vendredi 5 novembre 2010

Pierre Richard "Franchise postale"


La Pépinière Théâtre
7, rue Louis-le-Grand
75002 Paris
Tel : 01 42 61 44 16

Textes de Christophe Duthuron et Pierre Richard
Mise en scène de Christophe Duthuron
Avec, en alternance, Christophe Defays (contrebasse) ou Olivier Defays (saxophone)

Ma note : 7/10

Le prétexte : La vie d’artiste n’est pas de tout repos. Rien que d’ouvrir la boîte aux lettres le matin, c’est déjà toute une aventure. Des dizaines de lettres venues des quatre coins de l’hexagone, des déclarations, des plus touchantes aux plus farfelues. A partir d’une quinzaine de lettres désopilantes écrites par son ami Christophe Duthuron, Pierre Richard décide de répondre à ces courriers inimitables, à sa façon tout aussi inimitable…

Mon avis : Ce spectacle est une véritable orfèvrerie, une horlogerie délicate qui ronronne doucement et se détraque de temps en temps. Les deux poids qui font tourner cette comtoise sont, d’une part, la qualité du texte et, d’autre part, le jeu de Pierre Richard. Puisqu’il s’agit de répondre à du courrier, sous la plume de Duthuron, Pierre Richard se fait homme de lettres. Il joue avec les mots, cisèle les phrases pour qu’elles soient jolies tout en restant légères. La correspondance danse. Chaque missive lue donne lieu à une réaction. Et Pierre remonte le temps, et il narre…
Avec sa silhouette de grand jeune homme, sa façon de bouger des membres qui semblent jouir d’une totale autonomie, il a parfois des allures d’albatros pataud lorsqu’il est sur le plancher des vaches. Mais quand il s’envole, quand il se met à planer dans son univers de poète rêveur, il devient un elfe engagé dans l’Aéropostale. Toutes les contradictions du bonhomme sont synthétisées dans ce spectacle à haute teneur autobiographique. Il y a le mot « Franchise » dans le titre, ne l’oublions pas. Même s’il a une tendance chronique à enjoliver la réalité avec son regard décalé, Pierre Richard se fend d’anecdotes et de souvenirs très personnels. On a parfois l’impression qu’il raconte les avatars de quelqu’un d’autre, qu’il a été le témoin amusé de ses propres maladresses et mésaventures.
La présence côté cour d’un rideau rouge lui sert même de fil de la même couleur. Ce morceau de tissu lui rappelle des gens qu’il a croisés : Georges Brassens, qu’il admirait profondément, Charles Aznavour, qui a failli « l’écharper », ou Madeleine Renaud… Entre temps, Pierre se remémore son implication involontaire à Mai 1968 où, de curieux qu’il était, il est devenu acteur puis victime co-latérale. Il restitue un cours de comédie avec un professeur tyrannique lui imposant une interprétation intellectuello-alambiquée de La Cigale et la Fourmi (c’est la séquence que j’ai la moins appréciée). Ou bien, grand moment de délire burlesque, il reconstitue un extrait de Jules César, de Shakespeare, avec grands renforts de gestes, de postures et de chuintements…
On est venu voir Pierre Richard, on a du Pierre Richard. Rien à redire sur ce plan. C’est d’ailleurs une des rares fois où je ne suis pas d’accord avec la critique d’Eric Naulleau qui a jugé cette pièce mal écrite et insipide. Pourtant, le texte qu’a pondu sur-mesure Christophe Duthuron, est tout-à-fait acceptable et comporte même quelques fort jolies trouvailles en formes de saillies ou de jeux de mot. J’ai par exemple particulièrement goûté cette « symphonie en do majeur » qui devient, interprétée par Pierre Richard, une « symphonie endommagée »… J’aime bien, ça me fait sourire. Et j’ai souri souvent… En revanche, bien que j’aie beaucoup d’estime pour les musiciens de fils de Pierre Richard, Christophe et Olivier, leur présence sporadique sur scène ne m’a pas paru vraiment indispensable et utile à la dramaturgie. Amour filial sans doute…

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