vendredi 28 mai 2010

Le Médecin (malgré lui)


Vingtième Théâtre
7, rue des Plâtrières
75020 Paris
Tel : 01 43 66 01 13
Métro : Ménilmontant

Une pièce de Molière
Adaptée et mise en scène par David Friszman et Frédéric d’Elia
Avec Frédéric d’Elia (Sganarelle), David Friszman (Valère/Léandre), Aurélie Bargème (Martine/Jacqueline), Maia Guéritte (Lucinde), Arnaud Maudeux (Lucas), Cédric Tuffier (Géronte)
Costumes et chorégraphie de Mattéo Porcus
Décors et lumières de Christophe Fouet

Ma note : 7/10

L’histoire : Sganarelle est un petit malfrat, un peu recéleur, un peu dealer, un peu proxénète. Il violente sa conjointe et il a la bouteille facile.
Piégé par sa femme Martine, il va se retrouver plongé dans un univers opposé à celui de sa cité HLM. En effet, deux hommes de main recherchent quelqu’un pour guérir Lucinde, la fille de Géronte, un mafieux aussi riche que naïf. En fait, Lucinde fait semblant d’être muette depuis que son père veut qu’elle épouse un riche trader. Pour se venger des coups qu’elle reçoit régulièrement, Martine arrive à persuader les truands que Sganarelle est médecin. Il est emmené dans la propriété de Géronte qui lui promet la fortune s’il parvient à rendre la parole à sa fille…

Mon avis : Une totale réussite que cette transposition dans l’univers d’aujourd’hui de cette pièce de Molière. S’il n’était l’emploi de quelques mots et formules aujourd’hui désuets, on n’y penserait même pas tant elle est actuelle et dans le fond, et dans la forme. Et pourtant, tout est respecté ; Mais il est vrai qu’en la modernisant ainsi elle nous permet de nous rendre compte combien ce cher Jean-Baptiste Poquelin est tout-à-fait intemporel.
Sganarelle est une « caillera » de la pire espèce. Ivrogne, faignant, négligé, ce petit malfrat de banlieue qui n’hésite pas à lever la main sur sa femme, n’est vraiment pas sympathique. Et on est bien content quand elle a sa petite revanche en le dénonçant comme médecin à deux fripouilles au service d’un parrain de la mafia, en leur recommandant bien de ne pas hésiter à le bousculer un tantinet s’il niait appartenir à l’ordre d’Esculape.
La mise en scène est à la fois habile et dépouillée. Sgnanarelle et Martine vivent dans un véritable taudis, envahi par la musique agressive diffusée par un ghetto-blaster. En revanche, le palace où vit Géronte, le mafieux, est symbolisé par une bâche dorée. En réalité, ce qui compte, ce sont les situations et les relations que chacun des principaux protagonistes entretient avec les autres. Les costumes eux aussi ont leur importance dans les profils psychologiques de chacun. Martine, que l’on devine un peu tapineuse, porte des tenues provocantes, Sganarelle est en pantalon de treillis et marcel, les deux sbires portent la panoplie du parfait truand napolitain, Géronte arbore des tenues voyantes que l’on devine coûteuses et les deux soupirants, Lucinde et Léandre, ils sont carrément gothiques.
Le pire, c’est qu’on réussit à en occulter totalement Molière pour se plonger dans une histoire d’aujourd’hui totalement crédible avec des caractères superbement bien dessinés (et interprétés). Les dialogues sont forts, l’utilisation de termes argotiques y est pour beaucoup ; La mise en scène est alerte. Et les comédiens, qui ne s’économisent guère, sont impeccables. C’est absolument captivant, même si on connaît la fin (Larousse classiques obligent). C’est une délicieuse redécouverte.

jeudi 27 mai 2010

Laurent Baffie est un sale gosse


Théâtre du Palais-Royal
38, rue de Montpensier
75001 Paris
Tel : 01 42 97 40 00
Métro : Bourse / Palais-Royal / Pyramides

Ma note : 7/10

Le pitch : Le roi de l’impertinence est de retour !
Et pour l’occasion, il est seul en scène, avec en prime, pour son premier one-man show, une version interactive. Et il affiche clairement son ambition : « Faire rire, faire réfléchir et, pourquoi pas, faire jouir ! »
Ames sensibles s’abstenir. Deuxième degré recommandé… voire exigé.

