mardi 24 mai 2011

Mer


Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris
Tel : 01 46 06 49 24
Métro : Anvers

Une pièce de Tino Caspanello
Traduite du sicilien par Bruno et Frank La Brasca
Mise en scène par Jean-Louis Benoit
Avec Léa Drucker et Gilles Cohen

Ma note : 6,5/10

L’histoire : Une nuit noire, sans lune, un homme se retire au bord de la mer, noire elle aussi et immobile. Il est venu pêcher. En fait, il est venu s’isoler. Il en a l’habitude. Sa compagne, cette nuit-là, le rejoint. Elle veut savoir pourquoi il s’échappe ainsi, pourquoi il vient, là, s’échouer là au bord de cette mer sans poissons. Elle aimerait qu’il rentre à la maison. Ils se parlent, mais les mots ne leur sont d’aucun secours. Ils se parlent mais ne se disent rien. Ou si peu de choses…

Mon avis : Le décor est on ne peut plus succinct, mais c’est normal puisqu’on se trouve en bord de mer et qu’il fait nuit : un ponton qui surplombe une onde qu’on devine et, dans le fond, une porte qui donne sur la plage. Et c’est tout. Un jeu de lumière sur un rideau transparent apporte un peu de profondeur et laisse parfois entrevoir une silhouette, ou figée, ou déambulant…
Un homme est vautré sur le ponton. On sent qu’il est bien, qu’il est peinard. Les poissons peuvent dormir tranquilles. Il serait même sans doute contrarié si ça mordait car ça le dérangerait dans sa douce oisiveté… Hélas pour lui, cet état béat ne va pas durer. La porte s’ouvre et Elle arrive. On voit tout de suite qu’Elle veut nouer la conversation. Elle lui pose les questions les plus banales qui soient, portant sur le dîner, l’horaire de rentrée, si Elle doit attendre ou se coucher sans lui, etc… Lui, visiblement ennuyé par cette irruption, se contente de marmonner des réponses évasives, pressé qu’il est de se débarrasser d’Elle… C’est alors que la pauvre porte va devenir pendant un bon moment le troisième personnage de la pièce tant elle va être sollicitée par une jeune femme terriblement intrusive.
En même temps, on la comprend la dame. Elle s’ennuie sans lui. Elle n’a pas envie de se retrouver seule dans cette maison du bord de mer. Surtout de nuit… Alors, elle fait mine de partir, ferme la porte, la rouvre, s’en va, revient, attend sur le chemin, trouve une nouvelle question tout aussi insignifiante que les précédentes. Et Lui, tour à tour ému et excédé, il la trouve ou touchante, ou (surtout) chiante. Mais dans l’ensemble, il ne la rabroue pas.

La mer est aussi étale que l’est leur couple. Ça clapote à peine, il n’y a pas le moindre remous, pas la moindre vague. Ça doit faire un sacré bout de temps qu’ils n’ont pas chaviré ensemble. C’est le calme plat. Le temps a entamé son oeuvre érosive. Ils cohabitent, c’est tout… Ils se sont sans doute aimés dans le temps. Il y a des attitudes qui ne trompent pas, des élans ébauchés qui retombent parce que mal ou pas entretenus. Il n’y a pas de reproches, pas de colère. A peine un peu d’énervement parfois, qui meurt aussi vite qu’il est né, comme de l’écume.
C’est Elle qui, la première, et parce qu’elle est la plus bavarde, reconnaît qu’elle voudrait dire des choses mais qu’elle ne « trouve pas les mots ». Leur absence de communication ne repose finalement que sur un manque de vocabulaire… Un peu plus tard, ce sera lui qui déplorera : « j’ trouve pas les mots »… Ce qui fait que nous, dans la salle, on comprend mieux qu’eux-mêmes combien ils ont besoin l’un de l’autre, mais qu’ils ne savent tout bêtement pas comment se le dire…

Piécette (elle dure à peine une heure), Mer nous fait passer un moment très particulier en ce sens où nous sommes tous concernés. Un jour ou l’autre, à un moment de notre vie et parfois même toute une vie, on a des problèmes de communication, surtout pour les thèmes et les sujets les plus élémentaires du quotidien. Elle peut sembler un brin dérisoire parce qu’elle ne comprend aucune envolée lyrique, aucune analyse psychanalytique, aucun verbiage sentencieux. Sa force réside au contraire dans son extrême simplicité, dans son utilisation des mots de tous les jours que l’on répète en boucle parce qu’ils vous semblent essentiels.

Pour pouvoir faire passer ce sentiment partagé de grande solitude, de repli sur soi déjà gravement fossilisé, tout en parvenant à distiller ça et là de brèves lueurs de tendresse, il fallait tout le talent de deux comédiens particulièrement investis. Gilles Cohen et Léa Drucker nous offrent un exercice de style réellement ardu ; à savoir, comment intéresser un public à une vie de couple aussi insignifiante et insipide. Ils y parviennent grâce à leur jeu. Lui, il est un peu bourru mais facilement conciliant. Il ne va pas chercher le conflit, il s’efforce de l’éviter. Il s’autorise même spontanément des ébauches d’élan affectueux envers sa compagne. O pas très souvent, juste une ou deux fois, mais ils ont l’avantage d’exister. On devine que c’est un brave garçon, plutôt rêveur et détaché du matériel… Quant à Elle, elle est bien plus pugnace. Sa volonté de repriser la chaussette de le leur couple passablement effilochée est touchante de maladresse. Comme elle ne sait pas exprimer ses sentiments, elle parle ; mais elle parle pour ne rien dire. Elle s’agite, brasse de l’air en une valse-hésitation qui nous fait gentiment sourire. Mais, au moins, elle agit. Elle tente des choses. C’est elle qui les provoque, qui souffle sur les braises, et qui va, on l’espère pour eux, parvenir à recréer entre eux un lien affectif…
Léa Drucker et Gilles Cohen sont formidables de banalité. Ils jouent des gens simples, sinon frustres, avec… simplicité, et ils nous les rendent très vite attachants. S’ils connaissaient l’usage des mots, nul doute que ce couple saurait vivre en harmonie. C’est un peu la confirmation, non pas par l’absurde, mais par le handicap de la parole, de l’importance et de la nécessité du dialogue. C’est, en quelque sort, leur ultime bouteille à la Mer avant le naufrage et l’engloutissement…

vendredi 20 mai 2011

Pan


Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité d’Estienne d’Orves

D’après Peter Pan de J.M. Barrie
Mise en scène et adaptée par Irina Brook
Création musicale de Sadie Jemmett
Décors de Noëlle Ginefri
Costumes de Magali Castellan
Chorégraphies de Farid Ayelem Rahmouni
Avec Diego Asensio (Smee), Kehinde Awaiye (Premier jumeau), Taiwo Awaiye (Deuxième jumeau), Babet (Wendy), Lorie Baghdassarian (Lily La Tigresse), Georges Corraface (Capitaine Crochet), Johanna Hilaire (La fée Clochette), Raphaël Leguillon (Flageolet), Louison Lelarge (Peter Pan), Dimitri Lemaire (Soldé), Keny Bran Ourega (Méli-Mélo), Nuno Roque (John), Gen Shimaoka (Sumo), Pedro Texeira (Vaasco)

Ma note : 7/10

L’histoire : Ce vendredi soir, la voie est libre pour Peter Pan, le petit garçon qui refuse de grandir : Mr et mrs Darling sont absents et la chienne Nana, qui tient lieu de nurse à leurs enfants Wendy, John et Michael, a été enchaînée dans le jardin.
Venu récupérer son ombre abandonnée lors d’une précédente visite, Peter se trouve face à Wendy. Avide des histoires qu’elle pourra lui raconter et du rôle de mère, fantasmé, qu’elle pourrait accomplir, il la persuade de le suivre jusqu’au Pays imaginaire (Neverland). Wendy devra s’y défendre de la jalousie de la fée Clochette (Tinker Bell) et veiller sur la petite famille des Garçons perdus, jadis tombés de leur poussette. Emmenés par Peter Pan, Wendy et ses frères vivront d’extraordinaires aventures auxquelles seront mêlés les Peaux rouges et Lily La Tigresse (Tiger Lily), mais surtout les Pirates et leur chef, le fameux Capitaine Crochet…

Mon avis : Honnêtement, les trois premiers quarts d’heure de ce spectacle m’ont littéralement enchanté. La scène ressemble à un immense jeu de Lego. Excusez pour la pub, mais je ne vois rien de plus précis pour parler de la proue du bateau pirate qui se dresse côté jardin et du manège ancien qui trône côté cour. Quant à l’immense écran qui couvre tout le fond de scène, il sera utilisé pour une profusion de projections d’images ou de couleurs en fonction de l’action. Ces trois premiers quarts d’heure donc sont d’une beauté et d’une inventivité à couper le souffle. Tout y est prétexte pour nous émerveiller et réveiller notre âme d’enfant. Car on a des yeux de gamin devant les trouvailles de mise en scène ingénieuses concoctées par Irina Brook ; par exemple, la danse de Peter avec son ombre, la façon de s’exprimer de la fée Clochette… On touche au merveilleux. C’est débordant de poésie (pas mièvre) et de fantaisie. Des rires perlés d’enfants tintinnabulent dans la salle devant la cocasserie de certaines scènes.
Et puis surviennent les Pirates, un quatuor picaresque, haut en couleurs, emmené par un formidable Georges Corraface en Capitaine Crochet qui nous crée un personnage ambigu, truculent, cruel et pervers, mais aussi terriblement torturé et fragile. La composition est en tout point remarquable. Comme la musique qu’il joue et chante, ce quatuor est particulièrement swinguant. Même quand ils jouent la comédie ces quatre énergumènes pathétiques donnent l’impression d’improviser, de faire le bœuf. Il en du mérite, Crochet, de se coltiner trois crétins un peu bas de plafond, bien plus bêtes que méchants, qui amènent une savoureuse note de burlesque au spectacle.

