samedi 23 janvier 2010

La pensée du jour

Devant le concert de protestations à propos de la double rémunération d'Henri Proglio :
"Faire contre mauvaise fortune bon choeur"...

jeudi 21 janvier 2010

Noëlle Perna : "Mado fait son show !


Théâtre du Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

One-woman show écrit par Noëlle Perna et Alain Sachs
Mis en scène par Alain Sachs

Ma note : 7,5/10

Le thème : Cette fois, Mado décide de faire un vrai show… comme elle se le « pantaille »… avec des imitations, de la musique et des costumes toujours aussi excentriques pour une galerie de portraits hauts en couleurs. « Qué chance », elle a même trouvé un « reproducteur » !
Elle a tout préparé. Et, pour ce faire, toute sa famille a été mise à contribution… Mais seront-ils à la hauteur pour le grand soir ?
Une recette familiale avec des personnages plus vrais que nature et qui ne manquera pas, à coup sûr, d’être une nouvelle fois « esstra »…

Mon avis : Noëlle Perna ne nous trompe pas sur la marchandise : quand elle annonce que Mado fait son show, elle le fait. Elle y met les moyens, elle nous sort le grand jeu. Lumières, musique typique de revue de music-hall (french-cancan en tête), costume chatoyants et bigarrés… Et dès qu’elle surgit, le ton est donné et on retrouve immédiatement tout ce qui fait la spécificité de Mado : son énergie débordante, son accent, son franc-parler, son langage imagé, ses mots inventés ou déformés, sa manière de prononcer les « S » muets (les « esspots ») son bon sens, sa fausse naïveté, ses coquineries et son aptitude à nous prendre tous pour des confidents. En fait, Noëlle Perna reproduit sur scène sa façon d’être dans son bar niçois, le Bar des Oiseaux. Elle y trône, y tient la vedette, et nous sommes tous ses (bons) clients. Je ne connais pas la marque des oiseaux dont il est question, mais au vu des quelques habitué(e)s dont elle brosse le portrait, ce sont assurément des drôles d’oiseaux. Et elle, c’est une pie ; une pie jacassante et virevoltante, infatigable et intarissable, capable aussi de distribuer régulièrement de féroces petits coups de bec bien vachards.
Mado aime discuter. Son spectacle, même s’il repose sur une poignée de sketches dûment annoncés, semble totalement déstructuré tant elle se complaît à partir dans les digressions et les anecdotes. Si vous avez envie d’être apostrophé ou pris à partie, installez-vous dans les premiers rangs, vous ne lui échapperez pas… Elle affiche en outre une propension particulière à se moquer des hommes. Surtout de ceux de sa famille, Albert le mari, Toinou le fils, son beau-frère. Eux, ils sont habillés pour l’hiver, même si le climat n’est pas spécialement rigoureux du côté de la baie des Anges. Et puis, quelle cabotine !

Son intention, c’est donc de nous présenter un formidable spectacle de « Chauve Biz ». Pour cela, la (re)production n’a pas lésiné sur les moyens. Elle a en effet à disposition, une malle et un porte-manteau. Comme ça, de prime abord, ça fait un peu cheap. Mais dès qu’elle ouvre la fameuse malle, c’est le music-hall tout entier qu’elle en extirpe. Ça, elle n’a pas peur du ridicule. Affichant un goût prononcé pour le rose fluo, il faut voir de quoi elle ose s’affubler (un éventail de vulgaires plumeaux, certes joliment colorés, en guise de plumes). Elle se lance ensuite dans une chorégraphie (la fameuse choré du Sud) des plus approximatives avec pointes émoussées.. Tout au long de ses différentes évolutions, elle ne cesse d’apostropher un fiston qui ne s’avère pas être une lumière au poste d’éclairagiste, et d’invectiver un mari supposé se trouver dans les coulisses côté cour.
Le deuxième sketch est consacré aux imitations. Mais comme elle parodie des personnes qui sont pour nous de parfaits inconnus, puisqu’il s’agit de gens qui fréquentent son bar, inutile d’y chercher le moindre repère. Le premier personnage qu’elle campe, Amélie la « péripétassienne », une gourdasse sympathique, lui permet de distiller une kyrielle de jeux de mots dont certains sont vraiment excellents. Il y en a aussi une poignée qui sont assez faciles, dignes de l’almanach Vermot, mais qui, dans le contexte, ne nous offusquent pas trop.
Au passage, il faut souligner la qualité de l’écriture sur l’intégralité du spectacle. Surtout, qu’il y a du débit, donc du texte.

