mardi 26 mai 2009

Quelque chose à te dire


Un film de Cécile Telerman
Avec Mathilde Seigner (Alice Celliers), Olivier Marchal (Jacques de Parentis), Pascal Elbé (Antoine Celliers), Charlotte Rampling (Mady Celliers), Patrick Chesnais (Henry Celliers), Sophie Cattani (Annabelle Celliers), Marina Tomé (Béatrice Celliers), Gwendoline Hamon (Valérie de Parentis), Laurent Olmedo (Christian Meynial), Françoise Lebrun (la mère de Jacques)
Sortie le 27 mai 2009-05-26

Ma note : 8/10

L’histoire : La famille Celliers est une famille ordinaire : tous les membres qui la composent sont complètement timbrés…
Mady, mère au foyer, la soixantaine éclatante, passe la majeure partie de son temps à dire des horreurs de se deux filles et de son mari, Henry, ancien grand patron, être étrange qui régresse bizarrement depuis son départ à la retraite. Antoine, le frère aîné, chef d’entreprise incapable de gérer une société, enchaîne faillite sur faillite tandis qu’Alice, sa sœur, peint compulsivement, entre deux avortements, des madones dépressives et toxicomanes. Quant à Annabelle, infirmière dans une unité de soins intensifs, elle tente désespérément de sauver ses proches en leur prédisant l’avenir dans les cartes.
Tout irait dans le meilleur des mondes chez les celliers si Alice ne croisait pas « par hasard », un soir de déprime, Jacques, flic solitaire et désabusé, grain de sable qui viendra gripper les rouages parfaitement huilés de leur névrose familiale...

Mon avis : Que du bonheur ! Ce film, ce n’est que du bonheur !
Une fois que l’on a décidé d’accepter le postulat d’un scénario tout de même un tantinet tiré par les cheveux (il faut bien admettre que le lien qui va relier Jacques de Parentis à la famille celliers est gros, très, très gros), on met notre esprit cartésien sur notre fauteuil et on s’assied dessus pour se laisse envahir par un incommensurable bonheur de spectateur.
Cet immense plaisir est provoqué par de nombreux paramètres ; paramètres qui font que ce film est une totale réussite.

La distribution d’abord. Une véritable constellation de comédiens en état de grâce. Sans doute d’ailleurs parce que la réalisatrice, Cécile Telerman (un nom à retenir), dont ce n’est là que le second long métrage, leur a concocté des personnages dotés d’une sacrée personnalité. Ils sont aussi attachants qu’hauts en couleurs. Le couple formé par Charlotte Rampling et Patrick Chesnais est une magnifique trouvaille. Leur relation, jusque là sans doute relativement feutrée, devient soudain conflictuelle en raison du temps libre dont se retrouve doté Henry Celliers, grand patron récemment retraité. L’hyperactif qu’il était est complètement empêtré dans une oisiveté et un sentiment d’inutilité qu’il ne peut se résoudre à accepter. Alors il se débat avec ses envies de rendre service à son fils Antoine, pseudo homme d’affaires, qui ne peut absolument pas grandir tant il est rendu timoré par l’ombre pesante et envahissante de son redoutable père. Patrick Chesnais joue tout en finesse… Charlotte Rampling possède là un rôle qui doit être un régal pour une comédienne. Elle est méchante, caustique, affreusement injuste, mais tellement plaisante. Elle adore la castagne et se complaît à asticoter un mari enfin à descendu du piédestal que lui conférait sa haute position professionnelle. Et elle s’en donne à cœur joie. On ne comprendra que bien plus tard d’où lui vient cette agressivité chronique qui n’est en fait que la traduction d’un gros sentiment d’amertume. Charlotte Rampling est tout bonnement excellente dans ce registre à double niveau de lecture.