Les autres motifs de satisfaction sont nombreux : Peter Pan est impeccable de légèreté, de grâce, d’insouciance, d’égoïsme aussi... John, le frère de Wendy est un pur régal. Ce grand échalas à l’affectation et à l’extravagance si délicieusement british, son allure hip-hopée de Valentin le Désossé égaré dans un cartoon, en fait une des attractions du spectacle… Les trois Pirates, on l’a dit, sont excellents tant dans le jeu que dans les parties musicales… Les cinq Garçons perdus sont eux aussi parfaits, plein d’ingénuité et de dynamisme avec, en prime, la présence de deux authentiques jumeaux qui ajoute encore à la note d’irréalité… Ces jeunes gens paumés, livrés à eux-mêmes et en mal d’affection nous offrent en fin de spectacle une jolie succession de numéros solos dignes du cirque…
La thématique de Peter Pan est tout-à-fait respectée. Le message passe. Mélange de parabole sur l’éducation, d’ode à la jeunesse et belle leçon d’amour. Le moindre personnage est en quête d’amour, de Wendy à la fée Clochette, en passant par les Garçons perdus, les Pirates et Lily La Tigresse ; sauf le crocodile dont la demande n’est que « gastronomique » et, bien sûr, Peter dont la seule ambition est le jeu et la futilité. Quoi que… Ses colères quand on évoque sa mère sont révélatrices d’un réel mal-être.

Maintenant, je dois avouer avoir eu à noter quelques failles dans ce spectacle aussi superbe soit-il. J’ai éprouvé un peu de mal avec la voix parlée de Wendy (Babet, transfuge de Dionysos), si ténue, si aigüe qu’elle en devient presque gênante. Lorsqu’elle chante, c’est parfait, mais quand elle parle elle a une voix trop enfantine pour le rôle de mère de substitution qu’on lui confie… Passé la première heure, on subit une chute de régime. Il faut dire qu’il était impossible de nous maintenir aussi haut dans le plaisir pendant deux heures. Ce qui fait que la moindre baisse de rythme nous semble longueur. Sincèrement, je crois qu’il y a vingt minutes de trop. Peut-être aurait-on pu déjà occulter le personnage de Lily La Tigresse dont, hormis quand on a lu le livre, on se demande ce qu’elle fait là. Ceci dit, sa prestation chantée est particulièrement envoûtante… Je doute aussi que, passée cette merveilleuse première heure, les enfants voient leur intérêt suffisamment entretenu pour tenir la distance, même si ça se réveille vers la fin. Toutefois, à la décharge d’Irina Brook, il y a des scènes qu’elle ne peut pas éviter pour la bonne compréhension et la fluidité de l’histoire. Mais quand ça bavarde trop et que l’action tourne un peu en rond, on a tendance à décrocher. Pas facile à gérer le Peter Pan !
En conclusion, Pan est quand même une vraie réussite, tant sur le plan esthétique qu’onirique. On ne peut qu’y retrouver son âme d’enfant. Tout en respectant fidèlement l’esprit de l’œuvre, Irina Brook y fait preuve d’une imagination débordante, malicieuse et d’un goût sans faille pour la beauté.

jeudi 19 mai 2011

Ben l'Oncle Soul


En tournée jusqu’au 17 décembre.
Au Zénith de Paris les 15 et 16 décembre


Vous voici donc reparti sur les routes…
Après avoir fait 130 concerts en 2010, on s’attaque cette année à une tournée tout aussi importante. Maintenant, on sait ce que c’est, on connaît un peu. C’est vraiment super.
Vous utilisez plus le « on » que le « je »… Combien êtes-vous sur scène ?
Ça varie entre 9 et 11 en fonction de la grandeur de la salle. Notre formation de base est composée d’une guitare, d’une basse, d’une batterie, de deux claviers et de deux choristes. Dans la formule à 11, on a en plus une section de cuivre avec trompette, trombone, saxos baryton et alto.
Est-ce que le fait d’avoir appartenu à un groupe de gospel vous a conditionné dans votre univers musical ?
Ça a surtout représenté pour moi une belle pratique de cet instrument qu’est la voix. Auparavant, je ne chantais que dans ma salle de bain ou dans ma cuisine. Le gospel m’a beaucoup aidé à sortir ma voix parce que dans un chœur on peut se permettre plus de choses ; on se sent moins timide quand on est porté par trente autres voix. Ça a été une période très enrichissante qui m’a d’une part apporté de la confiance et, d’autre part, initié au travail des harmonies.
Apparemment, vous devez votre passion à votre mère…
Je n’ai pourtant pas particulièrement souvenir d’avoir parlé musique avec elle. En revanche, il y en a toujours eu à la maison de 7 heures du matin à minuit. Tout était bon : les vinyles, les cassettes, les CD. C’est vrai que ma mère était très branchée black music. Ça allait du jazz à la soul en passant par le blues, le gospel avec, y compris, quelques artistes français comme Nougaro, que j’adore, Nino Ferrer, Brassens, Brel… de belles plumes en général. Du coup, en fonction des périodes, j’écoutais aussi bien les uns que les autres. Même si, du côté des chanteurs, je préférais les Américains pour leur voix, leur sonorité, leur feeling.
Vous êtes-vous déjà rendu à Detroit, berceau de la Motown ?
Pas encore ! Eh, non. Je vais me rendre prochainement à New York… Mais, évidemment, il faudra bien que je m’offre une visite à Detroit, à Memphis, à New Orleans… en forme de pèlerinage.
Si vous ne deviez conserver qu’un seul album, lequel serait-il ?
Otis Blue… C’est peut-être le meilleur album d’Otis Redding.
Jouez-vous d’un instrument ?
Je joue un peu de clavier. Suffisamment en tout cas pour composer et pour m’accompagner de temps à autre sur scène. Mais en tant que pianiste pur, je suis bien mauvais… J’ai de bonnes idées et peu de facultés pour les réaliser. Je m’y suis mis trop tard. Je compte bien profiter des plages de liberté que m’offre la tournée pour me perfectionner.
Vous apportez un soin très particulier au look…
L’esthétique des années 60 me plaît particulièrement. J’étais très fan des pochettes des vinyles. Il y avait une vraie recherche. Je suis donc assez amoureux du son et de l’image de cette époque. La relecture des chorégraphies d’alors m’intéresse et m’amuse aussi. C’est tellement décalé que ça en est drôle… Aux Beaux Arts, j’ai forcément emmagasiné plein de références. Il y a eu aussi le cinéma, la BD, le dessin figuratif… J’ai toujours adoré ça.
Vous semblez assez porté sur la fantaisie…
Sur scène, je danse un petit peu mais, en réalité, je m’extériorise plus avec le chant. J’aime bien saupoudrer mes prestations de clins d’œil burlesques sans pour autant tomber dans le show. J’aime l’humour et j’adore m’intégrer dans mon spectacle, mais je n’ai pas envie que ce soit au détriment de certaines chansons. Basculer dans la grosse rigolade ne m’intéresse pas du tout… Et puis, il me reste les clips pour bien m’amuser. Moi qui adore l’image, ils me permettent de sublimer ma musique.
Apparemment, la notion de groupe semble très importante pour vous…
En fait, on est une bande de potes. On a besoin les uns des autres. Il faut dire que j’ai été à bonne école. J’ai effectué mes premiers pas en tournée avec un groupe qui s’appelle Beat Assailant. Chaque musicien avait sa place dans le show, avec son moment d’expression propre. J’ai trouvé que ça amenait un surcroît d’énergie assez unique... Après, je suis allé voir Maceo Parker en concert où, la aussi, je me suis rendu compte que, chaque musicien étant un showman, ça nourrissait la musique tout en faisant respirer le spectacle… Et puis on s’amuse, tout simplement. On fait des échanges.
Dans quelle langue préférez-vous chanter ?
J’ai autant de plaisir à chanter dans les deux langues. D’abord parce que j’ai passé mon temps à chanter tous les standards de la soul puis, lorsque j’ai commencé à écrire, ça m’est venu beaucoup plus facilement et beaucoup plus naturellement en français. Ça m’avait manqué dans ma culture musicale de ne pas avoir de chanteurs français qui chantent de la soul. Et pourtant beaucoup de gens chez nous dorent cette musique. Pour moi, les plus proches sont Nino Ferrer, Claude Nougaro et Michel Jonasz.
Avez-vous un rêve de duo ?
Ce serait avec Stevie Wonder, un des seuls qui soit encore vivant de la Motown. Ce serait génial. Qu’il me fasse ne serait-ce qu’un solo d’harmonica, ce serait très bien.
Quels sont vos loisirs préférés ?
Je consacre beaucoup de temps à la musique, particulièrement quand je me trouve en tournée. Sinon, je pratique beaucoup de sport. Je m’efforce d’entretenir une hygiène de vie assez sportive. Deux heures sur scène tous les soirs, ça équivaut à un match. Et dès qu’il y a un terrain de basket à proximité, on va jouer avec toute l’équipe… J’aimerais bien me remettre à la peinture aussi. Les Beaux Arts me manquent un peu. J’ai passé cinq années de ma vie à bosser dans différents ateliers. Si je bénéficie d’un bon break fin 2011, je vais prendre un peu de temps pour me retrouver, pour peindre, pour sculpter, et pour composer à nouveau.