Mon avis : C’est sûr, Laurent Baffie ne peut pas plaire à tout le monde, c’est indéniable. Il ne faut pas avoir peur de se faire apostropher, secouer, bousculer, agresser, ridiculiser, injurier… ni avoir les oreilles trop délicates. De toute façon quand on vient à son spectacle, on sait très précisément à quoi s’attendre. Donc, à moins d’être maso ou s’être trompé à la sortie du Palais-Royal en croyant être entré à la Comédie Française, on est prévenu. C’est comme quand on monte dans le Grand Huit, on appréhende toujours un peu mais quand le wagonnet est parti, on s’accroche et on essaie de profiter des sensations. A part que même averti, le Laurent trouve toujours le moyen d’y aller encore plus loin et encore plus fort.
Si on veut bien profiter de ce spectacle qui a l’air entièrement basé sur l’improvisation et la réactivité de l’artiste en fonction de ses proies, il faut juste espérer ne pas faire partie de la bonne douzaine de victimes sur lesquelles il va jeter son dévolu. C’est effectivement bien plus confortable de voir une tierce personne se faire malmener en direct tranquillement installé dans son fauteuil. Si vous ne gagnez jamais au loto, vous avez de grandes chances de vous en sortir. En revanche, n’essayez pas non plus de penser que votre appartenance à une quelconque minorité (je cite en vrac – et ce n’est pas exhaustif - « les gougnasses, les gens de couleur, les personnes âgées, les femmes enceintes… » va vous apporter un soupçon d’immunité. Il ne faut même pas y penser… Laurent Baffie a besoin dès le départ de deux personnes : une chouchoute et une tête de Turc. Ces-deux « privilégiés » vont être accaparés pendant toute la durée du spectacle. Ensuite, il possède un sbire entièrement dévoué à ses turpitudes qui agit un peu comme un rabatteur dans une chasse à courre. Il va traquer le gros gibier et le ramène à son maître qui va se charger sadiquement de l’hallali.

Ceci dit, même si on ne fait pas partie des (mal)heureux élus, on n’en est pas moins sollicités par la pratique de quelques exercices collectifs qui fleurent bon la colo de vacances (parfois même la colo-scopie, pour être plus précis). Baffie n’a pas d’états d’âme, pas de scrupules, aucune échelle des valeurs. Il passe sans transition de l’humour le plus potache et la vanne la plus pitoyable (j’en ai relevé deux qui feraient même honte à l’Almanach Vermot), à la saillie la plus percutante et au délire le plus effervescent. Il est sur scène comme derrière le micro d’Europe 1 : libre et incontrôlable. Mais il n’est pas que ça car il parsème son spectacle d’effets spéciaux, de magie, de montages vidéo, appelés à illustrer certaines époques de son existence. Il ne joue pas qu’au semeur de trouble (pour ne pas dire plus), il nous livre une partie de lui-même ; son enfance, ses premiers pas dans la pub, la figuration, les petits boulots, ses débuts à la télévision, les coulisses de certaines émissions, glissant ça et là quelques révélations et confidences pour le moins réjouissantes… Et le gueux parvient même à nous offrir deux petites parenthèses de tendresse histoire de laisser deviner que le sale gosse fait parfois place à un homme pétri de bons sentiments. Mais ça ne dure pas longtemps, il faut vraiment être à l’affût. Il retombe vite dans ses travers (de porc, parfois) et se déchaîne de plus belle sur autrui (toujours franco de porc)…
Laurent Baffie est un fameux virtuose de l’improvisation et de l’à-propos. Il possède un sens redoutable de la formule et son sourire est là pour gommer les quelques grossièretés ou insanités qu’il profère. La vanne est son principal fonds de commerce à cet épicier ; dans le sens étymologique du terme puisque ses propos le sont fortement, épicés. Et il faut vraiment posséder un palais… royal pour réussir à avaler un menu aussi relevé. Pour en revenir à l’image de vénerie précédemment utilisée, ne laissez surtout pas une biche effarouchée à portée de ce redoutable prédateur, car ce n’est pas l’ouverture de la chaste.

samedi 22 mai 2010

En coup de Vamp


Comédie de Paris
42, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 00 11
Métro : Blanche / Pigalle

Ecrit et mis en scène par Jean-Marie Chevret
Avec Dominique de Lacoste

Ma note : 7/10

L’histoire : Mâme Jansen !... L’incontournable amie satellite de Gisèle Rouleau, vient de grossir les statistiques des accidents de la route. C’est à la fin d’une excursion « Mer de sable » avec le Club qu’elle s’est fait coincer par son sac en bandoulière dans la porte arrière de l’autocar. Obligée de courir à côté du bus jusqu’à la porte d’Orléans. Bilan : vingt-six fractures, une prothèse dentaire fichue et trois mois d’hôpital.
Gisèle se retrouve donc en charge d’une amie plus proche d’une terrine de campagne que de Miss Univers. Simone Jansen est plâtrée, bandée, de la racine des cheveux à la pointe des pieds… Heureusement, Gisèle veille sur elle. Et elle prend les choses en main…