Et puis il y a le couple formé par Mathilde Seigner et Olivier Marchal. Un couple à faire frémir d’aise les midinettes et les personnes un peu fleur bleue. Et même tous les spectateurs qui possèdent encore une certaine propension à un certain romantisme de bon aloi. Une association a priori inattendue, mais qui s’avère totalement plausible. Ces deux là ne jouent pas, ils sont ! Mathilde hérite d’un rôle sur mesure, un rôle très riche. Elle jongle avec un naturel confondant avec toute une palette de sentiments : le désarroi, la révolte, la tristesse, la passion, l’entêtement… Tout doucement, de film en film, elle commence à nous livrer ce qu’elle s’était jusque là ingéniée à dissimuler, sa fragilité, sa douceur, son humanité. Aujourd’hui, son éventail de jeu s’est considérablement élargi. Ça promet pour les années à venir… Olivier Marchal, lui, nous étonne régulièrement en allant là où ne l’attend pas. On connaissait le flic bourru, jusqu’au-boutiste, violent jusque à l’autodestruction, mais toujours, toujours vulnérable. C’est dans ce registre qu’il est le plus prenant. Capable de jouer sur tous les registres, il a trouvé sa place dans le cinéma français. Avec lui, rien n’est jamais tout noir ou tout rose. Les muscles se sont peut-être un peu avachis, mais le cœur reste lui bien enthousiaste, ouvert à toutes les aventures humaines. Et comment ne pas craquer quand il se met à distiller son immense tendresse… On sent qu’ils ont bien dû s’amuser ces deux là. Ils sont tellement proches quelque part que, après le round d’observation, la complicité entre ces deux pugilistes au cœur tendre a dû être vachement forte.

Dans le sillage de ces deux couples, tous les comédiens sans exception son épatants… Pascal Elbé n’en finit plus de nous ravir. Dans ce film, il tient une place prépondérante. Non seulement il est l’aîné et le seul garçon de la fratrie Celliers, mais il campe également in piètre homme d’affaires dont les angoisses se traduisent en une hypocondrie plutôt marrante. Il n’y en a pas tant que ça des comédiens qui acceptent de ravaler ainsi leur virilité pour jouer avec autant d’intensité l’émotion, la souffrance et l’inadaptabilité à un monde souvent féroce… Grande composition de sa part dans le personnage si essentiel d’Antoine…
Enfin, comment ne pas évoquer Sophie Cattani. Elle illumine le film de sa présence fraîche, aimable et généreuse. On a tous envie d’avoir une sœur comme elle, une jeune femme capable de mettre ses propres douleurs de côté pour se dévouer à panser les plaies d’autrui. Elle est pour moi la grande bonne surprise de ce film.

Les dialogues, ensuite, font beaucoup pour la réussite de ce film. Ils sont mordants, incisifs et percutants à souhait. Une succession de perles venant apporter beaucoup de sel à de très belles scènes dans un film où tout est basé sur la relation de l’un à l’autre. Chaque tête-à-tête est un moment d’intense jubilation. C’est vif, anti-conventionnel, acide et, terriblement juste.
La presque fin du film, avec sa succession d’images rapides, superposées, comme autant de lignes convergeant jusqu’au point de choc est un grand moment de cinéma qui nous fait agréablement palpiter.

Qu’ajouter à cela, sinon de préciser que Quelque chose à te dire est un juste reflet de la vie. C’est une alternance de moments drôles, émouvants, durs même. On ne s’y fait pas de cadeaux. Chacun assume sa part d’ombre que les autres ne soupçonnent pas, chacun essaie aussi de faire sa vie, de façon plus ou moins pathétique, et de trouver sa part de bonheur.
Finalement, on s’en fout complètement que le scénario soit à la limite de l’incrédibilité puisqu’il nous sert une superbe histoire pleine d’humanité et qu’on a envie d’y croire. Elle nous ressemble (et nous rassemble) tellement cette sacrée famille Celliers !
Un superbe film qui a, vraiment, lui aussi quelque chose (de fort) à nous dire…

vendredi 15 mai 2009

A la vie !