mercredi 18 mai 2011

Léa Drucker


Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris
Tel : 01 46 06 49 24
Métro : Anvers

"Je suis une laborieuse"

Comment cette pièce vous est-elle arrivée dans les mains ?
Grâce à mon partenaire, Gilles Cohen. Nous avions joué ensemble dans Pauline et François, un film de Renaud Fely dans lequel il faisait mon mari. Nous avions bien sympathisé. Puis il est venu me voir dans L’Amant de Pinter et, après la représentation, nous sommes allés dîner. C’est là qu’il m’a parlé d’une pièce dont il était convaincu qu’elle me plairait. Et il me l’a envoyée…
Coup de cœur immédiat ?
En fait, j’ai tardé à la lire… Enfin, un jour où j’étais plus au calme, j’ai commencé à m’y plonger ; et j’ai été cueillie ! Et de façon vraiment profonde. J’ai tout de suite matérialisé les personnages, je les ai vus s’animer… Je me trouvais alors chez mon père, aux Etats-Unis. J’ai aussitôt appelé Gilles pour lui faire part de mon emballement. Notre agent commun à Gilles et à moi est allé présenter la pièce au théâtre de l’Atelier qui nous a proposé aussitôt de la jouer chez eux pendant soixante représentations en mai, juin et juillet. Comme nous ils ont été attrapés par cet auteur, par cet univers, par ces personnages… Il y a parfois des projets qui traînent en longueur mais celui-ci a rebondi immédiatement. Tous s’est fait dans l’élan et l’enthousiasme.
Comment se présentent vos deux personnages ?
L’action se passe en Sicile, au bord de la mer par une nuit sans lune. C’est une pièce qui repose sur le couple, sur l’intimité, sur la difficulté de communiquer. Lui est plutôt un taiseux, mais elle, elle est dans l’énergie. Elle va essayer de l’amener à l’échange. Ce sont des gens simples qui n’ont pas l’habitude de parler de leurs sentiments, de leurs émotions. Ils ne sont surtout pas dans l’éloquence... Je me sens très proche de mon personnage en ce sens où, moi qui suis une bavarde, j’ai beaucoup plus de facilités à parler à quelqu’un que je ne connais pas qu’à quelqu’un que je connais très bien... J’aime ce genre de pièce qui n’est pas dans le verbe, qui aborde les choses concrètement. Le théâtre ce doit être quelque chose d’universel.
Vous êtes aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie…
J’aime bien apprendre. Quand je joue, je prends des forces. Le théâtre est une discipline très exigeante. C’est pourquoi j’aime alterner avec le cinéma. J’ai la chance d’avoir un parcours assez riche et diversifié. Pourtant, je ne fais pas les choses avec aisance et facilité. Chaque rôle me demande beaucoup de travail. Je suis une laborieuse. C’est assez éprouvant et j’en souffre un peu parfois. Pas tout le temps, heureusement. Mais c’est bien comme ça. L’exigence amoindrit ma peur.
Quels sont les rôles dont vous êtes le plus satisfaite ?
J’avais adoré jouer 84, Charing Cross Road, la pièce de Hélène Hanff ; j’ai beaucoup aimé ce personnage. J’ai bien aimé jouer Le Système Ribadier de Georges Feydeau, avec Bruno Solo. On s’est beaucoup amusé. Et j’ai aimé également Blackbird avec Maurice Bénichou…Au cinéma, j’ai aimé L’Homme de sa vie de Zabou Breitman, Cyprien, avec Elie Semoun, dans un registre très différent… Et j’adore travailler avec Edouard Baer, que ce soit au cinéma comme dans Les Brigades du Tigre, ou au théâtre dans La folle et véritable vie de Luigi Prizzoti et Miam Miam. Il me stimule beaucoup.
Quels sont vos prochains projets ?
J’ai tourné dans La vérité si je mens 3, qui sort en février 2012. Je vais jouer dans Je me suis fait tout petit, un film de Cécilia Rouaud dans lequel j’aurai pour principaux partenaires Vanessa Paradis et Gilles Lellouche…
Avez-vous des rêves professionnels ?
Pour le théâtre, j’aime bien ce que fait Alain Françon. J’ai adoré les quatre Feydeau qu’il a montés à Marigny, La Cerisaie et Les trois sœurs de Tchekhov à la Comédie Française… Et au cinéma, j’ai parfois des emballements pour des premiers films. Ça a été le cas avec Une pure affaire d’Alexandre Coffre que j’ai trouvé formidablement écrit et très bien joué. Et je me suis dit que j’aimerais bien travailler avec lui.
Y a-t-il un rôle dans le répertoire que vous aimeriez tenir ?
J’aimerais jouer Shakespeare. J’aime les personnages un peu complexes. J’adore Le Roi Lear. Je raffole du personnage du bâtard. Pourquoi ne serait-il pas interprété par une femme ?
Quels sont vos principaux loisirs ?
J’aime bien me balader, me promener dans mon quartier, à Ménilmontant, aller flâner aux Buttes Chaumont… je peux marcher pendant des heures. Je suis très contemplative… Sinon, j’aime courir, aller voir des spectacles, manger, profiter de mes amis, de mes proches…

Le Cercle des joyeux désespérés


Comédie de Paris
42, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 00 11
Métro : Blanche

Une comédie de Karine de Démo
Mise en scène par Philippe Sohier
Avec Charlie Bruneau (Lili), Karine de Démo (Mona), Lionel Auguste (Pierre)

Ma note : 6,5/10

Le sujet : Mona, Lili, Pierre… Tous les trois sont sympas, sensibles, menteurs, donc fatalement humains un peu comme vous… Surtout si vous êtes désespérés. Aujourd’hui, si le tunnel peut paraître un peu long, ces trois « héros » peuvent vous prouver que l’espoir est toujours au bout du rouleau.

Mon avis : Me voici une fois encore partagé avec une comédie très « regardable » mais présentant un déroulé en dents de scies. Comme ma note tend à l’indiquer, j’accorde à cette pièce 65% d’intérêt positif. Ce qui est tout de même pas mal.
Evacuons donc en priorité ces 35% qui m’ont gêné. Certaines situations et, partant, les dialogues qui vont avec sont parfois un peu légers, sinon confus. Il y a en effet quelques moments un peu incohérents qui nous font décrocher. Pendant le première moitié de la pièce, on essaie de disséquer le profil psychologique de Pierre tant il nous semble – et là je ne critique pas la qualité du comédien qui joue ce que l’on a écrit pour lui – creux et puéril. Même s’il est de notoriété publique que les hommes restent longtemps de grands enfants… Le texte est saupoudré de blagues un peu faciles et de temps à autre alourdi pas des digressions superflues qui confinent au remplissage. Enfin, les scènes « pubisiennes », un « poil » trop farces dès qu’elles durent, auraient plus de saveur si elles étaient moins appuyées. Autant elles peuvent paraître plausibles si l’on se réfère à la psychologie du personnage de Lili, autant il ne faut pas justement en forcer le trait. En même temps, il ne faut surtout pas les supprimer car elles ont un réel impact sur le public en raison de la cocasse incongruité de l’image que cela génère…

Abordons maintenant l’aspect positif de cette comédie. L’idée de fond est suffisamment originale pour nous séduire alors qu’elle traite quand même d’un mal-être patent. L’humour noir est une tradition française et c’est une bonne thérapie que de rire de nos fragilités, de nos angoisses existentielles, de nos turpitudes… La force de cette pièce, c’est aussi (et surtout ?) la qualité de ses interprètes. Les deux jeunes femmes sont absolument épatantes. On croit sans mal à leurs personnages tant elles y mettent d’énergie, de conviction et de drôlerie. Ils sont en outre parfaitement structurés sur le plan psychologique… Karine de Démo est vraiment excellente dans le rôle de Mona. Une Mona qui a toutes les raisons d’en vouloir à un destin qui ne l’épargne guère. Logique que son avenir sente un peu le gaz. Sa robe noire, sa chevelure sombre et sa volonté d’en finir sont autant de clins deuil pour dessiner son personnage. Toute entière dans sa désespérance, elle refuse toute aide extérieure et se cabre devant le comportement envahissant de sa voisine. Peu à peu, elle évolue, retrouve goût à la vie, devient plus joueuse, plus espiègle, plus lumineuse, plus vivante quoi !... Dans le rôle de Lili, Charlie Bruneau joue à merveille, bien qu’elle soit exagérément positive en tout, l’exact négatif de Mona. Autant cette dernière est sombre, autant elle est blonde et vêtue de couleurs claires et vives. Elle s’investit dans son rôle de saint-bernard avec un enthousiasme et une opiniâtreté sans faille. Plus intrusive qu’elle, tu ne peux pas mourir. Sans gêne et autoritaire, hyper protectrice avec sa voisine comme avec son mari, elle s’embarque parfois dans des explications et des théories fumeuses. Son ultra positivisme et son argumentation sont souvent à la limite de la nunucherie. Une nunucherie qu’elle abandonne au moment où les rôles s’inversent (un des bons ressorts de la pièce) pour se révéler elle aussi fragile et touchante… Mona et Lili sont, vous l’aurez compris, deux jolis rôles de femmes… Quant au garçon, Lionel Auguste, il est malgré son physique avenant et sa voix mâle, un ton en dessous. Comme je l’ai souligné plus haut, il n’en est pas responsable. Mais son personnage de Pierre nous échappe un peu. Trop caricatural au début (on ne comprendra pourquoi qu’à la toute fin), il emploie un ton trop docte pour exprimer sa vision amère et désabusée de la société. A partir du troisième tableau, il nous surprend par sa soudaine métamorphose en s’affichant en érudit absolu et en brillant analyste des relations hommes-femmes. Son rôle est très important car il sert à la fois de contrepoids et de révélateur à ces deux donzelles aux caractères très affirmés…

