jeudi 12 février 2015

Tano


Le Point Virgule
7, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie
75004 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Hôtel de Ville

Ecrit par Tano
Avec la collaboration de Patrice Costa et Thomas Gaudin

Présentation : Quel est le rapport entre un chasseur nationaliste corse, une prostituée avant-gardiste acrobate, un flic de la Bac rappeur et un clochard salarié à la Française de jeux ?
C’est Tano…

Mon avis : Tano… Ah, Tano. Quel personnage ! Je l’ai découvert il y a quatre ans. Avec son univers bien à lui, sa façon de bouger, son phrasé particulier, il se démarquait déjà des autres humoristes. Mais il se cherchait encore. Il était à la croisée des chemins, cherchant sa voie. Il avait trop de cordes à son arc pour définir quelle serait sa cible. Petit à petit, multipliant les expériences dans différents festivals et sur quelques scènes parisiennes, il a fini par se prendre au jeu et à trouver sa place. Et, surtout, à décrocher une réelle légitimité. Tano est un Humoriste, avec un grand « H ».
Aujourd’hui, maintenant qu’il commence à croire en son talent (il a fallu que ses proches lui serinent souvent qu’il en avait), il a pris confiance en lui. Et le résultat est époustouflant. Le fait que ses deux grandes passions soient la musique (il est batteur) et le cinéma (il a fait le cours Florent), se synthétise lorsqu’il est sur scène : il possède toute la palette de jeu d’un acteur consommé et il y ajoute un sens du rythme et de la rupture propre aux percussionnistes…


Il a désormais une maîtrise parfaite de son personnage. Le cheveu hirsute, la barbe sauvage, la démarche nonchalante, il n’est visiblement pas là pour se la raconter, mais pour NOUS raconter des histoires dans lesquelles il nous fait rencontrer quelques personnages particulièrement gratinés. Ce qui est bien, c’est que, entre chaque sketch, il part dans des réflexions personnelles, des digressions le plus souvent propices à des vannes décapantes. Il peut aussi bien évoquer sa crise de la quarantaine que revendiquer son amour de l’argent, aborder un sujet aussi délicat que la zoophilie, ironiser sur les sites de rencontre et se complaire à asséner des contre-vérités qui nous rendent tout réjouis. Comme il se moque beaucoup de lui-même il peut se permettre de déglinguer n’importe qui. C’est une sorte de tireur d’élite, un sniper, dont chaque projectile, uniquement utilisé à bon escient, fait mouche à tout coup.


Tano est un métis. Il est le résultat d’un mélange marseillais et corse. Mais, à l’évidence, les globules de son sang insulaire ont un tantinet bouffés les phocéens. Raison pour laquelle son spectacle est si corsé. S’il était un arbuste du maquis, il serait à n’en pas douter un calicotome spinosa, un calicotome épineux. Car pour piquer, il pique ! Toutefois, comme il est très, très joueur, il ne pique pas pour faire mal ; certes, ça peut parfois blesser. Mais il a une telle façon, presque désinvolte, de planter ses épines, qu’on lui pardonne tout. Même quand il lui arrive de se montrer féroce (et ça arrive souvent), on sent qu’il ne possède pas une once de méchanceté. On rit de bon cœur, sans gêne, sans arrière-pensée. D’ailleurs, quand il va très loin dans le corrosif, ça le fait rire aussi. Il arrive qu’il se fasse huer par le public féminin. Mais il n’y peut rien, c’est son personnage, l’Oncle Antoine, misogyne assumé, qui est comme ça. Lui, Tano, il n’y est pour rien. Pareil lorsque des « Oh » horrifiés retentissent parfois. Il n’est pas responsable non plus des mots utilisés par un rappeur. Même si ce rappeur est un flic de la Bac.


Ses personnages. Parlons-en de ses personnages. Ils sont au nombre de six. Tous plus hauts en couleurs les uns (ou les unes) que les autres. Ils sont aussi remarquablement dessinés qu’interprétés. Les textes sont ciselés et le jeu est d’une qualité absolue. Le « clodo bingo » est un véritable délice d’humour noir doublé d’une leçon de vie édifiante sur les travers humains… L’oncle Antoine, avec son superbe accent corse et des borborygmes, est tellement savoureux et tellement réaliste qu’il rend toute la salle hilare… Le texte du flic rappeur est un petit bijou de parodie qui permet à Tano de se lâcher avec une gestuelle appropriée pas si caricaturale que ça finalement… Je ne dévoilerai rien de plus de la copine Sophie et de sa tête à la Bogdanov… Pour moi, la péripatéticienne égrenant son échelle tarifaire est un sommet de drôlerie. Une véritable prouesse, tant dans son écriture que dans sa déclamation. Un très grand moment !… Et enfin, le fameux sketch du nationaliste corse, élevé au rang de « tube », ne se présente plus tant il est abouti. On dirait un extrait de film.

Tano… Ah, Tano ! Vous l’aurez compris. Le seul en scène de Tano nous fait rire sans répit du début à la fin. Parfaitement structuré, il ne fait que monter en puissance… Avec ce Corse-là, on est Maure de rire.


Gilbert « Critikator » Jouin

Aucun commentaire: