mardi 13 juillet 2010

Le Gang des Potiches


Théâtre du Petit Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

Une comédie de Karine Dubernet
Mise en scène par Alain Cerrer
Avec Constance Carrelet (Edith), Karine Dubernet (Nina), Ingrid Mareski (Janis)

Ma note : 6/10

L’histoire : Janis et Nina, colocataires et amies depuis bientôt dix ans, voient leur duo de looseuses perturbé par l’irruption d’Edith, la sœur de Nina. Leurs petites vies minables auraient pu continuer longtemps ainsi, mais le sort va s’acharner sur nos trois anti-héroïnes et les entraîner dans un tourbillon de catastrophes. C’est ainsi que va naître, contraint et forcé, le Gang des Potiches…

Mon avis : Si vous voulez voir deux pièces pour le prix d’une, il n’y a pas à hésiter, allez au Petit Gymnase découvrir Le Gang des Potiches. Je m’explique…
D’abord le titre est excellent et les deux tiers des comédiennes sont en tout point remarquables. Les premières images sont très agréables en ce sens où nous assistons à une chorégraphie des plus lascives exécutée par une apprentie effeuilleuse sous le regard critique de sa copine. Ce spectacle met évidemment la gent masculine dans les meilleures dispositions d’esprit… Et puis on rentre dans le vif du sujet histoire de faire connaissance avec les deux demoiselles, Janis, la go-go danseuse, et sa colocataire Nina. Nina est un personnage pittoresque, l’antithèse de sa copine. Elle est beaucoup moins sexy, mal dans sa peau parce que lucide, elle nourrit des doutes sérieux quant à la fidélité de la jeune femme dont elle est amoureuse, elle est criblée de dettes… Devant tant d’éléments négatifs dont certains sont irréversibles, elle plonge dans une mini-déprime et se réfugie dans une boulimie autodestructrice. Elle a cependant de bons côtés : elle est redoutablement intelligente, elle a bon fond et elle possède un sens de l’humour ravageur… Janis, ah Janis !... Elle est aussi naïve et gaffeuse qu’elle est jolie à regarder ; c’est dire. Elle assume totalement son cœur d’artichaut, elle est très sympa, d’humeur égale, elle ne se pose pas de problèmes, bref, c’est une vraie brave fille. Nos deux copines sont tellement différentes qu’elles s’entendent à merveille. Seulement, cette belle harmonie va être bouleversée par l’irruption dans leur petite existence médiocre de la sœur de Nina, Edith, irresponsable, capricieuse et égocentrique et dont la culture se résume à connaître par cœur l’œuvre de Jean-Jacques Goldman et de le citer à tout bout de champ (ce qui est une bonne trouvaille de comédie).
Voilà donc le tableau. La première partie de la pièce va se dérouler en fonction des humeurs de chacune et de la manière avec laquelle Edith va réussir à trouver sa place au sein du duo en dépit de l’animosité marquée de Nina. Cette première partie est réellement très agréable parce que bien écrite, bien jouée, avec des caractères parfaitement dessinés. Les réparties fusent, il y a du rythme, du jeu. On passe un bon moment. Sauf peut-être la scène du fast-food réellement surjouée par une Edith un peu trop survoltée. Mais bon, les deux autres sont tellement épatantes que ça passe.