Mon avis : C’est du Gisèle pur jus ! Du concentré. Cette fois, elle n’a personne pour réfréner son tempérament de feu. Avec sa fougue inconsciente, son autorité naturelle, c’est madame sans-gêne qui prend ses quartiers à l’hôpital et, immédiatement, la courbe de la température ambiante va monter jusqu’à des sommets jamais atteints dans le docte établissement…
Sur fond de musique entraînante fleurant bon la Comedia dell Arte, notre Vamp effectue une entrée tonitruante ; Toujours attifée de son improbable accoutrement au mélange audacieux de couleurs et de figures géométriques, c’est une tornade qui déboule à l’accueil de cet hôpital parisien. Pleine de sollicitude, elle vient porter assistance à son amie Simone Jansen, victime d’un accident lui aussi très haut en couleurs. Quand le Club part en excursion, il s’en passe des choses. Avec une assurance frisant l’impolitesse, elle impose ses desiderata au corps médical, s’intronisant carrément aide-soignante. Inutile d’essayer de lui résister.
Avec son énergie dévastatrice légendaire, Gisèle fout le souk à l’hosto. Pendant que son amie, inconsciente, gît sur son lit de douleur intégralement momifiée, elle s’agite, commente, vitupère, donne ses ordres aux infirmières comme aux médecins, interpelle les visiteurs, allant même jusqu’à donner des consultations. Au fur et à mesure que son squat sanitaire avance dans le temps, elle observe la vie de l’hôpital et se mêle évidemment avec sa rusticité coutumière de ce qui ne la regarde pas. Ce qui génère bien sûr moult situations pour le moins croustillantes.

Franchement, on n’aimerait pas avoir pour « amie » ce typhon incontrôlable. D’une méchanceté rare, perfide, aigrie, vénale même, et d’une mauvaise foi chronique, on ne lui trouve guère de qualités. Mais en fait, ce qu’elle montre là spontanément, n’est que la face émergée de l’iceberg. Il faut savoir aller chercher ce qui se passe sous la ligne de flottaison. Sous la véhémence, sous l’explosivité, sous l’ingérence systématique, on devine une sorte de désarroi. Gisèle est en demande permanente de reconnaissance et d’affection. Elle a besoin des autres pour exister. Sinon, avec son long veuvage, elle serait confinée dans la solitude et dans l’ennui. Il y a justement un court moment où elle se dévoile complètement, une parenthèse de grâce et d’émotion dans laquelle elle ose avouer les angoisses qui rongent les tréfonds de son âme. Ça arrive au bon moment dans la pièce, c’est un bref instant d’apaisement, avant que l’effervescence ne la regagne de plus belle. Mais cet intermède inattendu aura permis de révéler une réelle forme d’humanité.
En coup de Vamp porte donc bien son nom. C’est un vent de folie qui souffle sans discontinuer sur la scène de la Comédie de Paris. La mise en scène est adroitement bâtie sur une succession de scènes plus ou moins longues qui donnent beaucoup de rythme. Dominique de Lacoste, au meilleur de sa forme, se régale à jouer cette malpolie-clinique. N’hésitant jamais à apostropher les spectateurs des premiers rangs, elle a une maîtrise parfaite de son personnage. L’écriture très imagée de Jean-Marie Chevret, épicée de réflexions souvent désopilantes, donne à la pièce une crédibilité que les nombreux excès ne parviennent même pas à gommer. Au contraire, on les attend et on en redemande. L’idée de départ, avec cette intrusion dans un monde hospitalier habituellement plus feutré, est excellente car on imagine en effet les dégâts colatéraux que pourrait causer une Gisèle à qui on a lâché la bride. On ne s’ennuie pas une seconde, le spectacle est aussi dans la salle car certain(e)s vivent tellement la situation au premier degré qu’ils ne peuvent se retenir de réagir à voix haute.
Voici donc une pièce aux rebondissements rocambolesque où l’on s’amuse librement sans aucune arrière-pensée.

jeudi 20 mai 2010

Jalousie en 3 mails


Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce d’Esther Vilar
Texte français de Sacha Zilberfarb
Adaptation de Marc Laignier
Mise en scène de Didier Long
Avec Nicole Croisille (Helen), Margot Faure (Yana), Emilie Chesnais (Iris)

Ma note : 6,5/10

L’histoire : Trois femmes, Helen, Yana, Iris, habitent à trois étages différents du même building à New York. Elles ne se connaissent pas. Un jour, le mari d’Helen la quitte pour Yana qui va elle-même être quittée pour la jeune Iris. En proie tantôt au bonheur de la séduction, ou au désarroi de la solitude, les trois femmes vont entamer, par mails exclusivement, une abondante correspondance…