Théâtre Mouffetard
73, rue Mouffetard
75005 Paris
Tel : 01 43 31 11 99
Métro : Place Monge

Une pièce de Jean-Louis Milesi
Adaptée du scénario du film A la vie, à la mort, écrit par Robert Guédiguian et Jean-Louis Milesi
Mise en scène par Pierre-Loup Rajot
Décor d’Anne Wannier
A2vec Jean-Jérôme Esposito (Jacquot), Laurent Fernandez (José), Lara Guirao (Marie-Sol), Julie Lucazeau (Vénus, secrétaire, femme de Jacquot, la patronne), Ged Marlon (Patrick), Georges Néri (Papa Carlossa), Richard Sammel (Otto), Mireille Vitti (Joséfa)

Ma note : 8,5/10

L’histoire : Chassés par sa patronne qui veut creuser une piscine à l’emplacement de la petite maison qu’elle leur prêtait, Marie-Sol, son mari et son père se retrouvent à la rue. Joséfa, stripteaseuse plus très jeune qui ne veut plus s’effeuiller, les accueille généreusement dans son cabaret en mal de clients. Dans ce refuge du bout du monde, la tribu se recompose. Le père, le frère, la sœur, le beau-frère, la belle-sœur, le frère adoptif, le client et la jeune droguée organisent la résistance ; la résistance au chômage, à la détresse, à la vieillesse, à la stérilité… Chacun va chercher sa réponse et comprendre, à l’instar de Marie-Sol, qu’il ne suffit plus de prier, de supplier ou de se contenter d’attendre, mais qu’il faut agir et se battre.

Mon avis : Il y a des soirs où ce métier, déjà bien agréable, se révèle absolument épatant. C’est lorsqu’on vient assister à une pièce sans aucun a priori, sans idée préconçue, en s’étant, comme à chaque fois, interdit de lire la moindre ligne du dossier de presse hormis la distribution et que, lorsqu’on sort de la salle, on en a pris plein la tête et plein le cœur. Que du bonheur, quoi ! Le plaisir, au théâtre, est très souvent au rendez-vous, mais les moments de grâce pure sont exceptionnels. Et bien, c’est le cas avec A la vie !.
Pas de star au générique, un théâtre un peu excentré dans lequel on est peu accoutumé à venir, bien que situé dans un quartier vivant, pittoresque et sympa, celui de la Contrescarpe et de Mouffetard… On y vient l’esprit badin, il fait doux dehors, on ne pense à rien de particulier. La salle est accueillante. Pas de rideau. On est tout de suite en présence du décor, l’arrière-cour d’un cabaret avec son comptoir, sa remise, ses filets de pêche qui pendent du plafond. On est dans le Midi. Marseille est tout proche.

Il ne faut pas la raconter cette pièce, il faut laisser au spectateur le loisir de s’installer tranquillement et de se laisser emporter par cette histoire, par les destins croisés de cette petite bande de laissés pour compte qui essaient tant bien que mal, en fonction de leur tempérament, de subsister. Ce sont Ken Loach et Marcel Pagnol qui seraient associés pour écrire à quatre mains cette tragicomédie sociale du 21è siècle. La crise est là, palpable. Mais, crise ou pas, ces gens-là ne sont-ils pas des êtres éternellement voués à la misère ? C’est leur condition. Ils ont la culture de l’humilité, une forme de résignation chronique que tente de contrebalancer parfois une réelle aptitude à la survie…

Mais, d’abord et avant tout, ce sont des gens qui ont du cœur. Ils savent viscéralement que le peu de bonheur qu’ils peuvent offrir ou recevoir, réside dans le partage, dans la générosité, dans l’entraide. Et dans ce domaine, ils sont bien plus riches que la majorité des nantis.

