lundi 23 mars 2015

Les Grandes Filles

Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce de Stéphane Guérin
Mise en scène pr Jean-Paul Muel
Décor d’Edouard Laug
Lumières de Laurent Béal
Son d’André Serré
Costumes de Brigitte Faur-Perdigou
Vidéos de Mathias Delfau
Avec Geneviève Fontanel (Madame Khader), Judith Magre (Madame Xénia), Claire Nadeau (Madame Yvonne), Edith Scob (Madame Zakko)

L’histoire : Tiens, voilà quatre femmes que l’on va suivre pendant toute une année, chez les unes, chez les autres, au bal des Pompiers, dans la rue, dans un square. Elles ont un âge certain, elles se rendent visite, elles râlent, elles attendent, elles reproches, elles chavirent, elles tombent, elles soupirent, elles rigolent, elles se plaignent, elles s’en veulent, elles se détestent, elles s’aiment, elles s’envoient des mots à la figure comme des boxeurs, s’’envoient des uppercuts… Elles sont vivantes !
Quatre femmes d’origine et de culture différentes – aux regards pas tendres, mais pas froids non plus – dessinant une humanité singulière.

Mon avis : Quatre « grandes filles », quatre vies, quatre caractères, quatre solitudes, quatre saisons et quatre couleurs…
Madame Xénia (Judith Magre) est en rouge. Elle est juive, lucide et féroce… Madame Zakko (Edith Scob) est en rose. Elle est témoin de Jéhovah, fragile et évaporée… Madame Yvonne (Claire Nadeau) est en mauve. Elle est catholique, communiste, lesbienne et épicurienne… Madame Khader (Geneviève Fontanel) est en vert. Elle est musulmane, kabyle, sensible, humaine et fataliste…
Comme les Mousquetaires, elles sont quatre. Athos pourrait être Edith Scob, Porthos Judith Magre, Aramis Geneviève Fontanel et D’Artagnan Claire Nadeau… Mais la comparaison s’arrête là, hormis peut-être une aptitude à se quereller à fleurets pas toujours mouchetés.


Nous suivons leurs rencontres fortuites ou provoquées tout au long d’une année. Les mois défilent, illustrés par des projections (on voit la nature qui change), agrémentés par les sons du dehors (chants d’oiseaux par exemple), et ponctués par des dates symboliques (Saint-Valentin, Fête des Mères, 14 juillet…). C’est sans doute leurs différences qui les a fait ainsi se rechercher et s’unir. Ce sont quatre femmes seules qui ont besoin de la présence et du réconfort des autres. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’envoyer parfois ses quatre vérités (« quatre » là aussi). Comme ce sont de « grandes » filles, elles ont beaucoup vécu. Elles ont donc beaucoup de souvenirs, d’expériences et quelques regrets. Plus personne, ou presque, autour d’eux pour les écouter, alors il y a les oreilles des copines pour recueillir les confidences, les petites joies et les grandes peines. Ce n’est pas les religions qui les rassemblent. Aucune n’a la même. Ce serait même plutôt un sujet de taquinerie.
Elles ne l’avoueraient jamais, mais leur solitude est une liberté contrainte. Elles ne sont pas méchantes, mais il leur arrive régulièrement de se montrer crues et cruelles. Quand on se sait au bout du chemin, l’humour noir devient un refuge spontané. En fait, elles sont banalement humaines. Elles se critiquent, s’envoient des vacheries et, en même temps, se montrent pleines de sollicitude dès que l’une d’entre elles présente des signes de faiblesse.


Une pièce comme celle-ci pourrait durer des heures car, tant que leur cœur battra, ces quatre femmes auront quelque chose à dire. Elles ont des conversations à l’emporte-pièce teintées d’idées reçues et d’a priori. Elles ne se font plus de cadeaux parce qu’elles se sont déjà fait le plus beau d’entre eux : leur amitié. Plus de fausse pudeur, plus de faux semblants, on se présente telle qu’on est. A quoi servirait de tricher, personne ne serait dupe.

Les Grandes Filles est une jolie comédie de la vie plus douce qu’amère. Si elles nous font parfois nous offusquer sous la verdeur de leurs propos, elles provoquent surtout en nous un sourire ou un rire pleins de tendresse. C’est qu’elles sont terriblement attachantes et touchantes ces vieilles dames qui ne sont même pas indignes.
Les quatre comédiennes sont parfaites tant dans leurs différences de physiques, de jeu, d(attitudes, de voix. Quel bonheur pour nous que de les avoir réunies. Que de sensibilité, que de malice, voire de rouerie, que de finesse, que de métier ! On en reprendrait bien une année de plus en leur charmante compagnie…


Gilbert « Critikator » Jouin

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