Mon avis : Quelle histoire ! Dans un décor pour le moins minimaliste, un long banc recouvert de zèbre côté jardin, un canapé fauve côté cour, mais efficacement partagé par deux gigantesques panneaux coulissants, ce qui nous permet de savoir immédiatement dans quel appartement on se trouve, deux femmes, puis trois, vont s’échanger sur plusieurs mois une rafale de mails ayant pour seul et unique sujet, Laszlo, un sexagénaire pas si séduisant que ça mais doté d’un solide sens de l’humour.
A ma droite, Helen, épouse légitime depuis 25 ans du dit Laszlo. La classe. Elégante et raffinée, elle est une brillante avocate… A ma gauche, Yana. 35 ans, jolie brune piquante et sensuelle, architecte de son état, qui vient de connaître le coup de foudre dans l’ascenseur de l’immeuble. Comme Laszlo, le fil rouge de la pièce, est un homme comme tous les autres en ce sens qu’il préfère tenir sa liaison secrète, Yana décide de prendre les choses en main et d’avertir Helen de son infortune par le biais d’un mail fort explicite. Il s’ensuit donc un échange de courriels dans lesquels chacune défend son bout de gras (si je puis m’exprimer ainsi). Touchée, mais pas coulée, notre avocate distille force vérités et perfidies pour dévaluer singulièrement la cote à l’argus de son sémillant mari… Follement éprise et n’ayant pour se défendre que la passion qu’elle insuffle à l’entreprenant sexagénaire, Yana met sa plénitude de femme en avant. D’un tempérament fougueux, elle ne prend pas de pincettes et livre complaisamment à sa rivale une abondance de détails dans une manœuvre toute féminine d’humiliation.
Or, pour donner encore plus de piment à la situation, Yana révèle à Hélène un petit défaut de construction dans l’immeuble qui permet de jouer les voyeurs. Evidemment, Helen succombe à une forme de curiosité mortifère et elle s’abonne au spectacle des ébats amoureux de Laszlo et Yana. Evidemment, c’est le genre de postulat qu’il faut bien accepter car il permet à la pièce de prendre une autre dimension psychologique. Chez Helen, la souffrance se tapit derrière l’ironie, pendant que Yana, amazone conquérante et sûre de son pouvoir, se la pète un peu. C’est à la fois une opposition entre deux générations et entre les aspects physique (Yana) et intellectuel (Helen) d’une relation amoureuse.
Au bout de quelques mois durant lesquels ce sacré Laszlo a quitté son 24ème étage conjugal pour s’installer au 30ème de sa nouvelle dulcinée, se déclenche le phénomène mécanique inexorable : les feux de la passion commencent à s’éteindre progressivement. Et ne voilà-t-il pas que notre gaillard, poussé par son insatiable démon de midi, s’amourache d’un tendron de 20 ans, étudiante et bouddhiste de surcroît, résidant elle au 19ème étage !
Et la jalousie de reprendre l’ascenseur. Après avoir stationné longtemps au 24ème, elle vient instiller son venin au 30ème. On devine bien qu’elle ne s’arrêtera pas là.
Car Jalousie en 3 mails, finalement, est entièrement prévisible. Sans me vanter, j’avais subodoré la fin et même envisagé la chute.
Mais avant d’en arriver là, l’auteur s’est ingénié, par femme interposée, à décortiquer les sentiments par lesquels on passe. Amour, désir et jalousie sont intimement imbriqués et corollaires les uns des autres. L’analyse est très poussée, et pour bien la décomposer, il faut des mots. Beaucoup de mots. Cette pièce est très bavarde ; mais c’est indispensable. Finalement, on ne déplore que peu de longueurs (hormis celle où Yana se livre à un descriptif indigeste et fastidieux de la configuration de l’immeuble).

Les trois protagonistes de cette histoire, nos trois « maileuses » frénétiques, sont super bien dessinées. Chacune a un physique bien déterminé et une psychologie comportementale parfaitement définie.
D’une élégance folle, Nicole Croisille est remarquable de bout en bout. On sent bien qu’elle tout le temps sur le fil, sur le point d’exploser, qu’elle a énormément de mal à accepter la trahison de Laszlo. Mais elle garde en permanence sa maîtrise, préférant balancer ses petites piques narquoises et acides. Ce qui est finalement bien plus insidieux et déstabilisant qu’un gros coup de gueule.
Surtout quand on a en face de soi une Yana aussi joliment incarnée par Margot Faure. Elle, s’est la vie, c’est une conquérante. Elle déborde de féminité et d’énergie. Elle ne s’embarrasse pas de fioritures. Son langage n’est pas toujours des plus châtiés et elle aime bien illustrer ses propos d’images crues comme autant de coups de boutoirs pour faire vaciller la citadelle Helen. Touchante de vérité, elle joue fort bien le passage délicat de l’arrogance à la souffrance.
Emilie « Iris » Chesnais, compose elle aussi un personnage bien précis. Petite fille gâtée, elle est totalement immergée dans la pratique et les préceptes d’un bouddhisme un peu exacerbé. Elle prône la grandeur d’âme, l’altruisme et la générosité avec la plus grande sincérité jusqu’au moment où, à son tour, elle vient se faire percuter par Dame Jalousie. Elle a le cœur encore bien trop tendre pour accepter l’échec. Et cette transition est là aussi jouée avec beaucoup de finesse.

Emmenée par une Nicole Croisille véritablement épatante, cette pièce nous entraîne sur un chemin bien tracé. Mais pour attentif qu’on soit et curieux de savoir comment tout ça va se terminer, il nous arrive parfois de s’offrir en douce une petite halte buissonnière. Et à la fin, on en serait presque convaincu par ce qui pourrait être considéré comme un véritable éloge de la jalousie. C’est là tout le paradoxe. Mais je pense que la plus belle conclusion que l’on en retire c’est que « aimer, c’est vivre ». Même si ça fait souffrir…

jeudi 13 mai 2010

Le Donneur de bain


Théâtre Marigny
1, avenue Marigny
75008 Paris
Tel : 08 92 22 23 33
Métro : Champs-Elysées Clémenceau