Noëlle « Mado » Perna a le sens de la formule, des formules rendues encore plus savoureuses servies qu’elles sont par son accent et sa faconde méditerranéenne. C’est la championne de l’exagération et du chauvinisme éhonté (voir sa comparaison entre les plages de l’Atlantique et celles de Nice). Elle possède aussi une science du geste qui n’appartient qu’à elle. Tout ceci fait d’elle un personnage unique, truculent et haut en couleurs. Mado, on aimerait bien l’avoir pour copine. Elle n’a pas son pareil pour créer de l’animation et raconter des histoires. C’est ça aussi qui la rend réellement attachante. Elle nous fait vraiment marrer.
Sa troisième imitation, celle d’une tragédienne légèrement affectée d’ébriété est un vrai grand moment d’humour. Cette comédienne-là consomme plus de verres qu’elle ne débite de vers. De toute façon, elle les déforme et ils ne riment plus à rien. C’est, à mes yeux (ou plutôt à mes oreilles) un des mieux écrits…
Après s’être attardée un moment sur les ronflements de son mari, elle nous présente un numéro de ventriloque avec le charmant Poppy, narre ses vacances à l’île d’Oléron avec Albert, et aborde le rappel avec le sketch un tantinet surréaliste, mais particulièrement drôle dans son outrance, du GPS…
Et, en cadeau de fin, elle nous offre une séquence délirante dédiée au flamenco.

Du début à la fin, Mado fait son show sur un rythme enlevé, confirmant un talent réjouissant de conteuse d’histoires. Elle ne nous laisse pas un instant de répit, paie de sa personne avec une folle générosité. Mado la Niçoise et ses salades, on en redemande !

mardi 19 janvier 2010

Gainsbourg (vie héroïque)


Un conte de Joann Sfar
Avec Eric Elmosnino (Serge Gainsbourg), Lucy Gordon (Jane Birkin), Laetitia Casta (Brigitte Bardot), Doug Jones (La Gueule), Anna Mouglalis (Juliette Gréco), Mylène Jampanoï (Bambou), Sara Forestier (France Gall), Kacey Mottet-Klein (Lucien Ginsburg), Philippe Katerine (Boris Vian), Yolande Moreau (Fréhel), François Morel (le directeur de l’internat), Philippe Duquesne (Lucky Sarcelles), le Quatuor (les Frères Jacques)…
Sortie le 20 janvier 2010

Ma note : 8/10

Synopsis : C’est l’histoire, drôle et fantastique, de Serge Gainsbourg et de sa fameuse gueule. Où un petit garçon juif fanfaronne dans un Paris occupé par les Allemands ; où un jeune poète timide laisse sa peinture et sa chambre sous les toits pour éblouir les cabarets transformistes des Swinging Siwties. C’est une vie héroïque où les créatures de son esprit prennent corps à l’écran et sa verve se marie aux amours scandaleuses. De là est née une œuvre subversive avec, en vedette, un citoyen fidèle et insoumis qui fera vibrer la planète entière.

Mon avis : Joann Sfar ne nous prend pas en traître. Son film est un conte. Un conte à rêver debout ; ou plutôt à rêver assis dans son fauteuil… Quel homme ! Quelle vie ! Quel parcours ! Quel talent ! Gainsbourg fut et restera unique. Et ce film dégage un impact bien plus fort que le plus fidèle des biopics.
Ce film est une superbe réussite et ce, pour de multiples raisons. Il aurait, c’est certain, obtenu une totale adhésion de la part du Serge. Joan Sfar, ne l’oublions pas, est avant tout un dessinateur. Et pour nous le rappeler, il nous offre en préam-bulle (de BD) un très amusant générique animé. Joan Sfar est également un esthète en parfaite harmonie avec son modèle, l’homme à l’esthète de chou. Enfin, Joan Sfar est très inventif. Il a su créer un univers à la fois onirique et réaliste, avec des décors majestueux (Ah, la visite de l’appartement de Dali !) et une photo particulièrement léchée.

La plus belle trouvaille de mise en scène est incontestablement la présence de « La Gueule », double stylisé de Gainsbourg, double « gainsbarrien » maléfique et désinvolte. Ses apparitions sont autant d’ellipses efficaces qui évitent les digressions et les longs discours.
Et puis il y la LE casting… Eric Elmosnino ne joue par Gainsbourg, il EST Gainsbourg. C’est troublant. Le mimétisme est ahurissant, tant dans la posture que dans le timbre de la voix. On oublie fréquemment que l’on a affaire là à un comédien tant on est fasciné par l’authenticité du bonhomme. Et la performance est d’autant plus exceptionnelle qu’Eric Elmosnino ne surjoue jamais. Il est d’ailleurs le premier étonné par la stupéfiante ressemblance qu’il imprime sur l’écran. C’est cette réelle modestie qui le rend encore plus respectable.
Et il y a la magnifique cohorte de ses « escort girls », toutes ces femmes sublimes, véritables icônes, qui ont soit chanté ses chansons, soit partagé sa vie, ou même qui ont cumulé les deux fonctions d’épouse et d’interprète. Là aussi chapeau. Un quasi sans faute. Gréco, Bardot, Birkin revivent littéralement sous nos yeux enchantés. Mention spéciale à Laetitia (L,A E dans l’A ; T,;I, T, I A…) Casta, véritablement époustouflante – jusque dans la voix - dans sa re-création de B.B… France Gall et Bambou sont moins bien restituées, mais in s’en fout, c’est l’histoire et ce qui se dit qui comptent.
Enfin, il y a la bande son. Magistrale. Surtout quand on sait que ce sont les comédiens eux-mêmes, Eric Elmosnino en tête, qui ont interprété certaines chansons.

