'émerveillement.
Il faut bien reconnaître que le premier tableau est proprement hallucinant. Quelle inventivité, quels costumes, quelles couleurs !!! On ne sait plus ou donner de la tête tant c'est foisonnant. Dès le départ, la barre est placée très très haut. Après, totalement conquis, on n'a plus qu'à se laisser porter.
Sur le plan de l'esthétique, j'ai rarement vu quelque chose d'aussi accompli et une mise en scène aussi ingénieuse. Il ne faut rien en dire pour ne pas briser l'effet de surprise de cet énormissime premier tableau. Qu'on soit grand ou petit, nous avons tous dix ans. Moi qui étais venu un peu à reculons, je me suis laissé submerger par un plaisir tout simple, par un enthousiasme juvénile, par un intense grand moment de pure évasion.
Sur le plan strict du visuel, on ne peut que mettre 10 sur 10 à ce spectacle.
Les deux points que j'ai défalqués dans mon appréciation se rapportent à une deuxième partie un peu moins rythmée (mais scénario oblige) parce que plus romantique. C'est aussi de la faute à une première partie qui touche à la perfection dans tous les domaines... Et le deuxième point concerne surtout les paroles françaises que l'on aurait pu faire mieux sonner. C'est un de mes travers, je suis très attentif à la sonorité et à la qualité des mots. Mais je dois admettre que c'est mon côté pinailleur, et que la majorité des spectateurs n'y prête guère attention.

Par sa mise en scène, ses costumes, ses maquillages, son message, ses interprètes, Le Roi Lion est un spectacle majeur, majestueux, magnifique. On est souvent ému, on rit énormément grâce à des personnages comme Zazu, Timon et Pumbaa, le bestiaire est bluffant de poésie, les hyènes sont à hurler... de rire ; et Mufasa, Scar et Simba ont une présence forte, un jeu précis et des voix remarquables.
S'il vous plaît, ne faites pas comme moi, n'attendez plus pour aller vous régaler à ce spectacle magique, enchanteur, onirique...