Bref, pour inégale qu’elle soit, cette pièce se laisse voir avec plaisir. D’abord parce que les comédiens, visiblement très complices, sont fort sympathiques. Ils font preuve d’une belle énergie et nous offrent de jolis moments de fantaisie, voire de folie. A la décharge de l’auteure (Karine de Démo), il n’est pas aisé de réaliser la quadrature du Cercle (des joyeux désespérés) en nous tenant amusés non stop pendant une heure et demie. D’où, malgré un rythme élevé, certains petits coups de mou et quelques incohérences. Mais, quand on sort, il reste que l’on a passé un plutôt bon moment dans l’agréable petite salle de la Comédie de Paris. Comme on en sort assez joyeux, il n’y a donc pas de quoi désespérer. Et ce divertissement honnête devrait rapidement trouver son public.

mardi 17 mai 2011

Les Fatals Picards


En tournée jusqu’au 15 décembre
A l’Olympia le 10 juin

Branchés sur le courant alternatif


Plus Fatals que Picards, Jean-Marc, Laurent, Paul et Yves, reportent sur les routes pour présenter le Coming Out Tour, du nom de leur excellent dernier album. Avec leur énergie débridée, leur musique rock mâtinée de reggae et leurs textes chargés d’ironie et d’impertinence, ces iconoclastes joviaux nous offrent sur scène un grand moment roboratif de partage et de fantaisie.

Qui dit nouvel album, dit tournée pour le présenter…
Forcément. D’autant que nous sommes avant tout un groupe de scène. On vit pour et par la scène. On s’attaque à une grosse tournée d’une centaine de dates cette année et plus encore l’année prochaine.
Présentez-nous Coming out
C’est le sixième album studio des Fatals, mais c’est le deuxième que nous réalisons tous les quatre. Il est dans la même ligne directrice que les autres, mais un peu plus diversifié, un peu plus éclectique, un peu plus rock. Tout en restant engagés, il comprend aussi moins de chansons politiques. Quand nous devons sortir un nouvel album, on se comporte un peu comme des mauvais élèves, on attend la dernière minute. On aime bien être dans l’urgence, c’est notre façon de travailler… Coming Out est sans doute l’album qui ressemble le plus aux Fatals Picards sur scène.
Avez-vous prévu quelque chose de particulier pour l’Olympia ?
En tournée, nous ne sommes que tous les quatre. Mais pour certaines dates, comme l’Olympia, on aime faire appel à des musiciens additionnels pour se faire plaisir. Il y aura trois cuivres, quatre cordes et une accordéoniste, des gens qui ont participé à l’enregistrement du disque.
Comment définissez-vous votre univers ?
Nous revendiquons une filiation avec des groupes alternatifs comme la Mano Negra, les Ludwig Von 88, Noir Désir… Ils ont changé l’histoire de la musique française. C’est de là qu’on vient. Aujourd’hui, le rock est assez aseptisé. Pour nous, la tragédie de Vilnius a tué le rock français. En perdant Bertrand Cantat, ce mec tellement crédible et tellement charismatique, on a perdu une icône et un porte-drapeau… Mais nous ne négligeons pas non plus l’influence de mecs comme Brassens et Renaud… Notre constante à nous, c’est d’aborder les faits de société avec humour. Si une chanson ne nous fait pas marrer, on ne la garde pas. Et on n’a pas peur d’être parfois trash, voire débilos.
Qu’avez-vous comme loisirs en commun ?
L’apéro, qui reste notre activité principale, la bouffe… On aime bien se taper un petit foot, une baignade, une partie de pêche… Le reste de l’année, entre la famille et les potes, on n’a pas trop le temps de se voir. On se rattrape quand on est en tournée.

lundi 16 mai 2011

Hair




Le Palace
8, rue du faubourg Montmartre
75009 Paris
Tel : 01 40 22 60 00
Métro : Grands Boulevards
Du 17 juin au 1er octobre

Hip… Hippie… Hourra !


40 ans après sa création à Paris, Hair est de retour dans la capitale, au Palace, pendant trois mois et demi. Deux de ses principaux protagonistes, Laurent Bàn (Berger) et Lucie Bernardoni (Sheila) nous racontent ce spectacle libre, joyeux, débridé, provocant, et porteur d’un beau message d’amour et de fraternité.


Laurent Ban

Formé au théâtre, Laurent Bàn s’est fait connaître du grand public grâce à la comédie musicale. Il a tenu les rôles de Gringoire puis de Phoebus dans Notre-Dame de Paris, il a joué dans Le Petit Prince, Le fantôme de l’Opéra, Chance, Hair (déjà) et, surtout, il superbement incarné Zorro en 2010 à Mogador…

Vous aviez déjà joué dans Hair
C’est la quatrième version à laquelle je participe. Je l’ai joué en 1997, où je tenais le rôle de Woof, en 2001, en 2009 avec le rôle de Berger, que je tiens toujours aujourd’hui. C’est une œuvre assez conceptuelle. Ses revendications peuvent se répercuter avec chaque génération. C’est toujours d’actualité. Le Sida a remplacé le Vietnam.
Que pensez-vous de sa version 2011 ?
Nous sommes revenus à l’essence du spectacle, à ses racines. Ce qui m’a plu dans cette nouvelle approche, c’est son côté happening, le partage avec le public. On s’éloigne vraiment d’un show traditionnel. Chaque soir, on peut se livrer à une semi-improvisation. Le public est avec nous dès le début. En plus, nous sommes accompagnés en live par des musiciens qui s’avèrent être les enfants de certains des comédiens qui l’ont créé en 1969.
Lorsqu’on vous voit tous réunis, le mot « tribu » est tout-à-fait approprié…
On casse tous les codes du spectacle musical. Ce show est beaucoup basé sur l’énergie et le culot. Il faut oser entrer dans la Tribu. Heureusement, nous avons deux-trois sortes de shamans dans la bande qui nous ont aidé à créer un climat quasi mystique entre nous. On forme toujours un cercle avant d’entrer en scène pour se transmettre les bonnes vibrations. La générosité n’est pas feinte. Les spectateurs le sentent et adhèrent immédiatement. C’est magique, je me régale à vivre ça tous les soirs.
Avez-vous néanmoins d’autres projets ?
Au mois de juillet, je vais jouer à Avignon Le Journal d’Adam & Eve, une œuvre que j’ai écrite à partir de nouvelles de Mark Twain. Mon Eve sera Chiara Di Bari, qui a été l’Esmeralda de la version italienne de Notre-Dame de Paris. C’est un projet qui me tient particulièrement à cœur.



Lucie Bernardoni


Lucie Bernardoni a été la finaliste malheureuse de la quatrième édition de La Star Academy en 2004. Il faut dire à sa décharge qu’elle se trouvait face à l’inaccessible et regretté Grégory Lemarchal… A 24 ans, elle compte déjà quatorze ans de métier. Elle vient de sortir un superbe premier album, Mélancosmaniaque.

Comment êtes vous arrivée dans cette aventure ?
En découvrant l’annonce du casting sur le site « Regard en Coulisse ». Ça m’a intéressée car je l’avais vu il y a très longtemps à Mogador. Je m’en souvenais très bien. Ma mère m’en parlait, elle avait le disque… C’est un spectacle qui fait partie de l’Histoire.
Comment vivez-vous cette première expérience de vie de troupe ?
Ça n’a rien à voir avec ce que j’avais connu avec la vie au Château de la Star Ac’. Ce côté « tribu » me convient parfaitement. C’est la première fois où je vis en parfaite harmonie avec tout le monde. Il n’y a aucune rivalité. L’ambiance est la même en coulisses que sur scène.
Vous n’aviez pas peur que Hair empiète sur votre carrière solo ?
Si je peux mener de front mes projets personnels, être dans Hair et, pourquoi pas, participer plus tard à d’autres comédies musicales, je pense que ça ne peut que m’équilibrer.
Une mère comédienne, un père batteur, vous avez grandi dans un milieu artistique. Quels ont été vos premiers émois musicaux ?
Petite, j’écoutais en boucle les chansons de Michel Legrand. J’adorais particulièrement Quand on s’aime, son duo avec Nana Mouskouri.
Votre album est d’une grande qualité tant au niveau des textes que de ses couleurs musicales…
Je dis beaucoup de moi dans mes textes. J’ai la particularité de les écrire en écoutant de la musique de film. J’ai été par exemple très sensible par la bande originale de Babel. Ça m’a donné l’idée d’arrangements dissonants.
Avez-vous gardé contact avec la famille de Grégory Lemarchal ?
J’essaie d’aider leur association le plus possible. Dès que son papa m’appelle pour une manifestation, je viens participer. J’ai un peu de mal à en parler. C’est quelque chose de personnel.