Et puis soudain, tout bascule. Janis commet LA grosse bévue et voici la vie de nos trois donzelles menacée par un impitoyable truand. La pièce jusque là bien maîtrisée et cohérente part alors dans tous les sens. Ça se met à hurler pour le moindre prétexte, à s’agiter, à courir dans tous les sens… On passe dans un autre monde, celui de la farce et de l’outrance. Même si les accoutrements (dont je vous laisse la surprise) sont plutôt réussis et apportent une touche réjouissante de burlesque, on se désintéresse peu à peu de leurs mésaventures. J’ai même totalement décroché lors des répétitions du braquage. Il n’y a plus cette rigueur et ce contrôle qui donnaient à la première partie toute sa saveur. Ce n’est plus le Gang des Potiches, c’est le gang des Potaches. On a l’impression d’assister à un enterrement de vie de jeune fille. Edith, et même Janis, frisent l’hystérie. Ça part vraiment en sucette… Et pourtant, dans la salle, les rires continuent de fuser. Comme quoi. Difficile de comprendre, quand on est un minimum cartésien, la soudaine métamorphose de Janis. Même si elle est toujours aussi sexy dans une panoplie qui lui sied à ravir, comment une gentille bécasse peut-elle se transformer aussi radicalement en une redoutable machine de guerre ? Ce n’est guère plausible. Nina fait son possible pour essayer de recoller les morceaux en apportant un peu de subtilité et d’auto-dérision mais, comme elle est aussi l’auteure de la pièce on peut lui reprocher de ne pas avoir su rester dans la ligne du début. Début auquel j’ai pris un réel plaisir, ai-je besoin de le rappeler en ayant l’air d’insister.

En résumé, il y a un vrai potentiel, une vraie écriture, de bons dialogues et de beaux personnages qui nous offrent une première mi-temps d’un excellent niveau grâce à un jeu inventif, varié et plaisant. Et puis il y a cette seconde mi-temps qui est, à mon goût, un grand n’importe quoi. Mais, je le répète, beaucoup de spectateurs riaient de bon cœur devant cette avalanche de pitreries à la fois puériles et outrancières. Après tout, c’est peut-être moi qui suis trop difficile… A vous de juger.

samedi 3 juillet 2010

Sacha le Magnifique


Théâtre de la Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une comédie causerie de Francis Huster
Mise en scène par Francis Huster
Avec Francis Huster, Lisa Masker, Elio Di Tania (piano)

Ma note : 8/10

Le propos : La vie de Sacha Guitry racontée par Francis Huster. Une rencontre prestigieuse ! Il le fait sous l’angle inattendu d’une conférence, comme celles qu’adorait donner Sacha Guitry. Il raconte sa vie irrésistible, ses passions, ses coups de gueule, son ascension foudroyante, ses triomphes inouïs, la gloire de Paris à New York d’un cancre devenu Maître.
Il évoque ses coups de sang, ses canulars, ses délires. Puis la guerre, l’ignominie, la prison, la chute, la déchéance et, pour finir, son incroyable revanche et son apothéose…

Mon avis : Lorsqu’on parle de Francis Huster et, a fortiori, quand on assiste à un de ses spectacles, il y a un néologisme qui s’impose : « hustérique ». En tout cas, c’est le mot idoine pour qualifier à la fois la prestation et le contenu de Sacha le Magnifique, causerie totalement débridée que nous offre ce démiurge. « Hustérique »… Mot hybride formé à partie de « hystérique » et de « historique ». Bien sur le premier est un tantinet excessif, mais il illustre assez bien la frénésie avec laquelle Huster s’empare et défend son héros. Quant à « historique », il définit parfaitement le contenu du propos en entremêlant continuellement la grande et la petite histoire sur lesquelles vient se greffer une histoire du théâtre sur près d’un siècle. Donc, en résumé, « hystérique » pour la forme, et « historique » pour le fond.