Dans cette pièce, il n’y a que de l’humain. On rit, on pleure, on s’apitoie, on s’indigne, on se solidarise, on se révolte, on s’émeut… On passe par tout un éventail de sentiments, de ces sentiments basiques et forts qui constituent la chair de la vie.
On les aime tous ces personnages à la dérive, simples et fiers, pathétiques et sympathiques. On a de l’empathie pour chacun d’eux car on les comprend, on se met à leur place. L’humour et l’amour réussissent sans cesse à prendre le dessus sur la vraie détresse. Et pourtant, il y aurait de quoi baisser les bras et abandonner. Mais pas eux. Ils se chicanent, s’affrontent, mais face à l’adversité ou au malheur qui frappe n’importe lequel d’entre eux, ils se serrent les coudes.
Tous les comédiens sont formidables. On n’a pas l’impression qu’ils sont au service d’un texte tant ils sont en phase avec leur personnage. Et puis il y a des dialogues, de en tout point remarquables. Comme je l’indique plus haut, c’est du Pagnol, mais un Pagnol qui aurait gagné une vraie liberté de langage qui n’avait pas cours à l’époque où il écrivait ses livres et ses pièces. Le langage est réaliste, cru quand nécessaire. On a affaire à de petites gens qui pratiquent le langage imagé du peuple. Et puis l’accent marseillais, omniprésent, est là pour lui donner une savoureuse couleur. Quelques formules jaillissent parfois, encore plus fortes que les autres, qui nous enchantent ou nous donnent à réfléchir : « Elle pue la mort, cette vie », « On a tous en nous un bout de la honte universelle », et celle-ci, sublime, prononcée par le grand-père : « Ça me plaît de vous entendre rire. Ça me donne envie de vivre encore un peu… »

A la vie ! est une pièce qui ne peut laisser indifférent. Elle nous happe par ce que l’on a de meilleur en nous, elle éveille des sentiments nobles, de la compassion aussi, et tellement de tendresse pour ces pauvres hères que la société a marginalisés. Malgré les rêves anéantis, malgré la perte de la dignité inhérente au chômage, il leur reste cette immense richesse qu’est l’amour de l’autre. Et le désir aussi. Car le désir est là, en permanence, exacerbé par l’oisiveté et la promiscuité.
Comment ressortir un personnage particulier du lot ? C’est impossible et ce serait incongru tant ils sont grands, tous et toutes.
Il FAUT voir A la vie ! Elle ne peut que nous rendre meilleurs et attentifs aux autres. Magnifique !

lundi 11 mai 2009

Des gens


Petit Montparnasse
31, rue de la gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 83 04
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce adaptée et mise en scène par Zabou Breitman
D’après Urgences & faits divers de Raymond Depardon
Avec Zabou Breitman et Marc Citti
(Attention, sur l’affiche figure encore le nom de Laurent Lafitte qui avait créé la pièce avec Zabou Breitman. Mais depuis début mai, c’est Marc Citti qui a repris le flambeau)

Ma note : 6,5/10

Le sujet : Les gens ont été filmés par Raymond Depardon dans ses documentaires Faits divers (1983) et Urgences (1988) qui retracent le quotidien d’un commissariat de police et celui d’un service d(urgence psychiatrique parisien… Ces gens existent ou ont existé. Ils témoignent de nos désarrois et de nos déséquilibres…

Mon avis : Une bonne dizaine de minutes avant que ne commence la pièce proprement dite, quatre personnages en blouse blanche déambulent sur la scène, en groupe ou individuellement, se croisent, échangent quelques bribes de conversation… En plein milieu, un miroir, composant une des faces d’un énorme cube, nous renvoie notre propre image… Soudain, c’est l’obscurité totale. Et, à la lueur vacillante de deux bougies, apparaît un couple assis par terre. Ils sont interrogés par un policier. On comprend peu à peu que nous nous trouvons dans une cave qu’un propriétaire sans scrupules loue à un couple de paumés. Les deux pauvres hères, totalement désemparés, tentent de façon pathétique de donner des explications rationnelles. Ils sont tellement gênés par leur infortune qu’ils n’osent même pas élever la voix, qu’ils chuchotent… Cette première scène donne le ton car une vingtaine de tableaux va nous brosser le portrait de laissés pour compte, de névrosés, de dépressifs, d’alcooliques, d’obsédés ; nous décrire toute la misère de ces « gens » marginalisés par leur folie, leurs tocs, leur déprime, leur solitude. Et ils n’ont pour les entendre ou les écouter que des policiers, des infirmières ou des psy.
Pendant qu’ils se livrent à leurs confidences ou que des personnes bienveillantes essaient de les aider, nous parviennent confusément les bruits de l’hôpital et ceux du dehors. Cette bande son, omniprésente, est très importante. On entend des pas, des sirènes, des voix… Et, en fonction de l’endroit où se déroule l’action, le cube central pivote, nous présentant selon sa face deux portes, un couloir d’hôpital… Tous les changements de décors sont effectués à vue par deux personnes en blouse blanche et/ou par les deux comédiens eux-mêmes. Ceux-ci changent également de tenue à vue, profitant de deux portiques situés cour et jardin…