Louis Bertignac


Actuellement en tournée jusqu’à la fin de l’année
A l’Olympia le 8 juin et le 15 février 2012
Photo : Rudy Waks

Touchez pas au Grizzly

Sous-titré « Ça c’est vraiment moi », Grizzly, le nouvel album de Louis Bertignac sonne comme une véritable libération. C’est une œuvre sans concession dans laquelle il avoue être enfin lui-même. Du pur rock’n’roll avec une avalanche de riffs dont il ne se serait jamais cru capable, la quintessence d’une musique qu’il portait enfouie en lui depuis des années et dont le Grizzly fait aujourd’hui son miel… Il a suffisamment hiberné, il sort enfin de sa tanière. Mais attention, il est en colère, il grogne et il sort des (g)riff(es). Bertignac a la niaque… Vraiment, iI y a du riff hi-fi chez cet homme !

Pourquoi ce titre, Grizzly ?
Psychologiquement, je suis un peu « ours » depuis toujours. Et en ce moment, plus que jamais. Depuis un an ou deux, j’ai les griffes qui ont poussé pour diverses raisons. J’ai toujours considéré que, musicalement, j’étais un méchant. J’aime bien les notes qui cognent, qui font mal. Quand je me compare à d’autres musiciens, je suis un des plus hargneux. Alors que dans la vie, je suis quelqu’un de gentil, je suis même trop doux.
Bien que vous n’en soyez pas l’auteur, les thèmes de chansons vous collent parfaitement à la peau…
C’est l’œuvre de Boris Bergman. Il a su traduire en mots la colère qui m’habitait. Ça me fait du bien de jouer au grizzly. On ne se connaissait pas Boris et moi, mais lui, il m’avait décelé. C’est une grosse, grosse rencontre. Il nous a suffi de deux bouffes ensemble et d’une après-midi à la maison pour nous trouver. Je lui ai raconté deux-trois trucs et il a fait sa pelote. C’est un mec comme j’aime. C’est un gamin. On peut considérer que je n’ai guère plus de 14 ans dans la tête, mais lui il en a 10 ! Il adore les challenges. Il est toujours dispo quelle que soit l’heure… Le seul thème de chanson que je lui ai vraiment demandé, c’est celui de Les filles comme toi, une chanson dans laquelle on serait moins miso.
On a l’impression que Grizzly est votre premier vrai album rock…
Je fais enfin non seulement ce que j’aime, mais ce qui me ressemble. C’est du rock sans concessions mélodiques, du rock à base de blues. C’est pourquoi cet album est sous-titré « Ça c’est vraiment moi ». Il est le plus proche de moi. Il m’a fallu énormément de temps pour me trouver. Il a fallu qu’un mec, Martin Meissonnier, me mette sur la bonne voie. Ce qu’il attendait de moi, c’était « des riffs de guitare à n’en plus pouvoir, des solos qui durent ». Ça a été le déclic. C’était enfoui en moi. C’était comme une pièce scellée dont je trouvais enfin la clé. Tout était derrière la porte, je n’ai même pas eu besoin de chercher… Il m’a fallu vingt ans pour en arriver là mais, en revanche, mais dès que j’ai ouvert les vannes, il m’a fallu très peu de temps pour le composer et l’enregistrer… Maintenant, je suis très optimiste pour la suite. En amour, je chercherai toujours, mais en musique j’ai trouvé !
Dans la plupart de vos textes, vous apparaissez comme un loser…
C’est de la lucidité ! Moi je me suis toujours trouvé moche. Et puis il y a eu des filles qui m’ont dit que j’étais beau et que je ne m’en rendais pas compte. Je sais aussi que je suis un peu con. Ça me fait souvent gâcher les histoires d’amour. Je ne veux surtout pas changer. Je suis un crabe : il est inutile d’essayer de me faire marcher droit. En même temps, je suis quelqu’un d’assez sensible et fragile. Je pleure facilement quand un film est touchant. Ça doit venir du foie…

Info
Téléphone :
La ligne est coupée
On ne peut pas se trouver devant Louis Bertignac sans évoquer LA sempiternelle rumeur qui resurgit régulièrement à propos de la reformation de Téléphone. Quand on lui pose la question, la moue, franchement sceptique est éloquente. Je pense qu’il ne faut guère se faire d’illusions de revoir un jour sur scène Corinne, Jean-Louis, Richard et Louis. Trop de temps s’est écoulé, trop de choses ont été dites ou écrites. Il n’y aura pas de double appel.

Jean-Jacques Lafon


Tournée Age tendre et Têtes de bois
Jusqu’au mois de mars 2012
Au Palais des Congrès du 19 au 22 janvier

Un « Géant » au grand cœur



« Quand je la regarde, moi l’homme-loup au cœur d’acier, devant son corps de femme, je suis un géant de papier… » Avec ce tube né en 1985, Jean-Jacques Lafon en a ému des dames et des demoiselles ! Garçon discret, la chanson n’est que la partie émergée de son iceberg artistique et humain car il consacre beaucoup de son temps à la peinture et à l’humanitaire.


A votre tour, vous intégrez la fameuse tournée Age tendre et Têtes de bois ?
C’est fabuleux. Chanter avec soixante musiciens, ça ne se refuse pas.
Vous devez connaître tous les artistes qui partagent l’affiche avec vous…
Hormis Demis Roussos que je ne faisais que croiser, je connaissais tout le monde. Je m’entends très bien avec Patrick Juvet, qui m’a écrit la mélodie d’Il pleut sur mon dernier album, Hervé Vilard et Alice Dona qui a ont un humour que j’adore. Il n’y a pas une personne qui soit désagréable. C’est exceptionnel… Je ne chante que Le Géant de papier, d’abord avec le grand orchestre, puis a cappella ; ce qu’il fait qu’elle dure sept minutes.
En 2012, vous fêterez vos 30 ans de carrière…
Je ne les ai pas vus passer ! J’ai toujours donné pas mal de galas. Je fais 100.000 km par an en voiture. Ça n’a jamais autant marché que maintenant. Je me suis longtemps produit au Moyen-Orient. Même si ça a été au détriment de ma carrière française, je ne regrette rien car j’ai vécu des moments rares.
Avez-vous d’autres activités que la chanson ?
La peinture. C’est ma deuxième passion. C’est quelque chose qui fait partie de moi. J’ai présenté ma première exposition, sur le thème des gardiens de la Terre Sainte, au Moyen-Orient. En ce moment, on peut la voir à Bar-sur-Aube, le fief des Templiers. On peut découvrir mes tableaux sur Internet, sur le site d’Age tendre…
Avez-vous d’autres pôles d’intérêts ?
Je me consacre aussi beaucoup à l’humanitaire via la naturopathie, et plus particulièrement l’aromathérapie. J’ai été touché par le nombre de gens malheureux en Afrique. J’ai rencontré le docteur Jean-Pierre Willem, le fondateur de l’ONG Les Médecins aux pieds nus. J’ai suivi ses cours et j’ai décidé de lui apporter mon soutien. Je travaille aussi beaucoup sur la musicothérapie vibratoire, une spécialité que je vais essayer de développer.
Où en êtes-vous sur le plan artistique ?
Je viens de sortir un nouvel album, Le Jardin de mon père… J’ai retrouvé le goût de composer. Pendant cinq ans, je n’en avais plus envie. En ce moment, j’ai une pêche terrible. J’ai des projets de musiques de films. Il n’y a plus de temps à perdre…

Thomas VDB


Le Point-Virgule
7, rue Sainte-Croix de La Bretonnerie
75004 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Hôtel-de-Ville
Jusqu’au 30 juin

Vanneur, Délirant, Burlesque

Seul humoriste à se produire en 3D, Thomas VDB, ne manque évidemment pas de relief. Cet ancien journaliste musical s’appuie sur ses propres expériences pour construire un spectacle sagace et délirant, d’une qualité telle qu’il ne devrait avoir aucun mal pour devenir (presque) célèbre.


Comment bifurque-t-on du journalisme au one man show ?
J’ai été fan de musique pendant très longtemps. Mais en parallèle, je faisais de la radio, du théâtre, du café-théâtre et de l’impro. Je suis entré au Conservatoire à Tours. A côté de ça, j’ai créé un fanzine sur la musique qui a atterri en 1999 sur le bureau du rédacteur en chef d’un magazine de rock. Il m’a engagé et je suis devenu journaliste de rock. Je concrétisais ainsi un rêve de gosse. J’ai fait ce métier pendant sept ans tout en présentant avec un copain Freddy Coudboul, un numéro de spectacle de rue que l’on a joué 500 fois. A un moment, j’ai décidé de faire mon choix et en 2005, je montais mon premier one man show, En rock et en roll.
Qu’est-ce qui vous a décidé à franchir le pas ?
Je me suis toujours intéressé à la scène comique anglo-saxonne. Des gens comme les Monty Python et Eddie Izzard ont été déterminants. Mais j’ai vraiment réalisé la forme que je voulais donner à mon spectacle lorsque j’ai découvert le one man show de Jamel en 2003. Ça a été une vraie claque.
Votre spectacle est très autobiographique…
Le premier, déjà, reposait sur mon histoire de fan de rock. Je ne me vois pas raconter autre chose qu’un truc qui me soit inspiré par ma vie et ma vision des choses. La base, c’est l’autodérision. Les choses qui me font le plus rire c’est quand je me retrouve dans des situations à la con, où j’ai un peu la honte. J’aborde donc toujours des sujets ancrés dans ma vraie vie et je les fais déraper. Ça va parfois jusqu’à l’absurde voire à l’humour noir... Je ne monte pas sur scène pour être beau. Je suis très mimiques, très grimacier.
Quelle est votre actualité ?
Depuis deux ans, j’apparais deux fois par semaine dans Le Fou du Roi sur France Inter où je présente une chronique autour de l’invité. J’aime beaucoup faire de la radio. Et je travaille sur l’écriture d’un scénario de film avec mon coauteur Benjamin Parent.