Dès le lever du rideau, la surprise est de taille car on découvre Francis Huster en train de se faire Maître. Un casque de cheveux argentés, de grosses lunettes rondes, très élégamment vêtu, l’auteur-acteur nous sort Guitry de la naphtaline. C’est le clone du spectacle. Enfin, un clone blanc qui ne se gênerait pas pour faire l’Auguste. Et voici notre Francis parti à fond dans la genèse de cette illustre famille qui a tant donné au théâtre. Tour à tour emphatique, véhément, anecdotique, truculent, docte, saupoudrant son récit de réflexions souvent piquantes sur l’actualité, Francis est branché sur le haut débit.
Huster est un cas vraiment à part dans notre panorama culturel. Il est tellement enthousiaste et volubile qu’il en agace beaucoup. Or, ce sont ces mêmes comportements qu’on lui reproche qui fascinent et emballent les autres. Pourtant, il y a un trait de caractère qu’on ne saurait lui contester, c’est « passionné ». Encore une fois – car ce n’est jamais simple avec ce diable d’homme – il faut accorder deux niveaux de lecture au mot « passion ». Il s’approprie en effet les deux significations du mot. Première définition : « Mouvement violent, impétueux, de l’être vers ce qu’il désire ; émotion puissante et continue qui domine la raison » (Petit Larousse)… Violent, impétueux, émouvant, déraisonnable, tous ces adjectifs conviennent à ce que Francis Huster nous jette en pâture… Et puis il y a le mot « passion » dans son sens christique. Le comédien apporte une dimension sacrificielle à son sujet. Il monte vers son Golgotha avec un plaisir exacerbé par un impérieux sentiment de justice. Huster sait qu’il va au supplice (souvent celui que lui inflige la critique) mais avec l’intime conviction que sa croisade pour sanctifier Sacha Guitry est noble et juste. Cœur croisé, il se fait l’avocat du Maître.

Après ça, on peut ratiociner à l’infini. On nage en plein dans le subjectif… A la sortie de Gaîté Montparnasse, les commentaires allaient évidemment bon train. Entre les pro et les anti. Certains ont franchement détesté et d’autres, dont je fais partie, ont été plutôt séduits par ce qu’ils venaient de voir et d’entendre. La vie de Sacha Guitry est passionnante. Comme celle de ces personnes que l’on peut qualifier de génies, elle est à la fois magistrale et tout simplement humaine. La différence, c’est que ce champion de la saillie savait d’un mot enjoliver et magnifier une situation à laquelle chacun de nous est régulièrement confronté, relation amicale, professionnelle ou amoureuse. Non seulement, ses fulgurances spirituelles sont de véritables perles, mais il avait en plus cette capacité d’y mettre un écrin autour. Chapeau, Maître ! Dans sa façon de traiter les rapports homme-femme, Guitry ne sera jamais démodé. Il restera même unique. Son sens de la formule ne peut être conservé dans le formol du temps. La preuve, on ne l’a jamais autant joué…

Mais revenons à notre mouton, notre mouton noir et blanc, Francis Huster. Outre la qualité incontestable de la relation historique qu’il nous livre de l’auteur de Mon père avait raison, de l’abondance d’anecdotes souvent savoureuses qu’il a lui-même recueillies auprès de personnes qui l’ont côtoyé, il y mêle habilement beaucoup d’autodérision. Il sait bien qu’il compte ses détracteurs. Alors il préfère tuer la médisance dans l’œuf en prenant les devants avec cette appréciation qu’il cite comme si on la lui avait adressée : « Vous occupez la scène comme des toilettes : pour vous soulager… » Et bien oui, il se soulage, Francis. Il élimine le trop-plein de ses colères, de ses révoltes, de ses indignations, mais aussi de ses excès, de ses partis-pris, de sa mauvaise foi, de ses adorations… Il n’est dupe de rien. Il s’en amuse, se fait narquois, s’auto-flagelle en ronronnant de plaisir et en nous prenant à témoin de sa félicité.
Il faut le prendre comme il est. Ou le laisser. Il n’est pas homme de compromis, de son robinet à paroles ne coule jamais d’eau tiède. Huster est un conteur extraordinaire, un flamboyant diseur. Et tant pis si parfois, il cabotine à l’envi. On est aussi venu un peu pour le voir dans ce numéro-là. C’est un torero, un numéro 10 qui préfère souvent sacrifier à la beauté du geste gratuit, plutôt qu’à la simple technique épurée. Entre El Cordobès et Zidane, il met du spectacle en tout, oubliant parfois qu’il incarne aussi le taureau lâché dans l’arène et voué aux piques et aux pires sévices. C’est vice et versa. Si versa m’était conté…

