samedi 31 octobre 2015

L'Autre Galilée

Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Tel : 01 45 44 57 34
Métro : Notre-Dame des Champs / Vavin / Saint-Placide / Edgar Quinet

Ecrite et interprétée par Cesare Capitani
Mise en scène par Thierry Surace
Lumière de Dorothée Lebrun
Costume de Vjollce Bega
Musique d’Antonio Catalfamo
Décor et accessoires de Ségolène Denis

Présentation : L’Autre Galilée est le portrait inattendu et surprenant du grand savant italien Galileo Galilei. Vous allez découvrir un homme drôle et passionnant, malin et subversif, qui toute sa vie s’est battu pour la liberté de pensée, pour la séparation entre science et religion. Un Galilée inédit et moderne qui a émis des affirmations bien plus dérangeantes et violentes que la célèbre phrase « Et pourtant, elle tourne ».

Mon avis : Une fois encore Cesare Capitani m’a emmené au ciel. Au propre comme au figuré car comment ne pas s’envoler dans le cosmos lorsqu’on a le plaisir et le privilège de partager un peu plus d’une heure avec un passionné comme Galilée…
Déjà, quand il avait dépeint la vie ô combien tumultueuse du peintre Caravage, il m’avait enthousiasmé et ému par sa totale implication. Il récidive cette fois mais dans un registre diamétralement différent. Ici, il n’est plus question de folie, de débauche et d’excès en tout genre, nous sommes dans une rigueur toute mathématicienne. Et ce portrait va encore plus loin car il dénonce aussi les dysfonctionnements spirituels d’une époque…

Hier soir, le Paradis était plein comme un œuf. Le « Paradis » est le nom de la petite salle située au tout dernier étage du Lucernaire. Tout un symbole car nous nous trouvions ainsi plus près des étoiles et d’une lune qui nous avait la faveur de s’afficher pleine. La force de ce spectacle c’est qu’il est dépouillé de tout artifice. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous focaliser et de nous concentrer sur la prestation et le discours de Cesare Capitani. Cet artiste est un être singulier ; « singulier » dans le sens « étonnant, qui se distingue des autres, qui sort de l’ordinaire »… Lorsqu’il s’approprie un personnage, il ne se contente pas de le jouer, il l’habite, il le vampirise et il le devient. Il l’EST !


Ce doit être un grand bonheur pour un Italien que de camper un de ses plus illustres compatriotes. Quel investissement aussi que de rentrer dans la peau et dans la tête de cet immense savant et de faire à la fois revivre devant nous les plus grands moments de son existence et réaliser l’importance de son travail et de ses découvertes.
Le mot « autre » dans le titre du spectacle est loin d’être anodin. Cesare Capitani nous révèle des aspects pas très connus de l’homme. On en apprend beaucoup sur son caractère. Galilée était tout le contraire d’un illuminé ou d’un visionnaire. C’était un vrai scientifique, un rationnel. Il était très ambitieux, intrigant, malin, redoutablement intelligent, terriblement (mais légitimement) orgueilleux. Il avait en lui l’insolence de ceux qui savent et qui sont sûrs de ce qu’ils savent car ils peuvent le démontrer à grands renforts de chiffres et d’éléments concrets intangibles. D’ailleurs Cesare/Galileo se livre devant nous à des expériences physiques et à des démonstrations qui valent mieux qu’un long développement.

La face la plus inattendue de Galilée, c’était son côté rebelle, subversif même. Ce chantre de la Liberté était très en avance sur son temps dans tous les domaines. Tant dans sa vie privée que dans ses recherches mathématiques et astronomiques. A partir de là, il était hélas inévitable que l’Eglise s’intéresse particulièrement à lui. Quel que soit l’immensité de son orgueil, lorsque la sinistre Inquisition se penche sur vôtre cas, vous décrète hérétique et vous menace du bûcher, on ne tire pas beaucoup de plans sur la comète : on transige et on sauve sa peau en abjurant. Mais on n’en pense pas moins.
C’est l’éternelle opposition – surtout à cette époque (le début du 17è siècle) – entre la science et la théologie, la raison et la foi. On ne peut pas lutter contre les interprétations dogmatiquement rigides de la Bible et des Saintes Ecritures. On s’aperçoit que, finalement, les choses n’ont pas beaucoup changé puisque, aujourd’hui, ce sont les interprétations subjectives du Coran qui ont engendré l’extrémisme…


Dans un jeu de lumières savamment orchestré, Cesare Capitani nous livre un Galilée captivant, vibrant, souvent drôle, mais surtout très lucide. Quel comédien ce Cesare. Sans jeu de mot, il est carrément impérial. Complètement latin, doté d’un charisme naturel, viril et beau, le regard de braise, il nous offre un texte remarquable, explicatif et au vocabulaire riche et imagé. Dès le début, il nous happe par sa flamme, sa passion, sa force de conviction et nous captive avec son aptitude troublante à faire (re)vivre son personnage, son héros (car s’en est un).
Si vous voulez assister à un grand moment de pur théâtre, précipitez-vous vite au Paradis du Lucernaire, une étoile y brille de mille feux.


Gilbert « Critikator » Jouin

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