Ary Abittan


Comédie de Paris
42, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 00 11
Métro : Blanche
Jusqu’au 25 juin
Au Palais des Glaces à partir du 1er octobre


Un talent… fou

« A la folie »… Le titre du spectacle que présente Ary Abittan est on ne peut plus justifié. Les personnages qu’il incarne, tour à tour pathétiques, grandiloquents, hallucinés, imprévisibles, inquiétants, dérisoires… ont tous un sacré grain. On peut dire que sur scène, il a trouvé asile.


Comment avez-vous été amené à faire humoriste ?
J’étais obligé de faire ce métier parce que je ne savais faire que ça. A 17-18 ans, je me suis fait engager dans un club. Ça a été une super école. Je testais mes sketches devant 600 personnes chaque soir. Puis j’ai joué dans un café-théâtre-restaurant à Paris. Ma loge, c’était les cuisines. Quand j’arrivais sur scène, je sentais l’oignon ! Ensuite, j’ai fait chauffeur de taxi pendant deux ans pour me payer des cours de théâtre ; cours que je n’ai jamais pris. Je passais mes sketches dans la voiture pour tester leur impact sur les clients.
Quand avez-vous enfin décollé ?
En 1998, je me suis produit un soir à Sarcelles, ma ville natale, au Forum des Cholettes, une salle qui, au niveau de Sarcelles, est l’équivalent de l’Olympia. Ce spectacle a été filmé et j’ai entrepris de démarcher les producteurs avec la VHF. Le premier à qui je l’ai présentée m’a signé immédiatement. C’était Eddie Marouani. J’ai commencé à travailler dans des petites salles parisiennes. J’ai aussi joué au théâtre dans Happy Hanoukah et effectué mes débuts au cinéma dans des films comme Tu peux garder un secret, La Traque, Tellement proches, Fatal…
Comment avez-vous construit A la folie, votre spectacle actuel ?
Quand Gad Elmaleh m’a appelé pour tenir le rôle de Max dans Coco où je joue dans la fameuse scène de la « Kipacabana », j’ai connu sa sœur Judith sur le tournage. Je lui ai expliqué les grandes lignes du spectacle que je voulais faire. Et elle m’a aidé à l’articuler, à l’écrire et elle l’a mis en scène. Elle a su canaliser mon énergie parce que je partais un peu dans tous les sens. C’est très important un regard féminin, ça évite le mauvais goût.
Vos personnages sont vraiment gratinés…
C’est un condensé de tout ce que j’ai vu dans ma vie. Ces personnages, je les ai croisés. Quand je joue le jaloux, j’ai été ce mec-là. Ce sketch m’a permis d’en guérir… Quand je fais le personnage du drogué, il y a des gens à qui je fais vraiment peur… Aujourd’hui, j’ai mes fidèles. Il y en a qui sont venus me voir trois-quatre fois ! C’est un vrai bonheur, je m’éclate tous les soirs.

Toutes les chansons ont une histoire


Théâtre de la Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet
Avec Agnès Pat’ et Laurent Conoir (les mainates), et un pianiste en alternance.
Tous les lundis jusqu’au 27 juin
Photo : Nellu Cohn

Musico-ramages


Chroniqueur à Télématin sur France 2 et auteur de chansons pour de nombreux artistes, Frédéric Zeitoun, accompagné par deux drôles d’oiseaux, nous raconte les petites histoires de la grande chanson française dans un spectacle très original, truffé d’humour et d’émotion.


D’où vous vient cette passion pour la chanson ?
Je suis tombé dedans quand j’étais petit. Mes deux premiers souvenirs, vers 1964, sont auditifs : Henri Salvador à la radio, et Enrico Macias sur l’électrophone de mes parents qui écoutaient en boucle J’ai quitté mon pays, Sans voir le jour et La femme de mon ami… Pour moi, très vite, j’ai considéré la chanson comme un signe de réussite. Je ne me disais pas que je serais chanteur mais que j’écrirais des chansons. Ça m’a vraiment aidé à vivre. C’était un vrai moyen d’évasion.
Comment avez-vous réussi à écrire pour des artistes ?
Grâce aux hasards de la vie et à beaucoup de travail et d’acharnement. Le tout premier artiste qui m’a pris une chanson a été Richard Dewitte, du groupe Il était une fois. Ensuite, il y a eu Michelle Torr et Enrico Macias… J’étais alors concepteur-rédacteur à Europe 1. Mais la vraie grande rencontre, celle qui a changé ma vie, c’est Jacques Martin. J’ai travaillé quatre ans avec lui. J’ai écrit entre autres des parodies pour Laurent Gerra… Plus tard, j’ai placé des chansons à Rika Zaraï, Carlos, Smaïn, Georges Chelon, Pascal Danel, Ishtar, Charles Dumont, Murray Head, Lorie, Hugues Aufray, Frédéric François…
Comment est née l’idée de ce spectacle ?
Il y a d’abord eu deux livres, en 1994 et 1997, que j’avais déjà titrés Toutes les chansons ont une histoire et dans lequel je racontais la naissance de plus de 80 tubes. Mais l’idée du spectacle m’est venue quand j’ai présenté la tournée Age tendre et Têtes de bois en 2007. Je me suis tellement amusé sur scène que ça m’a donné l’envie de renouveler l’expérience. Avec mon ami Quentin Lamotta, on a eu l’idée de faire l’adaptation des livres sur scène, mais en évitant l’écueil de la conférence. On a alors imaginé les personnages de cet olibrius fou de chansons, que je campe, qui veut écrire le Grand Livre de la Chanson Française, avec l’aide d’un couple de mainates parleurs et chanteurs… C’est une superbe aventure que j’espère pouvoir prolonger le plus longtemps possible.

Salvatore Adamo


Le Grand Rex
1, boulevard Poissonnière
75002 Paris
Tel : 08 92 68 05 96
Métro : Bonne Nouvelle
En concert les 28 et 29 mai, puis le 8 octobre. A Lille le 1er octobre
Photo : Franck Courtès


De lui à nous…


En 50 ans de carrière, « Le tendre jardinier de l’amour » comme l’appelait Jacques Brel, continue de cultiver son jardin et de nous en offrir les plus beaux fruits. Si la plupart sont toujours aussi goûtus et aussi tendres, il y en a qui présentent une certaine amertume. On peut être poète sans être dupe des dysfonctionnements du monde et des gens qui nous entourent.


Vous allez vous produire les 28 et 29 mai dans cette superbe salle qu’est le Grand Rex. Y aviez-vous déjà chanté ?
Ce sera la première fois. Je ne la connais qu’en tant que spectateur. J’y ai vu Juliette et Roberto Benigni.
Dans quelle formation allez-vous vous y présenter ?
Avec mes 8 musiciens habituels qui, pour la plupart, sont polyvalents. Pour le Grand Rex, mon violoncelliste va intégrer un quatuor à cordes. Et il y aura sans doute ma fille, Amélie, qui viendra chanter avec moi. Et il y aura peut-être des invités surprise comme Oxmo Puccino.
En 2008, vous avez sorti un album de duos. Avec quels autres artistes rêveriez-vous d’enregistrer ?
Les duos m’ont fait comprendre l’importance du partage. J’aimerais chanter avec Jacques Dutronc, Francis Cabrel, faire une chanson inédite avec Arno et je rêve de mêler ma voix à celle de Paul Simon sur The Sound of Silence.
Comment concevez-vous une chanson ?
Je pars sur une idée de texte ou, parfois, simplement d’un mot-clé. Ensuite j’enchaîne sur la musique à la façon d’une promenade. Quand j’ai trouvé le fil conducteur mélodique, les mots viennent petit à petit s’y accrocher… Le secret du renouvellement, de l’inspiration, c’est de savoir rester curieux, de s’intéresser aux gens, d’être réceptif ; mais aussi d’avoir du recul et de l’autodérision. C’est salutaire.
Il y a une chanson inattendue sur votre album, Rendez-vous sur Gliese
Le vrai nom de cette planète, c’est Gliese 581C. C’est mon fils aîné, qui est pilote, qui m’a signalé son existence. Je suis un passionné d’astrophysique. Je vais assister à de nombreux colloques sur le sujet. Je suis comme un enfant. Ça me fascine. Je crois en la science. Alors que je n’espère qu’en Dieu.
Quels sont vos projets pour cet été ?
Je vais chanter ça et là jusqu’à la fin du mois de juin. Ensuite, j’irai me reposer. J’en profiterai pour reprendre l’écriture de mon deuxième roman. Pour le moment, ça s’apparente à des nouvelles qui traitent des errances d’un auteur.

