jeudi 11 juin 2015

Jean-Pierre Coffe "Une vie de Coffe"

Editions Stock
20 €


Tout est résumé page 275 de son ouvrage :
« J’ai énormément travaillé. Sans mérite, j’aime ça. Sans doute trop, probablement dans la précipitation. J’ai accumulé les expériences, dans des domaines très différents, la télévision, la radio, l’écriture, la gestion de restaurants, les miens et ceux qui ne m’appartenaient pas. J’ai payé une partie de mes dettes. Jusqu’à présent la chance, l’amitié sincère de quelques fidèles, m’ont accompagné, soutenu, aidé – et cela compense, un peu, le fiasco de ma vie privée ».

Cela fait une quinzaine d’années que je connais Jean-Pierre Coffe. Je l’ai interviewé à plusieurs reprises. C’est un homme que j’ai tout de suite apprécié et aimé. Allant parfois très
loin dans la confidence, j’avais rapidement décelé en lui quelques fêlures, une certaine fragilité qu’il n’acceptait de révéler que dans le face-à-face et dans un climat de confiance.
Je n’ai donc pas été du tout surpris par la teneur de son autobiographie. Même si j’ai appris beaucoup de choses qui n’appartiennent qu’à son extrême intimité.
Jean-Pierre Coffe s’est construit sur des manques. Et c’est là une véritable prouesse. Son enfance a été difficile. Il lui a surtout manqué les deux piliers sur lesquels tout gamin peu se construire : la présence d’un père (le sien a été tué à la guerre quand il avait 2 ans) et une absence quasi totale d’affection d’une mère plus préoccupée par ses amours compliquées. Les deux seules personnes chez lesquelles il a pu glaner de la tendresse ont été son grand-père Victor (très important parce qu’il lui a inculqué sa passion de la nature) et sa mémé Briquet… Sinon, côté sentiments, ce ne fut qu’aridité.

Jean-Pierre Coffe a donc dû ne compter pratiquement que sur lui-même. Il s’est fait tout seul. C’est ce qui explique l’homme qu’il est devenu.
Jean-Pierre Coffe est indépendant et vulnérable ; modeste et orgueilleux ; provocateur et mélancolique… Complètement sincère et épris de vérité, il possède un caractère entier, une grande franchise et une absence totale de langue de bois. Il a été tout le temps tendu vers l’objectif quasi obsessionnel de se prouver des choses à lui-même autant qu’aux autres. Cette boulimie de travail, ses excès n’ont été qu’une longue fuite en avant, un refuge, une compensation à ce foutu manque d’amour chronique.
Son livre est à son image. C’est le récit d’une riche et dense trajectoire humaine dont il ne peut et ne veut réellement pas s’enorgueillir parce qu’il y a toujours en lui un arrière-goût amer d’inachevé. Et pourtant, quel parcours hors norme vous avez accompli Monsieur Coffe !


Si l’on excepte quelques longueurs provoquées par son soin méticuleux du détail, de la précision et une certaine propension au lyrisme et à l’enthousiasme (surtout quand il parle de gastronomie), Une vie de Coffe se lit avec beaucoup de plaisir et d’émotion. Il y a tout dans cet ouvrage. Il nous en apprend beaucoup sur l’âme humaine. Il nous fait aussi pénétrer dans les cuisines pas toujours ragoûtantes du monde de l’audiovisuel et des médias. Jean-Pierre Coffe, sans complaisance aucune, nous y livre ses quelques inimitiés et déceptions, mais surtout les amis et amies qui l’ont accompagné, aidé et aimé tout au long de son parcours effervescent, empli d’ombres et de lumières, et ponctué de formidables succès et d’échecs retentissants.
Il y avait au cœur de ce petit Lorrain négligé et transbahuté, nanti d’un simple certificat d’études, un terreau incroyablement fertile dans lequel il a su faire germer son inextinguible soif de connaissances. Jamais dupe de rien, il a taillé sa route, y compris en empruntant moult chemins de traverse où sa curiosité ou son insouciance le guidaient. Bien qu’il n’en fasse rien, il peut vraiment se montrer fier de lui.

Il est, de toute façon, le mieux placé pour apporter sa conclusion. Elle se trouve page 294 :
« A y réfléchir plus avant, je dois bien en convenir. J’ai aussi besoin qu’on m’aime, qu’on m’apprécie, j’ai jusque-là été frustré de reconnaissance. Ni mon épouse ni ma mère ne m’ont donné ce sirop dont inconsciemment j’ai besoin pour avancer. »
Pourtant, je suis bien tranquille : je suis convaincu que Jean-Pierre Coffe compte beaucoup plus d’admirateurs que de détracteurs. En même temps, il y tient à ces détracteurs. Ils lui ont involontairement apporté un surcroît de notoriété…


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