jeudi 13 octobre 2011

Mon meilleur copain


Théâtre des Nouveautés
24, boulevard Poissonnière
75009 Paris
Tel : 01 47 70 52 77
Métro : Grands Boulevards

Une comédie d’Eric Assous
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Décor de Charlie Mangel
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Avec Dany Brillant (Bernard), Roland Marchisio (Philippe), Murielle Huet des Aunay (Nelly), Juliette Meyniac (Alice), Aude Thirion (Soraya)

L’histoire : Bernard et Philippe sont les meilleurs amis du monde. Bernard est marié, mais il est infidèle. Sa femme risquant de découvrir ses écarts, Bernard demande à Philippe de la couvrir. C’est le début d’un engrenage infernal pour le pauvre Philippe, car Bernard a l’amitié abusive…

Mon avis : Voici une très agréable comédie, construite sur le mode du vaudeville, et qui fonctionne remarquablement bien. L’intrigue est aussi éculée que convenue, mais par la magie des situations et le talent des comédiens, elle nous permet de passer une soirée de franche rigolade dans le théâtre des Nouveautés (théâtre qui, au passage, commence à proposer des pièces comiques d’un excellent niveau comme, par exemple, Le Gai mariage). Le coup est classique : Bernard, coureur impénitent, a une liaison avec Soraya, une jeune collègue, employée dans la boîte de son beau-père. Flambeur dans l’âme, il gagne très bien sa vie et il n’hésite pas à la faire savoir. Il ne se rend même pas compte combien il peut être blessant vis-à-vis de son « meilleur copain », Philippe, un brave garçon débonnaire et arrangeant. Bonne pâte, Philippe a invité inopinément Bernard et son épouse Nelly et il n’a prévenu sa femme, Alice, qu’au dernier moment. Rien n’est prêt pour les hôtes, il va falloir improviser.
Bernard – plus macho que lui tu meurs – a laissé à Nelly le soin de garer le 4x4, ce qui lui permet d’avoir une conversation seul à seul avec son pote. S’en suivent des confidences croisées entre mecs à propos de leur comportement au lit (c’est, à mon goût, le seul moment sans grand intérêt de la pièce parce qu’il n’apporte pas grand-chose et qu’il est un peu redondant)… Heureusement, avec, d’une part, l’arrivée de Nelly et, d’autre part, celle d’un message de « détresse » de Soraya, la pièce va prendre son vrai rythme et une vitesse de croisière digne d’un hors-bord.

Encore une fois on est en présence de l’alchimie propre aux binômes. Philippe d’un côté, Bernard de l’autre. Et les trois femmes qui vont s’agiter au milieu et réagir en fonction des événements que leur impose l’imagination débordante de Bernard et la façon de s’y adapter avec plus ou moins de facilité de Philippe.
Comme d’habitude, Roland Marchisio excelle dans ce type de personnage foncièrement bon et dénué de vice qui se retrouve pris dans un engrenage infernal qui met son propre couple en péril. Accablé, pris en otage par la machination perverse de son ami, il subit avec une résignation pathétique cet orage qui lui tombe sur la tête. Avec sa tête de chien battu, il nous fait de la peine. Mais heureusement, un chien, lorsqu’il est acculé, ça peut mordre aussi. Il suffit de trouver l’ouverture. Car Philippe, jouet impuissant de la perfidie de Bernard, n’est jamais dupe de rien. Son opposition, tant physique que morale, avec Dany Brillant est un superbe ressort de comédie. Si Philippe ne semblait pas aussi débonnaire, Bernard ne pourrait pas abuser de lui et repousser très, très loin les limites de ce que l’amitié peur accorder.

Dany Brillant… C’est sa première expérience théâtrale et il nous campe Bernard avec une aisance de vieux briscard. Sur l’échelle de Richter de la mauvaise foi, il serait côté 9. C’est un faux-cul majuscule, un type puant de suffisance et de prétention, un goujat de la pire espèce. Il ramène tout à lui. Et il se fout complètement des dégâts co-latéraux qu’il provoque chez les autres. Dans cet exercice haut en couleurs, Dany Brillant s’avère remarquable. Même quand il est dans l’outrance, il est crédible. Des zigotos comme Bernard, on en a rencontré. Ils sont irritants au possible et ils n’en ont même pas conscience. Autant Philippe est réservé, autant Bernard est agité, envahissant. Dany Brillant est LA révélation de cette pièce, sa bonne surprise. On ne s’attendait pas qu’il soit aussi facile. Il peut envisager une jolie carrière sur les planches…

Les trois femmes sont elles aussi totalement dissemblables. Murielle Huet des Aunay, dans le rôle de Nelly, est parfaite. C’est un animal à sang froid. Elle est autoritaire, dirigiste, cassante, impitoyable. On comprend pourquoi Bernard va tout faire pour échapper à ses représailles… Juliette Meyniac apporte à son personnage d’Alice sa fragilité. C’est une femme vulnérable. Et on n’aime pas la voir souffrir inutilement à cause de ce mufle inconscient… Et Aude Thrion, elle donne à Soraya une image de Lolita insouciante et pas compliquée.

Honnêtement, j’ai beaucoup aimé cette pièce. J’ai été véritablement bluffé par la prestation impeccable de Dany Brillant… Je ne sais pas comment fait Eric Assous pour nous sortir aussi régulièrement des comédies parfaitement huilées, pas bêtes du tout, avec des dialogues fort bien troussés, de purs divertissements d’où l’on sort systématiquement avec un grand sourire aux lèvres. Il est vraiment le champion toute catégorie des histoires de couples.

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