Line Renaud


Olympia
28, boulevard des Capucines
75009 Paris
Tel : 08 92 68 33 68
Métro : Madeleine / Opéra
En concert les 24 et 25 mai
Photo : Mathieu Zazzo

Pas pressée de mûrir

65 ans de carrière ! Line Renaud pourrait se reposer sur ses lauriers… Loin de là, elle n’a jamais autant tourné. Mieux encore, elle vient d’enregistrer Rue Washington, un album écrit par la fine fleur de la chanson française. Et, pour la toute première fois, elle foulera la scène de l’Olympia les 24 et 25 mai.


Que représente cet Olympia pour vous ?
Ça va être une rencontre avec les jeunes générations qui ne m’ont jamais vue chanter et, des retrouvailles avec les plus anciens. Ce sera une synthèse entre le temps présent et un passé qu’on va revisiter. J’ai mis trente ans avant de remonter sur scène. J’attendais de mûrir !
Comment sont nées ces différentes collaborations de l’album Rue Washington ?
C’est Jean-Valère Albertini, qui travaille avec Isabelle Boulay et Luz Casal, qui a fait courir le bruit que je préparais un album. La première chanson, Une minute, est venue de deux jeunes Québécois. On dirait qu’elle a été écrite sur mesure. A partir de là, les gens sont arrivés, Alain Chamfort, Marc Lavoine... J’ai rencontré Grand Corps Malade par hasard. Dès le lendemain, il m’envoyait J’écris cette lettre. Il l’avait faite pendant la nuit ! J’ai croisé Christophe Maé à Nantes, c’est lui qui m’a proposé ses services… Tous ces artistes ont eu le talent de m’écrire des choses que je voulais dire. Ils m’ont racontée. Cet album, c’est tellement moi !
Et vous avez deux duos exceptionnels…
Johnny m’a téléphoné pour me proposer un duo lorsqu’il a appris que nous allions être dans la même maison de disques… Quant à Mylène Farmer, c’est lors d’un dîner à la maison qu’il lui est venu l’idée de nous écrire une chanson.
Quels sont vos autres projets ?
A partir du 15 août, je tourne un film inspiré des Fugueuses, la pièce que j’ai jouée avec Muriel Robin. Il sera réalisé par Michel Boujenah. J’enchaîne ensuite en octobre avec un téléfilm.
Quel est le secret de votre forme ?
Le travail et la passion. Il faut toujours avoir des buts, ne pas se lever le matin pour attendre le soir…
Dans toute votre carrière quels sont votre rôle et votre chanson préférés ?
Le rôle, c’est Suzy Berthon, et la chanson, c’est Le Soir.

Laurent Lafitte


Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00 / 01
Métro : Havre-Caumartin / Auber
Jusqu'au 4 juin

Des hommes et des odieux… et des femmes aussi


Comme le titre de son spectacle le suggère, Laurent Lafitte est en train de se faire un nom. De plus en plus courtisé par le théâtre, le cinéma et la télévision, il s’offre une récréation entre plusieurs tournages en reprenant pour un mois son one man show créé en 2008 dans lequel il présente une galerie de personnages tous plus border line les uns que les autres. Ames sensibles, s’abstenir.


Y a-t-il des nouveautés par rapport au spectacle que vous avez joué au Palais des Glaces ?
Non. Le but du jeu était de reprendre le même. J’ai dû l’interrompre pendant un an parce que j’ai pas mal fait de cinéma. J’avais la sensation de l’avoir arrêté un peu trop tôt. Et il y a pas mal de gens qui m’en ont parlé, soit qui l’avaient manqué, soit qui avaient envie de le revoir.
Quand vous est venu ce goût pour la comédie ?
Il y a plein de choses qui y ont contribué. Il y a eu Au théâtre ce soir à la télévision quand j’étais gamin et puis les films de de Funès et de Belmondo. Plus tard, vers 14-15 ans, ça a été les grands classiques américains. A 15 ans, j’ai répondu à une annonce un peu en cachette, et comme j’ai été retenu pour un téléfilm, il a bien fallu que j’en parle à mes parents puisque j’étais mineur. C’était L’Enfant et le Président avec Michael Lonsdale.
En cours de théâtre, avez-vous eu des condisciples aujourd’hui célèbres ?
Au cours Florent, j’étais avec Gilles Lellouche et Guillaume Canet ; au Conservatoire, j’étais avec Guillaume Gallienne, Marina Hands…
Vous avez d’ailleurs joué dans tous les films de Guillaume Canet…
Au début, c’était uniquement par franche camaraderie, histoire de se retrouver. Mais le vrai rôle qu’il m’a offert, c’est dans Les petits mouchoirs. Là, il m’a vraiment gâté.
Avez-vous des tournages en prévision ?
Cet été, je vais retrouver Olivier Baroux et Kad Merad dans la suite de Mais qui a tué Pamela Rose ?; qui s’appelle tout simplement Mais qui a re-tué Pamela Rose ?. Ensuite, j’enchaîne avec une comédie de David Charron où je forme un tandem de flics avec Omar Sy. Mon personnage vient des beaux quartiers, le sien d’une cité de banlieue, et nous retrouvons sur une même enquête.
Qu’avez-vous de prévu pour cet automne ?
J’aimerais bien partir en tournée avec mon one man show. Ce n’est pas un spectacle forcément parisien, mais il est tout de même très urbain. Quand je l’ai écrit, je n’ai pas pensé s’il pouvait ou pas franchir le périph’. Les personnages que je campe, on peut néanmoins les croiser partout. Il vaut mieux toutefois que je me produise dans les villes où il y a un salon de thé et un bar gay !
Justement, comment avez-vous conçu ce spectacle ?
Personnellement, j’écris des sketches depuis l’âge de 18 ans. J’ai toujours eu l’intention de faire un one man show. Même si j’adore le collectif, me retrouver au sein d’une troupe, le plaisir solitaire est aussi un exercice très agréable… Ce spectacle, je l’ai coécrit avec Cyrille Thouvenin. On se connaît depuis le Conservatoire. Je pars d’abord en impro et on affine ensuite ensemble. Et c’est lui qui m’a mis en scène.
Quelles ont été vos influences ?
J’aime beaucoup Sylvie Joly et Valérie Lemercier. Je suis très fan aussi des humoristes anglais comme les duos Little Britain et French & Saunders.
Vous nous offrez une entrée très « cabaret » avec tout le tralala… Où avez-vous appris à danser comme ça ?
Ça remplit l’espace, mais ce n’est que de l’esbroufe ! Ce n’est que du sourire et des mouvements de bras. Et des plumes, bien entendu… Je ne suis pas un bon danseur. Pourtant, dans Rendez-vous, je dansais un petit mambo.
Certains de vos personnages sont pour le moins hauts en couleurs…
Ils existent tous. Certains sketches ne me font pas peur quand je les écrits, mais c’est quand je commence à les dire et, surtout, à les mimer, comme celui de la back-room par exemple. Au tout début du sketch, je suis un peu embarrassé, après ça devient tellement énorme et surréaliste que je n’ai plus d’état d’âme. C’est vrai qu’au début, j’étais gêné. Mais ce personnage-là, il fonctionne comme ça. Il y a un décalage entre cette sexualité totalement débridée et l’idéal amoureux, romantique de la drague traditionnelle qui s’installe. Ce sketch, sois je ne le faisais pas, soit j’y allais à fond.

Info
Rendez-vous
C’est Laurent Lafitte qui a écrit Rendez-vous, l’adaptation de la comédie musicale de Broadway She Loves me (portée au cinéma par Ernst Lubitsch sous le titre de The Shop around the corner). Il l’a jouée plusieurs mois au théâtre de Paris en compagnie entre autres de Kad Merad, Magali Bonfils et Pierre Santini. Laurent travaille actuellement sur un autre projet musical, toujours une adaptation, qui sera mis en scène par Zabou Breitman.

Daphné


Le Trianon
80, boulevard de Rochechouart
75018 Paris
Tel : 01 44 92 78 00
Métro : Anvers
En concert le 25 mai

La petite sirène

Avec son troisième album, Bleu Venise, Daphné nous a une fois encore concocté un véritable bijou serti de superbes chansons aux mélodies joliment éthérées, aux arrangements originaux et subtilement fouillés et aux textes poético-impressionnistes. Douce, curieuse et engagée, Daphné est une « contemplactive ».


