mercredi 7 octobre 2015

Mes parents sont des enfants comme les autres

Théâtre Saint-Georges
51, rue Saint-Georges
75009 Paris
Tel : 01 48 78 63 47
Métro : Saint-Georges

Une comédie écrite et mise en scène par Renaud Meyer
Décors d’Antoine Fontaine et Audrey Vuong
Lumières d’Hervé Gary
Costumes de Camille Duflos
Musique de Xavier Bornens
Avec José Paul (Philippe Baudrillard), Gladys Cohen (Nicole Sitbon), Rudy Milstein (Serge Sitbon), Marie Montoya (Stéphanie Baudrillard), Guilhem Pellegrin (Robert Sitbon), Loïc Renard (Arnaud Baudrillard)

Présentation : Arnaud Baudrillard juge ses parents trop cools. Ils ne pensent qu’à faire la fête et s’amuser avec leurs copains. Lui rêve de devenir expert-comptable. Alors, il s’évade pour les vacances à Juan-les-Pins, chez son ami Serge Sitbon, afin d’y trouver une vraie famille. Mais les parents de Serge ont perdu, eux aussi, les rituels et les règles dont rêve leur fils, qui projette de partir vivre en Israël er devenir rabbin. Les deux ados découvrent brusquement que leurs parents sont de grands enfants auxquels il faut encore tout apprendre…

Mon avis : Jean Cocteau a écrit Les Enfants terribles en 1929, puis Les Parents terribles en 1938, comme quoi le relationnel parents-enfants et réciproquement, est un problème qui a toujours existé, bien avant Cocteau, et qui existera toujours. C’est la vie… Cette pièce ne va pas néanmoins jusqu’à se ranger du côté d’André Gide en proférant un péremptoire « Famille, je vous hais » quoi que…
Quoi que, à un moment où il est totalement dépassé par les événements, Philippe Baudrillard (José Paul) va jusqu’à proférer sa détestation de la famille. En fait, c’est là un cri provoqué par son impuissance à gérer une situation devenue incontrôlable. En effet, depuis cette funeste soirée où son épouse et lui ont oublié l’anniversaire de leur grand fils, leur petite existence peinarde et insouciante va dégénérer, allant de Charybde en Sylla… Devant les reproches du fiston, il était déjà allé jusqu’à se fendre d’un « On peut avoir des enfants sans créer une famille », affirmation parfaitement assumée qui ne souffrait pas de contestation.

Ils sont marrants les parents Baudrillard. Ce sont des post-soixante-huitards attardés. Ce sont des fêtards, ils lèvent joyeusement le coude, fument des pétards ; elle porte des robes héritées de la génération peace and love et lui est une sorte de baba-cool qui vit une relation passionnée avec son ukulélé. Vous comprenez donc qu’ils tombent de très haut lorsque leur fils, Arnaud, après s’être déclaré mal aimé, ignoré, leur annonce sa décision de devenir… expert-comptable ! Et, histoire de concrétiser tout à fait sa rébellion, il refuse de partir pour la énième fois en vacances avec eux à La Rochelle, préférant aller rejoindre son ami Serge Sitbon et sa famille à Juan-les-Pins.

Voici donc le préambule de Mes parents sont des enfants comme les autres. Stéphanie et Philippe Baudrillard sont deux irresponsables attachants qui n’ont pas vu se creuser un abîme entre eux et leur fils. Quand commence la pièce, il est superflu de tenter d’ériger ne serait-ce qu’une petite passerelle pour essayer de renouer le contact. José Paul et Marie Montoya sont parfaits en « parents » à côté de la plaque. Cette dernière possède une présence comique époustouflante avec son lot de mimiques et un timbre de voix qui n’appartiennent qu’à elle (j’adore ses larges sourires innocents et ses regards en biais). Quant à José Paul, il confirme de pièce en pièce une aisance et un professionnalisme sidérants. Il excelle dans les comédies parce qu’il a toujours le ton et l’attitude justes, sans jamais forcer le trait.


Pour que le plateau de la balance de cette pièce soit équilibré, il fallait que le couple placé en face d’eux puisse dégager une force comique similaire. Le duo Gladys Cohen/GuilhemPellegrin, dans un tout autre registre, est lui aussi épatant. Elle, elle incarne la femme et la mère juive dans toute sa flamboyance, dans toute son exubérance immodérée. On comprend qu’elle fasse un peu peur à son Robert de mari. Lui, pour avoir la paix, abonde toujours dans son sens. Jusqu’au moment où il va faire la rencontre de Philippe Baudrillard…
D’ailleurs la confrontation entre les deux couples va faire grimper la pièce dans un délire paroxysmique. C’est le choc frontal de deux cultures. Un antagonisme dont ils ne pourront se sortir qu’à grands coups de compromissions réciproques.

On n’arrête pas de rire dans cette comédie familiale. Même si parfois les ficelles sont un peu grosses, même si certaines scènes font plus que friser la caricature, on s’amuse beaucoup à les voir se dépêtrer dans le guêpier dans lequel leurs deux fils les ont fourrés. Car autant les parents s’agitent, se démènent, se découragent, invectivent, jouent en vain de leur autorité putative, autant les deux rejetons restent impassibles, droits dans leurs bottes. Ils suivent paisiblement la ligne qu’ils se sont fixée. Pourtant, ils n’imaginent pas un seul instant que cette ligne va les mener là où ils ne supposaient jamais aller : sur les pas de leurs propres parents !
Dans le rôle d’Arnaud, j’ai découvert en Loïc Renard un comédien prometteur. Quant à Rudy Milstein, qui campe le très religieux Serge Sitbon, avec sa nonchalance, et son grand sourire désarmant, je l’ai retrouvé tel qu’il m’avait enchanté dans Les malheurs de Rudy.

Pièce drôle et sympathique, Mes parents sont des enfants comme les autres diffusent toutefois quelques messages qui sont loin d’être anodins. Particulièrement sur les diktats et les asservissements qu’impose une religion lorsqu’on veut la suivre et l’appliquer dans son moindre détail dogmatique. Leur accumulation à un moment de la pièce provoque un grand réflexe d’hilarité.


Gilbert « Critikator » Jouin

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