samedi 5 mai 2012

Meilleurs voeux

Théâtre Tristan Bernard
64, rue du Rocher
75008 Paris
Tel : 01 45 22 08 40
Métro : Villiers

Une pièce de Carole Greep
Mise en scène par David Talbot
Décor d’Agnès Marin
Musique d’Emmanuel Donzella
Avec Juliette Galoisy (Sandrine), Eric Guého (Antoine)

L’histoire : Qu’un homme choisisse le 31 décembre pour inviter une femme chez lui, cela n’a rein d’extraordinaire…
Ça l’est davantage lorsque cette femme ne le connaît pas et que les révélations qu’il compte lui faire vont bouleverser sa vie…
La rencontre de ces deux personnages fantasques fera l’effet d’une bouteille de champagne trop longtemps secouée.

Mon avis : L’intrigue – car c’en est une – repose sur une idée de départ vraiment originale. Dès le départ nous nageons en plein mystère. Quelles sont les raisons qui amènent ce sinistre Antoine à attirer Sandrine chez lui à quelques minutes de son suicide annoncé ? L’auteur va nous laisser mariner un bon moment. On a beau se creuser les méninges, on ne saisit pas les motifs de ce rendez-vous imposé. Et c’est tant mieux. Car c’est justement parce que la scène d’exposition est totalement énigmatique que l’on est d’autant plus attentif au jeu des deux protagonistes. Qui sont-ils ? Qu’est Sandrine par rapport à Antoine ?

Plantons d’abord le décor. Nous sommes indéniablement dans l’appartement d’un vieux garçon aux ressources modestes. Nous sommes en 2012, mais lui il est meublé façon années 50. Il vit encore dans le formica et son téléphone est une vieux machin en bakélite avec cadran à trous. Ce décorum nous aide bien sûr à cerner sa personnalité. Antoine est un loser. Il est complètement désabusé. Ça fait 35 ans que sa vie est d’un ennui mortel, si mortel d’ailleurs qu’il a décidé d’en finir en cette nuit du 31 décembre… Mais auparavant, il veut avoir un entretien avec Sandrine sur la messagerie de laquelle il a laissé une sorte d’ultimatum tout en lui déclarant son amour… On ne peut pas être plus sibyllin… Mettez-vous à la place de Sandrine lorsqu’elle prend connaissance de cet appel. Comme c’est une fille qui a du cœur, et bien elle va se rendre chez Antoine pour essayer de le convaincre de renoncer à son funeste projet…

Sandrine versus Antoine, c’est la confrontation de deux personnalités aux antipodes l’une de l’autre. Autant ce dernier est morose et désenchanté, autant elle est vivante, extravertie et un tantinet écervelée. Le choc ne peut donc qu’être frontal. A part qu’il y en a un qui SAIT et l’autre qui ne sait pas pourquoi et comment cet inconnu la connaît aussi bien… Ce ne sera qu’au moment de la révélation du secret d’Antoine que le rideau va se déchirer pour transformer la rencontre en duel.

Pour camper Sandrine et Antoine, nous avons affaire à deux excellents comédiens. Eric Guého, tout vêtu de noir, est sombre à souhait. Son jeu est très retenu, posé. Ses gestes sont empreints de cette sorte de mécanisme machinal qu’adoptent ceux qui ont abandonné. Il se dégage de lui une profonde mélancolie qu’aggrave en sus le poids de son secret… Juliette Galoisy, c’est tout son contraire. Elle est pétillante, volubile, spontanée donc gaffeuse ; son visage est extrêmement mobile et expressif. Chez elle, la grimace est une seconde nature. On sait tout de suite ce qu’elle pense et les gestes viennent aisément en appui. C’est surtout une vraie nature, formidablement comique. Elle n’a aucune barrière, elle y va à fond. Elle a tout pour être une victime, mais elle a tant de vitalité qu’elle outrepasse cette fatalité en croquant la vie. Evidemment, au vu de sa personnalité, c’est elle qui a hérité des dialogues les plus réjouissants. Plus Antoine est passif plus elle est animée.

Rien que pour cette opposition entre deux caractères, la pièce vaut le déplacement. C’est une comédie gentillette, qui repose sur un prétexte pas idiot du tout. Mais qui aurait peut-être le mérite d’être un peu plus resserrée car, au milieu, il y a une séquence qui m’a paru un peu longuette parce ce que trop bavarde. C’est un moment où, malgré la montée dans les décibels de Sandrine, ça se met à ronronner… D’ailleurs trop de cris tue la colère… Et puis, passé ce coup de mou, la pièce reprend son rythme et sa justesse, particulièrement avec un judicieux changement de décor à vue qui nous offre un nouvel angle de vision. Personnellement, je me serais passé de la chanson. Elle arrive comme un cheveu sur la soupe, elle brise le réalisme du propos, elle fait tomber la tension. Bien sûr, on comprend ensuite le pourquoi de cette virgule musicale, mais je n’ai pas aimé.

Ces quelques objections mises à part, j’ai néanmoins passé une agréable soirée grâce surtout au jeu de ces deux acteurs épatants. Avec mention spéciale pour la prestation pleine de drôlerie de Juliette Galoisy.

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