dimanche 14 février 2010

Stéphane Guillon "Liberté surveillée"


Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République

Ecrit par Stéphane Guillon
Mis en scène par Muriel Cousin

Ma note : 7,5/10

L’argument : L’agitateur de Canal+ et France Inter Revient avec un nouveau spectacle. Stéphane Guillon ne se démonte jamais et dégaine ses petites phrases assassines avec pour seul objectif de plaire au public. Il raconte l’air du temps avec une féroce justesse.

Mon avis : Stéphane Guillon, je ne l’ai plus jamais perdu de vue – et d’oreille – du jour où je l’ai découvert, revêtu d’un costume rouge, au théâtre de la Main d’Or. C’était en 2003. La petite salle n’était pas pleine, mais il y avait déjà une super ambiance car Stéphane faisait déjà du Guillon. Il n’a pas changé son fonds de commerce, mais aujourd’hui, mis en lumière par les slogans « Vu à la télé » et « Entendu à la radio », la clientèle se presse dans sa petite boutique des horreurs. Quant à lui, il a énormément gagné en assurance. Il a affiné son personnage. Hier, il proposait, maintenant il impose. C’est à prendre ou à laisser.

Paupière lourde sur un regard clair, il se compose une tête à la Droopy. Attention, c’est un masque ! Souvent, son visage s’illumine d’un sourire ou goguenard, ou satisfait. Goguenard quand il sait qu’il est allé très loin et qu’il savoure les réactions du public ; satisfait quand sa composition et sa formule font mouche. Guillon, c’est la goutte de citron qui tombe sur l’huitre, l’huitre étant la cible politique ou médiatique qu’il s’est choisie. Face à son plateau de fruits d’amer, il ne s’attaque pas aux petites crevettes ou aux bigorneaux. Lui, il fait frissonner d’aigreur les belons ou les Gillardeau. Genre un chef d’Etat ou un directeur général du FMI. Ce qui est croquignolet, c’est que le dénominateur commun entre le sniper et ses têtes de turc, c’est la bonne ville de Neuilly. Stéphane Guillon et Dominique Strauss-Kahn y sont nés à quatorze ans d’intervalle et que Sarkozy en est devenu le maire quand « Phanou » avait 20 ans.

Trêve de digressions, venons-en à ce qui nous intéresse, le nouveau spectacle de Stéphane Guillon, baptisé Liberté surveillée.
Décor minimaliste : un fauteuil rouge, un guéridon et un bureau derrière lequel il viendra s’installer lorsque son sketch prendra des allures de tribune… Le fameux costume rouge est rangé dans la naphtaline depuis belle lurette, Guillon, très élégant, a adopté le noir. Noir comme son humour. Au moins, il annonce la couleur. Lorsque les dernières notes d’une superbe valse lente aux accents tziganes s’éteignent, Stéphane Guillon ne s’autorise pas de round d’observation. Il attaque bille en tête avec une imitation de Sarkozy. Ensuite, il se met à deviser, abordant différents sujets. Il rappelle et analyse les réactions suscitées par ses chroniques sur France Inter, s’attarde sur les difficultés à être humoriste aujourd’hui, il en remet une petite couche sur l’handisport, s’amuse à inverser les idées reçues… Et, évidemment, rend une nouvelle fois hommage à son publicitaire préféré, DSK, qui a fait de lui l’humoriste le plus craint et le plus détesté de France le 17 février 2009…
Mais, dans ce one-man show, Stéphane Guillon ne joue pas qu’au polémiste politico-social, il interprète également des sketchs. Ce qui lui permet de monter qu’avant de faire dans l’humour, il a voulu être comédien. Et là, il fait preuve d’un indéniable talent de composition. Ainsi, quand il incarne une sorte de deus ex machina distribuant leur point de chute à des nouveau-nés, il se montre impitoyable, provoquant ça et là dans la salle quelques « Oh » outrés qui doivent le réjouir… Le deuxième sketch appartient au domaine de la science (politique)-fiction. Sarko arrive au terme de sa seconde mandature et il se livre à une étude de ces deux quinquennats. Tel un prof dans un ampli, il arpente la scène, docte et cynique, illustrant ses argumentations avec des projections d’images sur un écran.
Stéphane Guillon sait aussi se montrer intimiste et humble. Après avoir inspecté le public, et l’ayant sans doute jugé digne de confiance, il décide de lui faire quelques confidences très personnelles. Il a 45 ans, un âge charnière et il commence à appréhender les effets négatifs du vieillissement dont le plus généreusement répandu est la presbytie (sauf chez les aveugles… ça va de soi, aurait souligné Brassens). Puis il bifurque vers les signes d’affaiblissement de la libido, épilogue d’un autre sketch dans lequel il interprète un homme plaqué par sa Catherine. Là, il s’en donne à cœur joie en se vautrant avec délectation dans une misogynie que, malgré tout, on devine plus jouée que réelle (il dit trop de bien de son épouse).
Le sketch suivant fait place à ce qu’est le vrai Stéphane Guillon. Flash back sur son enfance et son adolescence, sur l’époque où on l’appelait encore « Phanou ». Comment de cette tendre évocation il rebondit méchamment sur BHL, c’est tout le mystère de son esprit fécond. Stéphane Guillon n’a pas le droit de dévoiler trop longtemps sa sensibilité.
Quant aux deux derniers sketchs ils sont particulièrement réussis. Les idées de départ sont très originales : un directeur de prison présente l’univers carcéral ; un couple réussit à obtenir une audience avec Dieu pour essayer de Lui marchander leur échéance fatale. Je ne tiens pas à en révéler les méandres, les rebonds et les pirouettes pour vous en laisser découvrir tout le sel… et le poivre.

Si Stéphane Guillon a intitulé son spectacle Liberté surveillée, ce n’est pas anodin. Comme il repousse sans cesse les limites de son champ d’action, comme il a décidé de n’en prendre qu’aux plus puissants (le Président de la République, ses patrons à France Inter…), il a conscience d’être en permanence sur la corde raide. Mais sa liberté est à ce prix. Funambule sur le fil du rasoir, nombreux sont ceux qui sont à l’affût de son moindre faux-pas. Mais, en même temps, encore bien plus nombreux sont ceux qui attendent de lui qu’il continue à dézinguer les institutions et à dénoncer les dysfonctionnements de notre société. Il est libre, certes, mais on peut distinguer sur sa chemise noire le point rouge qui signifie qu’un tireur d’élite embusqué le tient dans sa ligne de mire. Stéphane le sait et ça l’excite encore plus. Son meilleur blindage, ce sont finalement ses principaux détracteurs qui le lui ont offert par leurs déclarations vengeresses.
Stéphane Guillon est le dernier maillon (pour le moment ; j’espère qu’il en viendra d’autres) d’une chaîne réunissant Desproges et Bedos. La filiation est prestigieuse. Le temps joue donc pour lui car le Pierre et le Guy sont aujourd’hui des icônes aussi intouchables qu’encensées. Cynique, insolent, provocateur, non-conformiste, excellant dans l’art de la mauvaise foi, Guillon c’est le poil à gratter dans cortex de l’establishment. Il est donc salutaire cet irréductible Gaulois échappé de son petit village de Neuilly…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bonjour,
je suis de province et je monte à Paris à la fin du mois pour voir son nouveau spéctacle. Vous m'en donnez l'eau à la bouche par votre commentaire, et je vous donnerai ma note personnelle...
humouristement votre...
romain