Après L’Emeraude et Carmin, voici Bleu Venise. Pourquoi vos albums portent-ils tous un nom de couleur ?
Je suis passionnée de peinture. Je suis très sensible aux lumières, aux couleurs, aux éléments. Pour moi, tout cela reste très lié à la musique.
Vos mélodies sont douces, aériennes…
C’est une invitation à la lenteur. Venise en est le symbole. C’est une ville qui est hors du temps. C’est cette idée-là que j’avais envie de faire partager. La vitesse, l’agressivité ne me conviennent pas du tout, ça m’effraie. J’ai besoin de beaucoup de tranquillité, de passion douce. Il faut prendre le temps de se poser et de contempler. « Contempler » est un mot important pour moi… Je ne suis pas prévoyante. Je suis quelqu’un de curieux et je me fie beaucoup à mon instinct. J’aime bien me laisser surprendre.
L’eau est également omniprésente dans vos textes…
C’est un élément que j’aime particulièrement. Je me sens « amphibienne ». J’ai d’ailleurs choisi de vivre au bord de la mer. Et là encore, le choix de Venise n’est pas anodin. C’est vraiment une ville qui me tient à cœur.
Qu’est-ce qui vous a éveillée à la chanson ?
C’est un sentiment d’impuissance. La chanson est une de mes façons d’agir. J’ai envie de donner une part de moi-même, de toucher avec ma musique. Ce qui m’a marquée, c’est mon impuissance à agir sur la peine des gens. Depuis toute petite, j’ai voulu chanter pour les consoler. Ce que je veux, c’est créer un lien. Que ce soit avec une personne ou avec cent. Sur scène, je fais passer l’émotion avant la performance. J’ai envie de célébrer ce sentiment qu’est l’amour.
Quel genre de musique écoutez-vous ?
J’ai des goûts très éclectiques. Je suis une grande amoureuse de musique classique et de jazz ; j’écoute beaucoup de blues. Mais j’aime aussi la chanson à texte. J’ai été bercée par Georges Brassens et Boby Lapointe. J’aime aussi beaucoup les Beatles, Barbra Streisand, Portishead, la musique africaine…

Pan



Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité /
Depuis le 12 mai

Le péril jeune


Irina Brook, la fille du célèbre metteur en scène anglais Peter Brook, a choisi pour son 21è spectacle de s’attaquer au mythe éternel de Peter Pan. Elle nous propose une version à la fois poétique et déjantée dans laquelle elle mélange la comédie, la danse, la chanson, le burlesque et les arts du cirque.

Qu’est-ce qui vous a motivée pour monter ce spectacle « cultissime » ?
Mes deux premières expériences théâtrales, quand j’avais à peu près 6 ans, ont été Le Songe d’une nuit d’été mis en scène par mon père, et Peter Pan. Ces deux spectacles sont toujours restés liés dans mon imaginaire.
Comment avez-vous abordé cette pièce ?
Peter Pan est une pièce « shakespearienne » en ce sens où ses héros ont tous les âges. Le Capitaine Crochet est un personnage à la Richard III… Avec ses pirates, il représente une génération qui a déjà vécu. Et ils ont en face d’eux une jeunesse qui leur est insupportable.
Comment l'avez-vous transposée sur le plan matériel ?
Artistiquement, tout est permis. L’action se passant sur une île imaginaire, nous n’avons aucune contrainte de temps, de lieu, de décor. Et comme ma devise est « Tout est possible »... J’ai opté pour un minimalisme absolu. J’ai voulu l’épurer au maximum pour laisser place à l’imagination. C’est un spectacle avant tout. Comme je m’ennuie facilement au théâtre, j’ai voulu qu’il y ait tout le temps des surprises et de l’action.
Et sur le plan « spirituel » ?
C’est une pièce d’une richesse extrême. Tous les rôles ont un symbolisme et un écho profonds. Elle contient tellement de messages ! Il y en a pour tout le monde. Moi-même, je m’identifie autant à Peter Pan qu’à Wendy. D’une part parce que le syndrome de Peter Pan ne concerne pas seulement les hommes, mais les artistes aussi. Et Wendy parce que je suis moi-même la « maman » de la troupe d’acteurs que je dirige.
Qui tient le rôle de Peter Pan ?
Il s’appelle Louison Lelarge. C’est un jeune acrobate de cirque. Il EST Peter Pan. C’est insensé !
Du Capitaine Crochet ?
J’ai confié ce rôle à Georges Corraface. Il a longtemps appartenu à la compagnie de mon père. A travers ses films et ses téléfilms, il est très connu du public français. Je voulais un Crochet particulièrement séduisant.
De Wendy ?
C’est la chanteuse Babet, ex-violoniste de Dionysos. Je suis tombée sur un clip d’elle et j’ai eu le coup de foudre. Elle a mis sa propre carrière entre parenthèses, ce qui est très courageux de sa part.
De la Fée Clochette ?
Elle s’appelle Johanna Hilaire. Je l’ai dénichée aux Etats-Unis. J’ai vu une photo et j’ai tout de suite su que c’était elle. C’est une sorte de Brigitte Bardot contorsionniste et sauvageonne.

samedi 14 mai 2011

Le mec de la tombe d'à côté


Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 Paris
Tel : 01 42 96 92 42
Métro : 4 Septembre / Pyramides / Opéra

D’après le livre de Katarina Mazetti
Adaptation d’Alain Ganas
Mise en scène de Panchika Velez
Avec Sophie Broustal (Daphné) et Marc Fayet (Jean)

Ma note : 8/10

L’histoire. Ils sont voisins de cimetière. Elle vient régulièrement se recueillir sur la tombe de son mari, trop tôt enlevé par un malencontreux accident de vélo. Il vient fleurir la tombe de sa mère, emportée par un cancer. Elle est bibliothécaire, ne pense que culture et ne mange que bio. Il est agriculture, élève des vaches et n’imagine pas qu’on puisse « lire de son plein gré ». Rie, a priori, ne rapproche ces deux là. Et pourtant…

Mon avis : C’est le genre de pièce sans prétention qui nous fait du bien au cœur et à l’âme…
La scène est divisée en trois. Côté jardin, on est chez elle. Côté cour, on est chez lui. Et, au milieu un élément va servir selon le moment de banc ou de lit. Et c’est tout. Pas besoin de décor chargé, ce qui est important ce sont les deux êtres qui vont nous raconter leur histoire. Daphné et Jean. Jean et Daphné… Déjà, le choix des deux comédiens est on ne peut plus juste. Autant elle est blonde, éthérée, diaphane, gracile, délicate ; autant il est brun, barbu, massif, fruste, brut de décoffrage. Tout les oppose : leur physique, leur comportement, leurs réflexions et leur mode et leur philosophie de vie.
Leur lieu de rencontre est un cimetière, ce qui n’est déjà pas banal. Elle a 38 ans, elle vient de perdre son mari. Il a 45 ans, il vient de perdre sa mère. La gestion de leur chagrin n’est pas du tout la même. Chez Daphné, on comprend vite que les regrets ne seront pas éternels. Elle porte sur sa vie de couple lénifiante un regard ironique, mordant et distancié… Jean, en revanche, est totalement désemparé. Sa mère était son pilier. Maintenant qu’elle l’a abandonné, le livrant à lui-même, il mesure l’étendue de sa solitude et de la tâche qui l’attend à la ferme.
Tour à tour ils se racontent. Ils parlent de leur vie désormais solitaire, mais pas avec la même vision des choses et non plus le même vocabulaire. Ils ne sont toutefois pas assez repliés sur eux-mêmes pour ne pas remarquer la présence de leur voisin(e) de tombe. Une présence qui les contrarie. Et puis il y a ce banc à partager qui les oblige à parfois se rapprocher. Et ça y va les observations perfides, les critiques vachardes. Ces deux là n’ont pas gardé les cochons ensemble, ils ne sont vraiment pas du même monde. Chez eux, le mot « culture » n’a pas le même sens. Son approche à elle n’est qu’intellectuelle alors que la sienne est bien plus terre-à-terre puisqu’agricole… Ce qui va nous amuser et nous passionner c’est comment ces deux individus si différents, aux antipodes l’un de l’autre, vont pouvoir soudain ressentir une attirance irrépressible.

Cette pièce pourrait être sous-titrée « La Crevette et le Forestier », surnoms dont ils affublent l’autre dans leur for intérieur. Comment la cérébrale et le pragmatique vont-ils trouver un terrain d’entente ? De quelle nature va être la passerelle qui va permettre au paysan de rejoindre l’intello ?... La pièce est construite comme un château de cartes. A la fois patiemment et tumultueusement, un édifice se construit ; évidemment fragile qui peut s'effondrer au moindre antagonisme. La simplicité de Jean, grand enfant qui ne s’emberlificote pas dans les fioritures et les ronds de jambe, va-t-elle avoir raison des réticences sociétales et olfactives de cette chochotte de Daphné ? On le devine, on le voit venir, et on s’en réjouit avec et pour eux. Leur relation prend soudain la forme exaltée des amours adolescentes. Elle en a la fraîcheur et la fougue, le désir et la maladresse. L’atmosphère se charge de sensualité sans jamais devenir impudique. Leurs élans et leurs abandons sont on ne peut plus sains et naturels. Mais si l’entente physique s'avère être une totale réussite, reste à harmoniser deux mondes que tout oppose. Il y a un sacré « choc culturel » à gérer…

Interdit d’en dévoiler plus… Nous, dans la salle, on se régale à assister à cette tendre guerre. On est avec eux, on est comme eux, on les comprend. On ne peut même pas prendre parti pour l’un ou pour l’autre tant ils sont vrais. Aucun ne triche, aucun n’a le beau rôle. Quand ils tirent la couverture à eux, c'est uniquement pour couvrir leurs ébats... Ils sont banalement humains. C’est pour tout ça que l’on se sent bien avec eux. On rit (beaucoup) avec eux, on est ému (souvent) avec eux. On les aime tout simplement tels qu’ils sont.
Le mec de la tombe d’à côté est un joli « clin deuil ». C’est une ode à la vie, une délicieuse comédie fort bien écrite et remarquablement jouée. La complicité des deux comédiens est tellement évidente qu’elle renforce encore la sympathie qu’on éprouve pour eux. Ça fonctionne, ça nous va droit au cœur. On passe un très, bon moment. Je vous le dis sans concession(s).