Zabou Breitman et Marc Citti sont de toutes les scènes. Ils alternent les rôles, devenant tour à tour le malade et le soignant, la victime ou le flic… Leur performance est tout simplement époustouflante. La finesse de leur jeu étant encore plus impressionnante lorsqu’ils incarnent un personnage à l’esprit fragile ou perturbé. Certains duos reviennent d’ailleurs en fil rouge. L’un d’eux, quand Zabou campe une jeune femme dépressive, traumatisée par les hommes, accablée par les tâches ménagères, et Marc le psy qui essaie de lui venir en aide, est particulièrement touchant et réussi… Les trouvailles de mise en scène foisonnent, nous intriguent et nous amusent, comme la présence invisible mais palpable d’une caméra qui tourne en permanence ou l’utilisation des ombres chinoises. D’autres nous semblent parfois un peu superflues comme l’intrusion d’un téléviseur diffusant le début d’un bon vieux western.

Des gens est une pièce qui ne peut nous laisser indifférents. La misère humaine y est décrite avec un tel réalisme que nous ne pouvons que nous sentir partie prenante. Et le jeu des deux comédiens est réellement remarquable. Reste que l’on subit quelques longueurs, quelques scènes un peu répétitives et qui se ressemblent les unes aux autres. Peut-être eût-il fallu un peu plus de nervosité. Mais ce faux rythme, assurément voulu par la mise en scène ajoute à l’aspect oppressant du thème. En tout cas, on ressort passablement impressionné par ce dont nous venons d’être les témoins. On en nourrit que plus de respect encore pour ce personnel soignant confronté au quotidien à ces gens à la dérive et qui cherchent à les protéger et à les tirer de leur mauvaise passe. Et, enfin, on ne peut qu’applaudir la formidable préstation de comédie pure que nous offrent Zabou Breitman et Marc Citti, absolument épatants l’un et l’autre.

mardi 5 mai 2009

Je l'aimais


Un film de Zabou Breitman
D’après le roman d’Anna Gavalda
Scénario, adaptation et dialogues de Zabou Breitman et Agnès de Sacy
Avec Daniel Auteuil (Pierre), Marie-Josée Croze (Mathilde), Florence Loiret Caille (Chloé), Christiane Millet (Suzanne), Geneviève Mnich (Geneviève)…
Sortie le 6 mai 2009

Ma note : 5/10

L’histoire : En une nuit, Pierre va partager avec sa belle-fille Chloé ce grand secret qui le hante depuis vingt ans, celui qui le mit face à lui-même, à ses contradictions et à ses choix, à son rôle d’homme et à ses manques. Le secret de cet amour pour Mathilde, pour lequel il n’a pas tout abandonné, choisissant une route plus sûre et plus connue. En une nuit, nous saurons la vie d’un homme qui n’osa pas…