La seule chose qui m’est vraiment gêné dans ce conte, c’est le comportement du jeune Lucien Ginsburg et les propos qu’on lui fait tenir à propos du port de l’étoile jaune. Impossible de croire qu’un gamin de cet âge – et a fortiori dans la bouche de ce garçon timide qu’il a été – puisse tenir des propos aussi provocateurs et dénonciateurs avec autant d’aplomb. Mais c’est le seul truc qui m’ait embarrassé. Après cet épisode un tantinet lourdingue, je me suis laissé emporté par un plaisir ineffable, un bonheur tout simple, le temps d’un merveilleux voyage en compagnie du plus créatif de nos auteurs-compositeurs et de ses muses. Gainsbourg, ce touche-à-toutes de génie…

lundi 11 janvier 2010

Une petite zone de turbulences


Un film d’Alfred Lot
D’après le roman de Mark Haddon, « Une situation légèrement délicate »
Scénario, adaptation et dialogues de Michel Blanc
Avec Michel Blanc (Jean-Paul), Miou-Miou (Anne), Mélanie Doutey (Cathie), Gilles Lellouche (Philippe), Cyril Descours (Mathieu), Yannick Rénier (Olivier), Wladimir Yordanoff (David)…

Ma note : 6,5/10

Synopsis : Jean-Pierre, récemment retraité, est hypocondriaque… Anne, sa femme, le trompe avec un ancien collègue de bureau… Sa fille Cathie, divorcée et mère d’un petit garçon de 5 ans, vit avec Philippe, un « brave » garçon que Mathieu, le frère homo de cathie, appelle « Bac moins 6 »…
Quand Jean-Pierre découvre une petite tache sur sa peau au niveau de sa hanche droite, que Cathie lui annonce qu’elle a décidé d’épouser « Bac moins 6 », que Mathieu se fait larguer parce qu’il hésite à présenter son amant au mariage de sa sœur et que Jean-Pierre apprend fortuitement que sa femme le trompe, l’équilibre familial implose…

Mon avis : D’abord, la propriété qui va être agitée par une « petite zone de turbulences » est à tomber par terre tant elle est à la fois magnifique et originale. Son heureux propriétaire, Jean-Paul, a dû très bien gagner sa vie pour s’offrir un tel luxe. Aujourd’hui, il a le temps de bien en profiter car il est à la retraite. Très vite, à certains petits signes, on comprend qu’il est terriblement hypocondriaque. Et légèrement misanthrope aussi. Il faut bien dire qu’il ne manque pas de raisons pour se replier dans sa coquille et pour bougonner dans son coin : sa fille lui impose un futur gendre plutôt brut de décoffrage et il a beaucoup de mal à accepter l’homosexualité de son fils et, surtout, de la voir matérialisée par l’intrusion de son amant… En plus, son épouse, gentille, patiente et adorable, ne prête guère qu’une oreille distraite à ses incessantes jérémiades. Elle a tendance à le traiter comme un petit garçon. De toute façon, elle peut se montrer patiente avec lui car elle a largement de quoi compenser puisqu’elle a un amant en la personne d’un ancien collègue de travail de Jean-Paul…

Ce film est estampillé à 100% Michel Blanc. Depuis Marche à l’ombre, il excelle dans ces rôles de gugusse plaintif et obsédé par la maladie. Il y a également son immense talent de dialoguiste. On est vraiment gâté au niveau des répliques ironiques et cinglantes.
La première moitié du film nous permet de passer un excellent moment avec cette comédie bien française, interprétée par des personnages attachants, émaillée de situations drolatiques et truffée de bons mots. Michel Blanc, on l’a dit, est pathétique avec son hypocondrie. Miou-Miou amène avec son personnage une jolie note de légèreté tout en se révélant être le personnage le plus équilibré et le plus sensé de la maisonnée. Mélanie Doutey, comme toujours, est absolument craquante de naturel, adorable ; elle est très convaincante en jeune femme tiraillée entre ses sentiments et ses incertitudes et fragilisée par les attitudes des siens face l’homme qu’elle aime. Dans le rôle de cet homme-là, Gilles Lellouche ne fait que confirmer la magistrale étendue de son talent. Il réussit en effet l’exploit de se faire aimer en étant très con.

Et puis, uniquement à cause de la psychose maladive de Michel Blanc, la "petite zone" atteint des rivages qui nous passionnent un peu moins. A un moment, trop c’est trop. Certains comportements de Jean-Paul deviennent réellement peu crédibles tant ils sont excessifs et exagérés. Il en fait des tonnes et il enquiquine vraiment tout le monde, spectateurs y compris. Le film bascule alors vers l’absurde et c’est dommage.
Reste quand même une gentille comédie qui traite plutôt bien des relations de couples et des relations parents-enfants. La peinture des sentiments chez les autres protagonistes du film est fort bien dessinée ; il y a une excellente brochette de comédiens. Le couple Doutey-Lellouche fonctionne à merveille. Mais il y a cette fâcheuse "petite zone de turbulences" au niveau du scénario qui, en devenant trop outré, nous interdit d’adhérer totalement et tranquillement à une histoire somme toute plaisante.