Une pièce de Dorine Hollier
Mise en scène par Dan Jennett
Décors de Dick Bird
Costumes de Sylvie Martin-Hyszka
Avec Charles Berling (Pierre-Marie), Barbara Schulz (Céleste), Bruno Wolkowitch (Xenob), Alain Pralon (Anselme), Dimitri Rataud (Valentin), Marie Denarnaud (Misty), Geoffrey Carey (Frédéric)

Ma note : 7/10

L’histoire : Paris, 1878… les appartements bourgeois ou autres sont encore éclairés à la lampe à huile. Les salles de bain n’ont pas encore vu le jour. Chez les pauvres, on ne se lave pas, ou alors très peu. Chez les riches, on fait venir… le Donneur de bain.
Corporation très estimée, nec plus ultra du luxe, les Donneurs de bain viennent à domicile, munis de leur baignoire escamotable, de leurs draps et de leurs onguents. Ils lavent, massent, et surtout… écoutent !

Mon avis : Une musique rollingstonienne donne le ton : bien que se déroulant à la fin du 19è siècle, la pièce à laquelle nous allons assister va être rock’n’roll. Et elle va tenir ses promesses.
Après cette entrée en matière tonitruante, notre attention est immédiatement accaparée par le décor. Un décor imposant, insolite et, de première apparence, hybride car il est composé d’une sorte d’énorme coque métallique de bateau sur laquelle serait greffée l’aile d’un petit immeuble. Mais en fait cette coque pivote pour nous offrir successivement plusieurs décors successifs dans lesquels va se dérouler l’action : le laboratoire hétéroclite d’un savant fou, la chambre à coucher dans laquelle une prostituée reçoit ses clients, les deux derniers étages d’un immeuble cossu, des escaliers monumentaux, des niches… Ce décor est d’une richesse foisonnante et d’une inventivité telles qu’elles en font un des éléments essentiels de l’action.

Une action qui va nous être en quelque sorte contée par le témoin privilégié de cette tranche d’histoire, le Donneur de bain lui-même, alias Pierre-Marie (Charles Berling). Autour de lui gravitent essentiellement deux types de micro-sociétés : notre demi-mondaine, Céleste (Barbara Schulz) et son assistante à tout faire, Misty (Marie Denarnaud), et la cohorte de ses habitués, un richissime héritier anglais oisif, Frédéric (Geoffrey Carey), un ministre, Anselme (Alain Pralon), un comédien désargenté, Valentin (Dimitri Rataud), ainsi qu’un soupirant jusque là éconduit, Xenob (Bruno Wolkowitch)…
La mise en scène nerveuse et dynamique nous propose un bain véritablement bouillonnant avec une arythmie savante et un dosage irrégulier des jets. Certaines scènes coulent et nous enveloppent alors que d’autres jaillissent avec la rapidité d’un flash. Ce qui fait qu’on est quasiment tout le temps en alerte.
Et puis, si au-delà de la mise en scène et du décor cette pièce suscite notre intérêt, c’est en raison de la performance de trois comédiens particulièrement habités, Charles Berling, Barbara Schulz et Bruno Wolkowitch. Ce trio apporte à cette tragi-comédie humaine de formidables moments de grâce.

Charles Berling dans le rôle du conteur-témoin nous apparaît comme un Donneur de bain qui a fait de son métier un sacerdoce. Il est autant au service des corps que des âmes. Hypersensible, limite misanthrope et un brin misogyne, il est là pour donner, pour payer de sa personne. Mais en même temps, il est en souffrance car trop lucide pour refuser de voir les turpitudes d’une société veule, médiocre et malsaine. Et puis il s’interdit de s’avouer les sentiments qu’il nourrit vis-à-vis de Céleste. Alors, pour supporter ces tiraillements, il s’appuie sur cette béquille liquide et illusoire qu’est l’absinthe. Il aime aussi à s’étourdir dans quelques tirades grandiloquentes, au vocabulaire riche en mots savants, truffées de métaphores réalistes et triviales, voire scato. Entièrement dévoué à sa fonction, il est tour à tour exalté, accablé, lâche, virulent, indulgent. Humain, quoi. Il se met soudain en avant pour ouvrir le torrent de ses observations et de ses imprécations, pour l’instant d’après, se réfugier dans son coin de « jardin » pour épier ce qui se passe autour de lui tout en scandant les changements de tableau avec les ritournelles surannées de son orgue de barbarie.

Barbara Schulz. Ah, la Schulz et son orgue de Barbara, dont elle tire les compositions les plus inattendues ! Encore une fois elle nous distille une prestation très haut de gamme. Autant elle est discrète en dehors des « heures de service », autant quand elle se retrouve sur une scène elle se livre avec une générosité fascinante. Elle apporte au personnage de Céleste une réelle authenticité, une épaisseur, une existence. Elle aussi elle aime et assume son « métier ». Elle est totalement et joyeusement vénale. Mutine, pétillante, gourmande de vie, mais aussi calculatrice et opportuniste, elle a entièrement conscience de son pouvoir sur les hommes et elle en joue à ravir. Barbara Schulz sait tout faire. Au théâtre, elle a l’art de se choisir des rôles qui peuvent l’entraîner excessivement loin dans le don et l’abandon d’elle-même. Très joueuse, elle adore se mettre en danger et repousser les limites. Dans cette pièce, elle apparaît aussi Céleste que son prénom.