En conclusion, j’ai aimé ce spectacle. J’y ai appris beaucoup de choses, j’ai fait un joli voyage dans le passé, dans les pas d’un des plus brillants esprits du 20è siècle, Sacha Guitry. C’est riche, c’est foisonnant, très documenté, souvent drôle, parfois dramatique. Et Francis Huster y fait preuve d’une incommensurable générosité. C’est critiquable, ça ?

jeudi 1 juillet 2010

Une heure trois-quarts avant les huissiers !


Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 62 46
Métro : Havre-Caumartin / Auber

Une comédie de Serge Serout
Mise en scène par Daniel Colas
Avec : Daniel Colas, Jacques Marchand, Patrick Raynal, Eliza Maillot, Yvan Varco, Sara Mortensen, Bernard Tixier, Virginie Ledieu, Pascal Vinet

Ma note : 6,5/10

L’histoire : Une heure trois-quarts, pas une minute de plus ! C’est le temps qui reste à un directeur de théâtre pour sauver son entreprise. Une heure trois-quarts et les huissiers sont là…

Mon avis : Honnêtement, la rumeur courait que cette pièce était loin d’être l’événement théâtral de l’année et, entre critiques, il se murmurait des choses peu positives. C’est donc avec une certaine appréhension que je me suis rendu au théâtre des Mathurins assister à Une heure trois-quarts avant les huissiers.
Déjà, j’aime bien ce titre. Il fait un peu penser à du Jean Yanne. Mais la comparaison s’arrête là car la pièce est bien plus bon enfant que persifleuse ou insolente… Nous sommes dans l’envers du décor ; dans l’enfer du décor plutôt. C’est qu’il est drôlement dans la panade Max, le directeur du théâtre Trompette du Pavillon Royal. Comme l’instrument à vent, son horizon est singulièrement bouché. Il est au bord de la faillite, les huissiers sont annoncés, il a moins de deux heures pour signer le contrat de la pièce qui lui permettra de sauver les meubles. Au propre comme au figuré.
Disons-le tout net, cette comédie, c’est du grand n’importe quoi. Ce ne sont plus des rebondissements qu’il y a, c’est une avalanche ininterrompue de situations à attraper au vol pour les relâcher aussi vite et passer à autre chose. L’auteur a puisé dans toutes les ressources possibles, y compris les plus improbables. Ça part dans tous les sens avec une débauche d’énergie impressionnante ; particulièrement de la part de Max, qui tient la pièce de bout en bout avec une dépense physique insensée. Nous, dans notre fauteuil, on en est épuisé pour lui.
Or donc, en dépit du désastre annoncé, cette comédie trépidante et pas sérieuse nous offre quand même un sympathique moment de folie. Il ne faut pas chercher la petite bête, on ne pourrait pas la voir car elle est cachée par les très grosses ficelles et l’énormité des situations. Aucun cliché ne nous est épargné et c’est peut-être aussi pour ça qu’on en rit. Quitte à aller dans la farce, allons-y à fond.

Si les rôles de femmes ne sont pas des plus raffinés – elles sont toutes trois au-delà de la caricature – ce sont les comédiens qui tirent leur épingle du jeu. Le directeur du théâtre en tête. Mais j’ai également été séduit pas la prestation du comédien qui joue à l’acteur médiocre, narcissique. Il ne recule pas devant le ridicule, il le côtoie en permanence et chacune de ses apparitions est réjouissante tant il frise le second degré. Et puis celui qui joue Tintignac, l’auteur de la pièce nous livre lui aussi une prestation tout-à-fait croquignolesque.
Comme je l’ai dit plus haut, ce n’est pas là la pièce de l’année mais, même si elle s’essouffle un peu à la fin et tourne en rond, elle peut offrir un divertissement léger pour l’été. Il ne faut pas exagérer, on a vu pire.