jeudi 9 mai 2013

Alex Beaupain "Après moi le déluge"


Encensé par la critique, loué de partout, double-croché par Télérama, caressé par Le Monde et consacré par Paris Match… Bref, le passionné de chanson française que suis était avide de découvrir Après moi le déluge, le quatrième album d’Alex Beaupain. Pensez, un garçon bercé dans sa tendre enfance par les trois grands « B », Brassens, Brel et Barbara et qui cite pour références Souchon, Gainsbourg, Daho, Murat et Bashung, possède a priori tous les critères pour me séduire (il n’y a guère qu’Etienne Daho que je ne partage avec lui). Alors, ce sont les trompes d’Eustache largement ouvertes et l’esprit en appétit que j’ai glissé la précieuse galette sur ma platine.

Je me trouvais donc dans les meilleures dispositions quand ont commencé à s’égrener les premières mesures de Je peux t’aimer pour deux. Hélas, dès la deuxième phrase, mes oreilles se sont hérissées, écorchées qu’elles furent par l’irruption d’un  « E » incongru et détestable : « Ton amour(E) boiteux… ». Je me suis dit que c’était une petite erreur due à la nécessité d’un pied de plus mais, un peu plus loin, il réitère avec : « Je veux sentir(E) la laisse… ». Ça, c’était encore plus moche à ouïr !
Et pourtant, j’aime la voix, j’aime le texte,  j’aime la mélodie, j’aime les tapis de cordes et j’aime ce climat mélancolique. Mais ces deux « E » au plat m’ont gâché le plaisir.

Après moi le déluge, je la connaissais car elle a été abondamment diffusée sur France Inter. Elle a du rythme, elle rentre immédiatement dans la tête, elle est fort bien écrite avec son agréable petit lot d’allitérations. En plus, elle est légère, plutôt positive et pleine d’autodérision. C’est une vraiment belle chanson.

Et puis arrive Pacotille qui, après son début volontairement lancinant est boostée par un superbe arrangement qui tutoie le symphonique. Les mots sont bien troussés, les rimes en « ille » y sont quasiment toutes, mais… Mais voilà-t-y pas que l’Alex nous re-pond deux horrible « E », surtout le premier : « Plus c’est faux, plus c’est toc(que) », puis « Tu manqu’ de naturel(E) »… Nouveau désagrément !

Heureusement, Alex Beaupain pratique l’alternance. Pour écrire Ça m’amuse plus, il sa muse a amusé sa plume en lui offrant un florilège d’allitérations absolument délicieuses (« J’ai légué tous mes légos, mis au clou mon Cluedo », « Au diable les diabolos », « Cett’ pluie m’a plu et puis plus »)… Du grand art.

Quand je vous parle d’alternance. Je voudrais passer vite sur Vite car il s’y autorise un festival. Ce sont les « E » olympiques. Déjà que je ne suis guère friand de name dropping, il nous accumule ces affreuses sonorités : « Et tout court(E), mais toujour(E)s, pris de court(E), lourd(E)… Tous les jour(E)s… Mais hélas(SE) ». Oh oui, hélas, cent fois hélas. C’est vraiment trop disgracieux.

Oubliée la règle de l’alternance. Dans Contre le vent, il fait carrément l’omelette avec une douzaine d’« E ». Dès le début il nous titille le conduit auditif avec un vilain « lutter au corps à corp(E)s ». Suite de quoi, il se déchaîne : « Monter sur le ring(UE), « Quand je fais le forcing(UE) ». Maintenant qu’il est bien chaud, il nous assène sans vergogne deux rimes improbables : « Huit(E) » avec « Quitte », puis « Cinq(UE) » avec « Trinque »… C’est pratique, mais c’est pas beau ! Du coup, difficile d’apprécier cette chanson pourtant intelligemment écrite avec ses métaphores sur le monde de la boxe.

Même chose avec En quarantaine. J’ai aimé cette ambiance pleine de nostalgie, ce piano-voix et les belles images que cette chanson véhicule. Mais il s’est encore laissé aller par deux fois dans son fâcheux travers en ajoutant des « euh » à « Mis à l’écart(E) » et à « Il se fait tard(E) »…

J’ai tellement apprécié les paroles et la mélodie (signée Julien Clerc) de Coule que je ne m’attarderai sur le seul avatar (« Trouver près du cœur(E) ») que contient cette chanson fort efficace.

Décidément Alex a du mal avec les rimes en « are »… Grands soirs, peut-être, mais petite chanson banale. Avec Vite, elle est pour moi une des deux moins bonnes de l’album. Par quatre fois (normal, c’est le titre), il nous impose « Que reste-t-il de nos grands soir(E)s ? », tout en nous infligeant « Ta peau de léopard(E) » et « Ranger dans un tiroir(E) »… Ça fait beaucoup.

Avec Profondément superficiel, j’ai décroché avant la fin. Même son écriture savoureusement imagée et sa mélodie guillerette avec ses fulgurances big band n’ont pas pu me retenir. Après une demi-douzaine d’« E », j’ai craqué : « Rien ne ressort(E)… Ni pierr’ ni or(E)… Vidé de l’essentiel(E), profondément superficiel(E)… Rien à l’intérieur(E)… D’ailleurs(E)… »

Evocation du temps qui passe, Je suis un souvenir est un des textes les plus profonds de l’album. J’ai adoré. Mais il est difficile d’occulter ces satanés « Je suis une souvenir(E) » et le vilain « En octobre et an août(E) ». C’est prodigieusement agaçant.

Baiser tout le temps m’a énormément plu avec son parti pris de pseudo romantisme. C’est bien dit, bien formulé, profondément honnête, terriblement masculin. C’est très habile de terminer sur cette injonction…

En résumé, Alex Beaupain a largement sa place dans le peloton de tête de nos chanteurs actuels. Il possède une belle voix chaude, une diction parfaite, son écriture est forte et joliment imagée, les thèmes qu’il aborde s’adressent au plus grand nombre, ses mélodies sont efficaces et les arrangements plutôt chiadés.
Mais il y a une chose que je ne comprends pas. Il y a des gens autour de lui, en studio ou ailleurs, qui écoutent ses chansons. Et personne n’a été capable de lui faire remarquer que la sonorité de tous ces « E », qui ne sont même pas muets, est un sacrilège pour tous les amoureux de notre belle langue. Il faudrait y veiller à l’avenir…
Tonton Georges (Brassens) a dû se retourner sept(E) fois dans sa tomb(euh) de Sèt(euh).

2 commentaires:

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