Quant à Bruno Wolkowitch, je crois que sa composition, proprement époustouflante, va en surprendre plus d’un. Surtout ceux qui ne le connaissent qu’à travers la série PJ. On lui a offert là un rôle qui compte dans la vie d’un comédien. Un rôle qui tient à la fois de Quasimodo et du Joker de Batman. De Quasimodo, il a non seulement la démarche claudicante et la silhouette tordue mais, comme lui, tout en étant conscient de la répulsion que son image inspire, il brûle d’une passion inextinguible pour sa Céleste-Esmeralda. La souffrance suinte de tous ses pores. Du Joker, il affiche le rictus permanent et la voix éraillée. Pantin pathétique, il suscite autant le rejet que la compassion. Il est énorme. Il doit sortir complètement lessivé d’une telle débauche d’énergie. Et il doit en même temps y prendre un plaisir considérable. A l’aune d’ailleurs de celui qu’il nous donne.

Aspirés – sinon inspirés – par ces trois monstres de talent et de générosité, tous les autres comédiens jouent leur participation avec une justesse réjouissante. Alain Pralon campe avec Anselme un ministre esclave de ses bas instincts et de sa perversité amis, qui dès qu’il a remonté son pantalon, redevient un politicien hautain et cynique… Dimitri Rataud apporte à son personnage de Valentin, comédien en recherche de statut, une exaltation maladive. Tout le temps dans l’emphase pour dissimuler sa fragilité et sa soif de reconnaissance, il s’exprime en alexandrins avec force gestes exagérés… Geoffrey Carey, parfaitement décalé en dandy anglais fortuné, désoeuvré et jouet consentant dans les mains de Céleste, dispense les notes les plus drôles de la pièce. A travers quelques éclairs de lucidité, il analyse ses dépendances (financière vis-à-vis de sa mère, amoureuse vis-à-vis de Céleste) avec un réalisme jubilatoire… Enfin, Marie Denarnaud, dans le personnage de Misry, nous apparaît comme le personnage le plus normal et le plus équilibré de la pièce. Prévenante et entièrement dévouée à sa patronne, elle est son Gémini Cricket. Elle l’aide à voir clair et lui sert souvent de garde-fou. Ce qui ne l’empêche pas d’essayer de vivre en parallèle sa propre vie de femme, ce qu’elle traduit avec beaucoup de finesse et d’émotion.

De par son sujet, totalement anachronique et marginal, Le Donneur de bain va certainement en décontenancer plus d’un. On y entre en ayant un peur de se brûler. Mais une fois que l’on y est confortablement installé et que l’on se retrouve à température ambiante, on y prend une sorte de plaisir pervers à regarder s’agiter ces gens qui nous ressemblent, empêtrés qu’ils sont dans leurs turpitudes (surtout les hommes). Quelque sentences habilement placées nous donnent à réfléchir, « On ne joue pas avec l’amour des gens » ; « Jusqu’où iriez-vous pour purifier le monde ? », « Il faut aussi que je décrasse leur cerveau »…
Si j’estime que cette pièce est véritablement grand public, je doute toutefois qu’elle soit populaire. Mais les amoureux d’un théâtre original et inventif, et ceux qui apprécient les grands numéros de comédiens y trouveront largement leur compte.

mardi 4 mai 2010

AudéYoann


Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 48 65 97 90
Métro : Cadet / Grands Boulevards

Ma note : 8/10

Mon avis : Si vous voulez passer une soirée à rire de bon cœur et à jet continu, précipitez-vous au théâtre Trévise pour y découvrir un drôle de couple – et un couple très drôle -, celui formé par Aude et Yoann. Lui, c’est un beau ténébreux élancé, qualifié par sa compagne de « cure-dents avec des cheveux ». D’un tempérament flegmatique, c’est un adepte de la nonchalance à incendie car son robinet à vannes est toujours prêt à jaillir, ce qui a le don de faire réagir sa camarade de jeu. Et pas qu’un peu… Elle ? Elle est tout simplement inracontable. Elle est le clown du spectacle. C’est une boule d’énergie qui assume ses rondeurs et s’en amuse ; une fille totalement extravertie qui pourrait être la fille que Coluche aurait eue avec Josiane Balasko si le Vrai Chic Parisien s’était mélangé au Splendid (C’est encore plus flagrant lorsqu’elle apparaît coiffée d’un bonnet tout droit sorti du caddy de la Zézette du Père Noël est une ordure)... Avec ses fossettes et sa bonne bouille un peu lunaire encadrée par deux énormes couettes, elle fait déjà rire sans bouger et sans prononcer un mot. Alors quand elle se met en action ! C’est une tornade. C’est le lapin Duracel qui aurait pris un bain dans la cuve d’une centrale atomique tant elle est survoltée… Les sketches se succèdent alors à un train d’enfer, variés, originaux et bien écrits. Ils osent tout, le sordide comme l’humour noir, les fausses pistes comme la Yves-Duteilmania, les chorégraphies improbables, le pot-pourri de chansons… Duo parfaitement huilé, ils maîtrisent parfaitement un truc bien à eux, les faux vrais trous de mémoire de Yoann. Il a un art consommé de mettre sa partenaire en valeur. Dans leur échange permanent de balles, il joue sobrement en fond de court alors qu’elle ne cesse de se précipiter au filet et d’arroser les travées au grand bonheur d’un public plié en quatre.
Leur complicité est bien plus subtile qu’il n’y paraît. Elle est très travaillée. Cela donne des moments de grande comédie et de franche hilarité, avec des pics complètement louftingues de folie pure (Le corbeau et le renard en portugais, les imitations tordantes de Jo Dassin et de Bigard, une scène de lit totalement surréaliste qui laisse des trash…). C’est vraiment un spectacle qui vaut le couple. Mais un couple qui va de mâle en pitre ! Il est d’ailleurs très rare de voir toute une salle se lever aussi spontanément dès la dernière réplique. Que c’est bon de rire tout simplement, comme des enfants…

