dimanche 6 mai 2012

Stone & Charden "Made in France"


Je voulais déjà chroniquer ce CD dès que je l’ai écouté tant je l’ai apprécié. J’ai un peu tardé et, hélas, la sinistre Camarde m’a pris de vitesse en emportant Eric Charden le 29 avril. Si bien que j’ai attendu un peu avant de dire tout le bien que je pense de cet album de reprises que Stone et Charden nous ont concocté.
Histoire de sceller les quarante ans d’existence de leur tandem artistique, Ils se sont en effet amusés (leur joie et leur plaisir de chanter sont évidents à l’écoute) à enregistrer neuf des duos qui ont marqué la chanson française. C’est un réel bonheur que de les retrouver tels qu’ils ont toujours été. C'est-à-dire, le timbre mélodieux, un brin nonchalant et nimbé d’humour d’Eric, associé à la voix pas toujours juste (mais c’est ce qui en fait le charme et la personnalité) mais pleine de sourire de Stone.

Ils se sont ainsi approprié quelques monuments.
Le CD commence par une reprise de J’ai un problème immortalisé par Johnny et Sylvie. La réflexion qu’Eric nous livre sur le livret prend son pesant d’émotion car à « J’ai un problème », il répond : « Moi aussi, mais c’est presque fini », faisant ainsi allusion à son cancer dont il espérait être enfin débarrassé… Ils font de ce titre, dont ils ont gommé toute gravité, une surprenante valse légère et bien enlevée, très agréable à entendre.
Ensuite, ils s’attaquent à Paroles paroles, dialogue qu’avaient échangé Dalida et Alain Delon. Stone, comédienne dans l’âme, y démontre qu’elle parle mieux qu’elle ne chante (je répète que cette remarque est dénuée de toute méchanceté, car sa fausseté, véritablement attachante, est son empreinte vocale). Quant à Eric, il se balade façon crooner sur la sobre et superbe rythmique d’un air jazzy-doux.
En troisième position apparaît Désir désir, duo offert par Voulzy à Véronique Jannot sur des mots d’Alain Souchon. Leurs voix se marient harmonieusement, se mélangent, s’entrecroisent sur un arrangement soft sans fioritures dominé par une caisse claire toute simple.

La suivante, Chanson sur une drôle de vie, est un clin d’œil affectueux de Stone à sa copine Véro (LA Sanson). La voix d’Annie se fait fragile, émouvante pendant que celle d’Eric se veut rassurante. C’est imparable et ça balance grave ! C’est un des plus beaux titres de l’album.
Puis, c’est au tour d’Eric de se faire plaisir en se glissant dans la peau de Gainsbourg en interprétant Dieu est un fumeur de havanes. Il le fait d’une manière plus chantée, moins en retrait que le Serge et ça lui va bien. Quant à Stone, elle partage les bouffées de clope et les « volutes bleues » avec un peu plus d’implication joueuse que ne l’avait fait Catherine Deneuve qui, il faut le reconnaître, est une piètre chanteuse.
Place ensuite à cette merveille de chanson qu’est la « renaldienne » Manhattan Kaboul. J’ai adoré l’original de Renaud et Axelle Red. La vraie vedette, ici, c’est la chanson, son climat et ce qu’elle exprime et décrit. Eric et Stone lui apportent leur patte et s’en sortent très, très bien. Meilleur chanteur que Renaud, Eric se permet même un petit passage en voix de tête très réussi.

Dans Joue pas, de François Feldman et Joniece Jamison, Stone et Charden supportent sans problème la comparaison. Comme Eric est quelqu’un qui adore contredire, il s’amuse comme un petit fou à jouer avec les intonations sur le leitmotiv « Joue pas ». De toute, façon, pour avoir eu le plaisir de le rencontrer et de l’interviewer à plusieurs reprises, il ne prenait pas la vie au sérieux. Il l’abordait avec une certaine distanciation et un feint détachement.
Ils ajoutent à leur florilège les kitchissimes Gondoles à Venise de Sheila et Ringo. Là, l’arrangement, complètement rock’n’roll (batterie et guitares intempestives) surprend une fois encore. On dirait qu’ils ont équipé le fameux esquif vénitien avec un moteur de hors-bord, comme s’ils étaient pressés d’arriver à bon port pour aller « au cinéma ». C’est une vision tout à fait originale de muscler cette chanson pour le moins mièvre.
Enfin, ils terminent avec Là-bas, une mélancolique mélopée signée Jean-Jacques Goldman, un petit bijou de douceur offert à la regrettée Sirima. Eric et Annie la chantent dans le souffle. Il se dégage de ce titre une infinie tendresse. C’est très, très, très émouvant.

Outre ces neuf duos, Annie et Eric, reprennent trois de leurs tubes, en les réorchestrant efficacement : Le seul bébé qui ne pleure pas, L’Aventura et Made in Normandie.
Ils concluent cet album avec une chanson inédite écrite et composée par Eric, Stone & Charden. C’est une forme de curriculum vitae, un résumé de leur couple, plein d’humour et d’autodérision. Ils l’ont habillée d’une sorte de bourrée sur laquelle ils scandent « Stone un peu blond, Charden un peu blême ». C’est bien de finir comme ça. Les chansons, elles, sont heureusement immortelles. Et on a tous en nous dans le cœur un peu de Stone et Charden…

PS : J’avais passé toute une après-midi chez Eric Charden en septembre 1993. Assis dans son fauteuil, il m’avait fait découvrir en s’accompagnant joué à la guitare une dizaine de chansons inédites. J’avais passé un super moment… Un peu plus tard, il m’a fait partager une de ses marottes : il peignait la carapace de tortues vivantes et il les offrait ensuite aux gens qu’il aimait. C’était aussi ça Eric Charden, un excellent compositeur et authentique poète. Il était souvent dans une autre galaxie…

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