mardi 19 octobre 2010

Le Repas des fauves


Théâtre Michel
38, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 35 02
Métro : Havre-Caumartin

D’après l’œuvre de Vahé Katcha
Adaptée et mise en scène par Julien Sibre
Avec Cyril Aubin (Le docteur Jean-Paul Pagnon), Olivier Bouana (Victor Pélissier), Pascal Casanova (André Lequédec), Stéphanie Hédin (Françoise), Pierrejean Pagès (Le commandant Kaubach), Jérémy Prévost (Pierre), Julien Sibre (Vincent), Caroline Victoria (Sophie Pélissier)

Ma note : 8/10

L’histoire : 1942. Dans la France occupée, sept amis se retrouvent pour fêter l’anniversaire de Sophie. La soirée se déroule sous les meilleurs auspices, jusqu’à ce qu’au pied de leur immeuble soient abattus deux officiers allemands. Par représailles, la Gestapo investir l’immeuble et décide de prendre deux otages par appartement. Le commandant Kaubach, qui dirige cette opération, reconnaît, en la personne du propriétaire de l’appartement, Victor Pélissier, un libraire à qui il achète régulièrement des ouvrages. Soucieux d’entretenir les rapports courtois qu’il a toujours eux avec le libraire, Kaubach décide de ne passer prendre les otages qu’au dessert… Et mieux : il leur laisse la liberté de choisir eux-mêmes les deux otages qui l’accompagneront…

Mon avis : Voici une pièce bigrement bien ficelée et, qui plus est, agrémentée d’une mise en scène tout-à-fait originale. Grâce à la projection d’images réelles et de films d’animation, nous sommes brutalement mis dans la situation. C’est la guerre ! Ça ne rigole pas. Et pourtant… Pourtant, le couple Pélissier reçoit ses plus proches amis pour fêter l’anniversaire de Sophie. L’espace d’une soirée, on va essayer de mettre de côté tous les soucis. En dépit de la pénurie chacun, selon ses moyens, ses relations ou sa débrouillardise, va s’efforcer que la fête soit le plus réussie possible. Dans le cadre d’un salon cossu, les invités arrivent les uns après les autres. Rapidement, grâce à des petits détails comportementaux, les différents caractères se dessinent, nous donnant ainsi autant d’indications pour nous permettre d’anticiper la suite. Il y a Jean-Paul, le médecin un peu collabo ; Pierre, l’invalide, revenu aveugle de la guerre, désenchanté, provocateur et néanmoins patriote ; André, le maquignon-type, sorte de boute-en-train hâbleur et jouisseur, qui n’a aucun scrupule à commercer avec l’ennemi ; Vincent, dandy homosexuel, élégant, cultivé, provocateur et fataliste ; Françoise, jeune veuve de guerre, rebelle et très engagée auprès de la résistance… Tout ce petit monde cohabite tant bien que mal, faisant des efforts pour que Sophie soit heureuse.

Mais, soudain, le drame s’invite méchamment à la fête… Les projections nous montrent ce qui se passe dans la rue, au pied même de l’immeuble. Deux officiers allemands sont abattus sous nos yeux… Chez les Pélissier, l’ambiance, un temps refroidie, reprend tout doucement. Mais pas pour longtemps. Les caractéristiques bruits de bottes résonnent dans les étages. Et un officier de la Gestapo surgit dans l’appartement. C’est le commandant Kaubach, qui s’avère être un habitué de la librairie que tient Victor Pélissier. Tout en se montrant alors courtois, il explique que le prix à payer pour l’assassinat de deux gradés est de vingt otages. Comme l’immeuble compte dix appartements, la quote-part est de deux personnes par logement. Mais comme il entretient de bons rapports avec monsieur Pélissier, il condescend à ce que la fête anniversaire aille à son terme, c’est-à-dire jusqu’au dessert, à la suite de quoi, il viendra chercher son dû. Mais avant de tourner les talons, il a soudain une idée machiavélique : pour qu’il n’y ait pas d’arbitraire, ce sont les sept amis qui choisiront eux-mêmes leurs deux otages…
Et maintenant, faites entrer les « fauves ».

Inutile de dire que la fête est terminée. Chacun va vouloir de sauver sa peau, soit en essayant de sauver les apparences, soit en se comportant avec un égoïsme éhonté, soit en pratiquant le cynisme. Et nous, dans notre fauteuil, on se transfère immédiatement sur scène au milieu des convives. On apprécie le détachement ou l’humour d’untel, on est dégoûté par la lâcheté de tel autre, on s’amuse de la bassesse de celui-ci… Et, surtout, on se projette dans l’histoire. C’est l’éternel cas de conscience. Comment nous serions nous comporté dans un tel cas de figure ? Impossible d’y répondre tant qu’on n’y est pas confronté. L’héroïsme est une valeur bien estimable dans l’absolu, mais if faut tout de même savoir raison garder. On n’a qu’une vie après tout.
Le Repas des fauves est une petite merveille d’horlogerie des sentiments et des comportements humains face à une situation extrême. A travers ces huit caractères - car il faut prendre en compte la mentalité si tordue de Kaubach - nous voyons, déployée sous nos yeux, une grande partie de l’éventail de l’âme humaine… Comme dans toute comédie dramatique, le rire côtoie inévitablement les larmes. Devant la tragédie qui se noue et qui devient paroxystique, on réagit de la façon la plus animale, la plus viscérale qui soit. On rit, on s’offusque, on s’apitoie, on s’indigne, on s’étonne… On est en totale empathie avec les comédiens.
Le Repas des fauves est évidemment une pièce chorale. On ne peut mettre un personnage en avant, même si certains ont des rôles plus déclencheurs que d’autres. C’est un tout. Ils sont tous parfaitement crédibles et tous sympathiques (ou presque). Parce qu’ils nous ressemblent, tout simplement. Au cours de ce spectacle, on passe par tous les sentiments, ce qui fait que, lorsqu’on quitte le théâtre Michel, on reste encore un bon moment imprégné par cette histoire dont nous venons d’être les témoins. On reste habité par une agréable sensation d’émotion pure.
Je terminerai en insistant sur la remarquable trouvaille de mise en scène qui consiste en la projection de films d’animation pour nous permettre de vivre ce qui se passe à l’extérieur de l’immeuble où vivent les Pélissier. Et il faut ici saluer la qualité du graphisme des dessins de Cyril Drouin. Ils apportent à la pièce un véritable supplément d’âme.

2 commentaires:

Théâtres Parisiens Associés a dit…

Bonjour,
Le théâtre Michel fait partie de notre réseau et nous avons justement réalisé une vidéo au sujet de la pièce "Le Repas des Fauves". Vous pourrez y découvrir les coulisses du théâtre ainsi que des interviews des comédiens, pour la visionner, c'est ici : http://www.youtube.com/watch?v=1jMK5JFgd48
A bientôt,
Les Théâtres Parisiens Associés

Anonyme a dit…

Merci pour toutes vos critiques.