L'Illusionniste


Théâtre Ranelagh
5, rue des Vignes
75016 Paris
Tel : 01 42 88 64 88/44
Métro : Passy / La Muette

Une pièce de Sacha Guitry
Mise en scène et en musique par Tristan Petitgirard
Décors d’Olivier Prost
Costumes de Chloé Olivi et Mélisande de Serres
Avec Philippe Stellaire (Paul, alias Teddy Brooks), Sandra Valentin (Jacqueline), Cybèle Villemagne (Miss Hopkins), Tristan Petitgirard (Albert), Lucie Bataille (Honorine), Hervé Rey ou Christophe Canard (Gosset)

Ma note : 7/10

L’histoire : Teddy Brooks manipule aussi bien les cartes que le cœur des femmes. Invité chez un couple de bourgeois afin de faire quelques tour pour eux et leurs amis, il ne trouve pour seul public que Jacqueline, la maîtresse de maison. C’est lui qui vient d’être joué, pour son plus grand plaisir. Mais devant l’assurance de l’artiste, Jacqueline fait machine arrière. L’illusionniste va devoir réussir son plus beau tour s’il veut arriver à ses fins…

Mon avis : L’Illusionniste est ce qu’on pourrait appeler « une pièce de jeunesse » de Sacha Guitry. En effet, lorsqu’elle été présentée la première fois sur scène, le 28 novembre 1917, le dramaturge n’avait que 32 ans. C’est la raison pour laquelle les trois principaux protagonistes de cette comédie sont des trentenaires… Le superbe théâtre Ranelagh est le cadre rêvé pour ce marivaudage sentimental car il lui donne de l’allure et de la prestance. Esthétiquement parlant, la première image est tout bonnement magnifique. Cette ingéniosité du metteur en scène nous place ainsi d’emblée dans les meilleures dispositions d’esprit… Teddy Brooks, magicien de son état et séducteur invétéré, est aussi doué pour manipuler les cartes que les cœurs des femmes. On assiste justement en direct à une de ses habiles manœuvres. Elégant, racé, enjôleur, il possède un redoutable savoir-faire en la matière. Malheur à la petite oie blanche un peu crédule sur laquelle il jette son dévolu. C’est le cas de la naïve Miss Hopkins, une jeune chanteuse qui passe depuis peu dans le même programme que lui.
Or, notre prédateur va se trouver confronté à son insu à son double féminin, Jacqueline, une cocotte qui ne séduit que par intérêt. Cette gourgandine, extrêmement désirable, se fait entretenir par un bourgeois enamouré, soumis et falot, qui répond au petit nom d’Albert. En découvrant le beau magicien, Jacqueline, visiblement lassée par cette routine ouatée, sent ses instincts de Diane chasseresse se réveiller. Faisant fi du matou embourgeoisé et ronronnant, elle veut se mesurer à un grand fauve… Qui va l’emporter dans ce duel feutré où les vrais sentiments sont dès lors escamotés dans deux cœurs à double fond ?... Pourtant les jeux sont faussés, les cartes biseautées. Lequel posera à l’autre le premier lapin qui sortira du chapeau ? De toute façon, il y en a un qui a plus à perdre que l’autre… Le combat est déséquilibré. Mais ils ne le savent pas encore…
Déjà Guitry démontre dans cette pièce une grande connaissance de l’âme humaine et de ses méandres en matière de galanterie. Les dialogues sont étourdissants de malice et légèrement saupoudrés de perversité. Le duo composé de Sandra Valentin (Jacqueline) et Philippe Stellaire (Teddy Brooks) est réellement performant. Leur bras de fer dans des mots de velours donne lieu à un joli moment de comédie…Tristan Petitgirard aussi, dans le rôle d’Albert, l’amant bafoué n’est pas mal non plus. Il apporte une petite note d’humanité.
Quelques petits hiatus toutefois sont à relever : Cybèle Villemagne, touchante et retenue au début, a tendance à tomber dans l’excès dans la deuxième partie et à grimper dans les « décybèles ». C’est peut-être là la seule petite maladresse de mise en scène. Elle fait sans doute ce qu’on lui a recommandé de faire. Elle sera donc pardonnée… Le fait que L’Illusionniste soit une des premières pièces écrites par Guitry explique sa tendance à tirer parfois à la ligne. Le dialogue entre Jacqueline et Albert au début de la deuxième partie tourne un peu en rond, et la scène du voyage imaginaire auquel se prêtent Paul et Jacqueline est un tantinet longuette. Mais, honnêtement, cela reste très digeste et, toujours, bien écrit.

