vendredi 9 décembre 2011

Delphine McCarty dérape !


Théâtre de Dix Heures
36, boulevard de Clichy
75018 Paris
Tel : 01 46 06 10 17
Métro : Pigalle

One woman show écrit par Delphine McCarty, Michaël Quiroga et Eric Théobald
Mis en scène par Elie Semoun

Mon avis : Quelle adorable petite peste ! Tout au long de ce spectacle bien écrit et remarquablement interprété, Delphine McCarty nous apporte la confirmation que l’on peut à la fois être ravissante et drôle. Pour paraphraser ce cher Brassens, c’est « une jolie fleur dans une peau d’ vache ». Parce que pour y aller, elle y va la drôlesse ! Avec son air de sainte Nitouche, sa frimousse juvénile, ses grands yeux ronds et candides, son sourire enjôleur, elle n’a pas son pareil pour débiter des chapelets d’insanités avec un naturel confondant. Les termes les plus crus et les détails les plus osés nous paraissent moins choquants lorsqu’ils sortent d’une bouche aussi aimable et purpurine.

Delphine McCarty nous propose un bon vieux one woman show à l’ancienne, c’est-à-dire à base de sketches. Treize au total, à travers lesquels elle faut montre de qualités de comédienne hors pair. Parfaitement à l’aise, faisant ce qu’elle veut avec sa voix et avec son corps, elle nous propose une galerie de personnages qui, la plupart du temps, tutoient l’odieux, se délectent dans le cynisme, se complaisent dans la méchanceté, se vautrent dans la luxure… Des personnages peu fréquentables qui, s’ils n’étaient pas aussi brillamment interprétés par une jolie fille, nous seraient totalement abjects. Mais comme je l’ai précisé plus haut, son naturel teinté d’une bonne dose d’autodérision fait tout passer, rend tout digeste. Plutôt que de se sentir outré, on rit de bon cœur devant tant d’audace.

Pourtant, le sketch d’ouverture où elle apparaît revêtue d’une robe de princesse de taffetas rose et coiffée d’un diadème en toc m’a laissé dubitatif. Impression de déjà vu, de déjà entendu, accent du Midi et grossièretés gratuites en prime… Je me souviens avoir pensé « Bof, elle est très mignonne à regarder mais elle nous sert du Disney réchauffé ». Et puis, avec une logique imparable, après le premier sketch est venu le deuxième. Et là, le ton est devenu différent. Est-ce dû au changement de costume. Est-elle plus elle-même quand elle est en jeans et t-shirt ? L’habit ne fait pas la nonne mais il contribue dans son cas à plus d’authenticité. D’autant que ce deuxième sketch, que je qualifierai « d’exposition », préfigure pour moi ce qui va suivre et qui va aller crescendo. Elle y parle d’elle, se rit d’elle-même, aborde le second degré et se lance avec une saine ironie dans une étude comparative des séries télé américaines et françaises. On sent qu’elle parle de ce qu’elle connaît puisqu’elle est apparue dans une bonne vingtaine de téléfilms dont Julie Lescaut, Alice Nevers, Le Tuteur, Diane femme flic, Crimes en série… Elle a donc le droit d’avoir la quenotte dure.

Et c’est seulement à partir du troisième sketch qu’elle se met à camper les fameux personnages dont je parlais en préambule. Il y en a huit car trois d’entre eux (la caissière, la fille à l’enterrement et la représentante) réapparaissent pour notre plus grand plaisir une seconde fois, histoire d’en remettre une couche. Tous ces personnages m’ont vraiment plu, et certains encore plus, comme Zoé la nouvelle belle-maman désinvolte et perverse (un des mieux écrits) ou la « caillera » qui lui permet une subtile étude anthropologique du croisement inopiné de deux mondes et de deux cultures… Mais elles sont toutes formidables ces filles, la caissière qui pratique l’ingérence parce que ça lui permet d’exister, la maman dépressive, Elvire, la « copine » acide et vacharde, la représentante détestable, la bourge couguar en mal de sexe… C’est un gant de crin manié par une main de velours qui nous gratte agréablement la peau et nous fait frissonner d’aise. Débitées ainsi, ces dragées au poivre réussissent à avoir un goût de bonbon acidulé. De toute façon, sucer n’est pas tromper. Et ce spectacle est fort bien léché. On y sent la patte Semoun. Il a dû se régaler l’Elie à mettre en scène une aussi jolie poupée à l’apparence inversement proportionnelle aux insanités qu’elle débite. Mignonne, allons voir si la rosse…

Delphine McCarty est une teigne (il faut savoir qu’une teigne est aussi un joli petit papillon) qui se réjouit visiblement de nous embrouiller en mélangeant le fond et les formes. Le fond, elle le puise en piochant dans une veine d’humour noir. Quant aux formes, ce sera à vous de juger, bien qu’elle n’en abuse nullement. C’est en effet le mot « naturel » qui revient lorsqu’on essaie de la définir. En tout cas, sa fraicheur et sa simplicité lui permettent sans aucune réserve notre absolution. Puisse-t-elle « déraper" encore longtemps pour notre plus grande joie…

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