Mon avis : Je me demande si dorénavant je ne vais pas zapper systématiquement les films qui contiennent le verbe « aimer » dans leur titre. Après le ratage de Celle que j’aime d’Elie Chouraqui, voici celui de Je l’aimais, le troisième film de Zabou Breitman en tant que réalisatrice. Pas pour les mêmes raisons, bien sûr, mais le résultat est le même : une grosse, très grosse déception.
Zabou Breitman avait remarquablement réussi son coup d’essai avec Se souvenir des belles choses, elle avait confirmé sa jolie humanité, son audace pour les sujets sensibles et son talent à bien fouiller les profils psychologiques avec L’homme de sa vie. Ces deux succès critiques et publics lui auraient-ils un peu faussé le jugement et, surtout, fait perdre une certaine rigueur, toujours est-il que son troisième opus est, à mes yeux, bien en dessous des deux précédents. Déjà, des trois best sellers d’Anna Gavalda, Je l’aimais, même s’il a atteint le chiffre enviable de 1,3 millions d’exemplaires vendus, est celui qui a obtenu le moins bon score (Ensemble c’est tout avait, lui, dépassé les deux millions). Il n’empêche…
Ayant pris beaucoup de plaisir devant l’adaptation d’Ensemble c’est tout, c’est avec un a priori très favorable que je suis allé voir ce qui sortirait de la rencontre Gavalda-Breitman. Un a priori rendu encore plus positif avec la présence à l’affiche de Daniel Auteuil et Marie-Josée Croze…

Et bien mes bonnes dispositions de départ se sont bien vite liquéfiées. En raison d’abord du départ très laborieux du film. Les premières vingt minutes sont lentes et lourdes à la fois. On peut comprendre que la réalisatrice ait voulu prendre son temps pour brosser les caractères de Pierre (Daniel Auteuil) et de sa belle-fille Chloé (Florence Loiret Caille) et, surtout, préparer le terrain pour les confidences de Pierre, mais le gros problème, c’est qu’on a du mal à supporter l’extrême douleur de Chloé, femme larguée, qui nous la joue « tragediente ». Elle en fait vraiment des tonnes. Le summum de l’excès étant atteint dans la scène des cigarettes… Si bien que notre seul dérivatif est de s'attarder sur le nez de Florence Loiret Caille qu’elle a au demeurant fort joli. Sous le poids de ce chagrin hyper démonstratif, de cette prostration résignée, on s’enfonce de plus en plus dans son fauteuil. Les quelques lueurs de légèreté étant heureusement apportées par le jeu de Lucie, l’aînée des deux fillettes, réellement épatante. Mais ce ne sont là que quelques éclairs…

Je l’aimais est un film d’atmosphère, mais d’une atmosphère à la fois monotone et monocorde. Pour être honnête, il y a de temps à autre de bons dialogues et on ne peut en aucun cas porter la moindre critique sur le jeu – parfait – de Daniel Auteuil et Marie-Josée Croze. C’est leur histoire qui nous gêne. Il faut être particulièrement fleur bleue ou nanti d’un cœur de midinette frémissant devant les livres de la collection Harlequin pour s’émouvoir aux péripéties de cette histoire d’amour digne de deux collégiens. J’étaie : la scène de la réunion de travail où Pierre rencontre Mathilde pour la première fois est aussi charmante que chiante, la scène qui suit, celle du bar, est bien trop caricaturale pour être crédible une seconde. A moins de croire au coup de foudre, ce qui n’est pas forcément le cas ici. On n’entre pas dans leur histoire, on se sent détaché, pas concerné. Ce (trop) long métrage, remarquablement filmé et photographié en revanche (rendons-en grâce à Zabou), est vraiment d’une banalité et d’une platitude extrêmes. Comme les conversations d’ailleurs le deviennent elles aussi dans la deuxième partie. Ce n’est en fait qu’une succession de clichés.

Pas besoin finalement de faire un film pour y apprendre ce que l’on sait déjà depuis belle lurette : que les hommes sont lâches, faibles et velléitaires ; et que les femmes sont courageuses, déterminées, passionnées, jusqu’au-boutistes et tellement plus « aimables » dans le sens noble du terme.

Je le répète, on ne peut rien reprocher à Daniel Auteuil et à Marie-Josée Croze, ils sont en tous points excellents, mais leur passion, hélas, ne nous passionne guère