Cette pièce, alerte et plaisante, a le goût délicieux d’un bonbon acidulé. Normal direz-vous, puisque le Ranelagh est une véritable bonbonnière.

Roland Magdane "Attention c'est show"


Théâtre des Nouveautés
24, boulevard Poissonnière
75009 Paris
Tel : 01 47 70 52 76
Métro : Grands Boulevards

Ma note : 8/10

L’argument : L’homme et la femme sont-ils vraiment faits pour vivre ensemble ? Le couple a-t-il un avenir ? Roland Magdane va nous expliquer pourquoi l’homme et la femme sont si différents… Les enfants sont-ils vraiment une source de bonheur ? Nous retrouvons son fils Benoît qui continue toujours péniblement ses études avec un apprentissage très laborieux de la langue anglaise… Et peut-on parler d’amour sans parler de sexe ? Magdane, qui n’a jamais parlé de sexualité sur scène, va enfin se lâcher !

Mon avis : Roland Magdane nous laisse à peine le temps de nous poser qu’il déboule, l’air bonhomme, l’œil et la moustache sui frisent, le sourire malicieux et, tout de go, il lâche une salve d’aphorismes et de réflexions qui ont le don de nous mettre en joie. C’est qu’elles sont drôlement bien trouvées ces observations. C’est tout à la fois d’une logique imparable et d’un degré d’absurde poussé à son extrême qui nous donnent à réfléchir. Content de son effet, il faut le voir jubiler devant les réactions du public… Et il enchaîne illico presto avec un sujet on ne peut plus universel et, pourtant si personnel, le sexe. Il commence chronologiquement en nous narrant ses premiers émois. Des premiers émois hélas considérablement contrariés par les effets dévastateurs et pernicieux d’un maillot de bain en laine tricoté main avec amour par sa maman. Déjà, au naturel, un slibard de cette matière, c’est croquignolet, alors imaginez quand il est mouillé et alourdi par l’eau de mer. Magdane excelle dans ce genre de comique de situation avec force descriptions et images surréalistes… Ensuite, respectueux de la chronologie, il passe à l’adolescence, ce qui donne lieu à un sketch truffé de détails dans lequel il évoque pêle-mêle les méfaits du « basilic » et ses tentatives de compréhension d’un rejeton pour le moins affligeant. Rire non stop garanti.
Imperturbable, il fait celui que les rires offusquent. Il s’indigne, s’insurge, augmentant évidemment les hoquets incontrôlables… Il en profite pour nous sortir une première lettre. La version 2010 de la bafouille du soldat, qu’il se met à nous lire avec ce ton chantonno-traînant si particulier. L’occasion pour lui de nous faire faire connaissance avec des grands-parents très hauts en couleurs… Après un petit détour sur « Mémé découvre les sex toys », il revient à lui pour nous décrire sa première expérience sexuelle et, de délire en délire, il nous entraîne dans un voyage inter sidérant qui se termine par une cure à Quiberon après un crochet sentimentalo-gastrique via l’Amazonie.
Il entre alors dans le cœur du débat proprement dit : les relations hommes-femmes. « C’est pas évident la vie à deux », annone-t-il comme un refrain. Là, il atteint des sommets de drôlerie. Il énonce les phrases qui tuent, rebondit avec des chutes inattendues, émaille ses propos de références issues du vécu, le tout étant émaillé de sortes de gimmicks qui donnent encore plus de rythme à ce chapitre qui nous concerne tous.
En guise de rappel, il extirpe une nouvelle lettre de sa poche pour nous célébrer les exploits de pépé. Alors que la salle hurle de rire devant les turpitudes de l’ancêtre, il lui adresse des regards accablés, outré que l’on puisse ainsi se gausser de sa famille. Et puis il enchaîne en guise de bouquet final avec une nouvelle salve de petites phrases de la même veine et de la même inventivité que celles du début. Sincèrement, je m’étais rarement trouvé ainsi immergé dans une houle d’épaules en train de se secouer nerveusement comme si le public n’était constitué que d’une armée de Sarkozy…. C’est vraiment impressionnant. Et, même si certains se montrent un peu trop démonstratifs en sautant dans leur siège ou en répétant tout haut la blague qui vient d’être dite, ce doit être très agréable et réconfortant pour un artiste de provoquer une telle hilarité.

Tout au long de ce one-man show Roland Magdane nous distille un humour très fin, remarquablement écrit et fort bien joué. Il est véritablement à son meilleur.