mercredi 18 février 2009

Double jeu


Petit Hébertot
78bis, boulevard des Batignoles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers

Un spectacle écrit par Jean-Félix Lalanne
Mis en scène par Philippe Lellouche
Avec Jean-Félix Lalanne et Robin Migné (dans le rôle de l'enfant)

Ma note : 8/10

L'histoire : Comment pouvoir se permettre de faire un concert de guitare solo en y mélangeant guitare classique, picking, country, jazz, bossa nova, flamenco, sans être accusé de faire une démonstration technique ?
La réponse : en racontant une histoire... Une histoire qui concernera tout le monde, guitaristes ou non ; l'histoire de l'initiation musicale d'un enfant qui, découvrant la musique comme on découvre un jeu, se révèlera être un compositeur et un concertiste sans même s'en rendre compte...
Qu'est-ce qui fait qu'un gamin découvrant une guitare par hasard derrière un poste de télévision, en y posant ses doigs, peut d'un coup voir sa vie se dessiner, se transformer... Que serait-il arrivé s'il n'avait pas saisi cette guitare ? Serait-il quand même devenu musicien ?

Mon avis : Histoire de nous mettre tout à fait à l'aise, Jean-Félix Lalanne nous reçoit dans son salon. Enfin, son salon de théâtre plutôt. Un canapé rouge sur lequel repose un ballon de foot, un piano, deux lutrins, des plantes vertes et... des guitares. Dont une insolite guitare "siamoise" à deux manches inversés !
On sait pourquoi on est venu, et on ne sera pas déçu. Jean-Félix Lalanne nous a invités pour nous raconter son parcours de musicien commencé quand il avait 11 ans. La meilleure définition de ce spectacle hors norme, c'est son metteur en scène, l'humoriste Philippe Lellouche, qui nous la livre : "On n'est plus dans un récital de guitare traditionnel, mais dans un spectacle qui mélange théâtre et musique, humour et tendresse, réalisme et imaginaire".

De même que sa guitare possède deux manches, Jean-Félix Lalanne nous propose un spectacle à deux niveaux de lecture. Son histoire d'une part, avec son enfance et son adolescence en toile de fond et, d'autre part, sa passion pour la guitare, un instrument qui lui est tombé par magie entre les mains. Ce qui fait que les principaux passages de sa vie sont illustrés par une mélodie spécifique. Jean-Félix est un excellent conteur. Il ne se la pète pas, il ne roule pas sa caisse. Tout en faisant "le charmant", il saupoudre ses narrations de pas mal d'humour et d'énormément d'autodérision. Le postulat est posé d'entrée : ses dons pour son instrument de prédilection sont d'une nature irrationnelle. C'est, après tout, le propre des dons... Un jour, à 11 ans, il déniche une guitare dormant derrière un téléviseur, il s'en empare et essaie de reproduire les notes d'une musiquette qu'il connaît : Jeux interdits ! Drôle de titre pour une première rencontre qui allait se transformer en histoire d'amour puis en passion.

Mais là où ce spectacle prend tout-à-coup la dimension "imaginaire" évoquée par Philippe Lellouche, c'est que le récit de Jean-Félix est régulièrement interrompu par les interventions d'un gamin de 13 ans qui, par la magie du procédé de l'hologramme, se mêle aux confidences de l'artiste. Il s'en suit donc un dialogue quelque peu surréaliste entre l'adulte qu'il est aujourd'hui et l'ado qul était à 13 ans. Cela donne quelques échanges assez cocasses et croustillants.

Tout au long de son récit, Jean-Félix évoque les rencontres qui ont bouleversé sa vie de musicien. Marcel Dadi d'abord, son "maître", puis son prof de guitare à Marseille, Chet Atkins et, plus tard, Jean-Marie Meissonnier, avec lequel il va former longtemps un brillant binôme.

Je vous laisse découvrir le programme musical, tellement riche et varié, de ce spectacle, pour ne parler que de la fascination que le jeu de mains de Jean-Félix exerce sur nous. Devant une telle agileté, le mot "virtuosité" prend tout son sens. Jean-Félix fait du corps à cordes avec sa guitare, ils ne font plus qu'un. C'est à elle, en fait, que s'adressent ses nombreux sourires, plus qu'au public. Il me suffisait d'entendre les réactions enthousiastes et respectueuses de Francis Lai, placé juste derrière moi, pour saisir à quel niveau d'excellence évolue le frère cadet de René et Francis.
Alors, imaginez dans quel état d'émerveillement extatique nous pouvons nous sentir, nous autres pauvres profanes.

Avec son habile mélange de mots et de musique(s), ce spectacle est intelligemment construit, tout simple mais très efficace et à la portée de tous.
En matière de virtuosité, Jean-Félix Lalanne gagne aisément les deux manches... et le label !

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