vendredi 6 novembre 2015

Michel Drucker "Une année pas comme les autres"

Editions Robert Laffont
21,50 €


Le texte de présentation qui figure sur la quatrième de couverture de Une année pas comme les autres commence par cette phrase : « Michel Drucker change »…
Pour moi, il ne « change » pas, il continue tout simplement à évoluer. L’homme est toujours resté le même, mais il s’est continuellement enrichi de rencontres et d’expériences qui l’ont amené à être celui qu’il est aujourd’hui. Et, je prends tous les paris que, l’an prochain, il sera encore différent parce qu’encore plus libre et plus fort d’un tout nouvel exercice, le seul en scène. Et je vous fiche mon billet qu’il nous réserve encore d’autres surprises pour l’avenir…
Après une quinzaine d’interviews officielles et de quelques entretiens privés, j’ai appris à la connaître. Et, en toute sincérité, plus je le pratique, plus je le comprends et plus je l’estime.

Une année pas comme les autres… En cinquante ans de carrière, je pense qu’aucune des années qu’il a vécues professionnellement n’a été semblable à la précédente.
Mais il est vrai que ce livre millésimé 2014-2015 est particulier. Il est surtout touchant. Touchant parce qu’il est vrai, parce qu’il est de l’ordre de l’intime et parce qu’il est dénué de tout artifice et très peu encombré de paillettes. Michel Drucker s’y exprime en toute franchise ; un peu comme s’il pensait tout haut et nous faisait part de ses réflexions.


Ce livre témoigne du quotidien d’un homme qui a presque toujours été obsédé par le travail et le désir de rendre la copie la plus propre, la plus parfaite possible. C’est le réflexe d’un ancien cancre. En échec scolaire, il a considérablement souffert de la comparaison avec deux frères particulièrement brillants. Alors, quand il a été en mesure de travailler, il n’a eu de cesse que de prouver. Il a bossé, bossé, bossé, de la façon la plus scolaire qui soit. Heureusement, il avait reçu un sens des valeurs qui allait le servir tout au long de sa carrière. Il l’explique dans son livre : « Abraham, (NDLR : son père) tout en me hurlant dessus parce que je n’apprenais rien à l’école, m’a enseigné l’humain »…
Tout Michel Drucker est défini en ce mot. Il est en empathie chronique. Une qualité indispensable lorsque, comme lui, on pratique un métier qui est basé sur la relation humaine, sur l’écoute de l’autre. En fait, ce sont là les qualités que l’on attend d’un médecin, profession de son père et de son frère Jacques. Michel possédait en lui dès le départ les aptitudes intellectuelles ; il ne lui manquait plus que ce formidable ingrédient déclencheur qu’est la passion pour qu’il puisse, les extérioriser et les exprimer.

Cet ouvrage relate les 365 jours d’un homme toujours pressé, toujours occupé, toujours sollicité, et bien content de l’être. On a l’impression que, s’il cessait soudain d’être en mouvement, il se figerait instantanément et tomberait en poussière. Même la nuit, il cogite. Chez lui, l’hypocondrie et l’angoisse sont deux des principaux moteurs. Il en a fait des alliées, des forces. C’est que, aujourd’hui, il se connaît bien, le bougre !... Il suffit de lire ce qu’il écrit page 47 dans le chapitre dédié à Isia : « Cette chienne est à la fois solide et fragile… comme son maître ». Pas besoin d’épiloguer.


Je ne veux pas tout dévoiler de Une année pas comme les autres. Il aborde tant de sujets qui lui sont à la fois très personnels et d’autres qui appartiennent au domaine plus public. Il est truffé d’anecdotes, d’analyses, de révélations. Il y exprime ses convictions autant que ses doutes. Et surtout – j’y reviens – il est essentiellement tourné vers l’humain. Il prône la bonne éducation, la courtoisie (passage consacré à Gad Elmaleh) et, avant tout, à la culture et à l’entretien de l’amitié avec cet émouvant fil rouge qu’est sa relation avec un Michel Delpech qui se sait condamné par la maladie ; il y a aussi ces très belles pages autour de Jean-Pierre Adams ou celles rapportant sa fréquentation des hôpitaux. Car Michel Drucker est un cas « clinique » dans le sens figuré du terme. En toute logique, grâce à ses connaissances acquises auprès des plus grands professeurs, il est devenu le médecin du PAF. Il possède dans ce domaine une érudition incroyable. Il connaît ainsi par cœur le glossaire des médicaments. Si bien que ses diagnostics, très, recherchés et font autorité.
Il y a également, mais je n’en dirai pas plus car il faut « l’écouter » le raconter : ce bouleversement qui n’est intervenu qu’au cours de cette « année pas comme les autres » : la prise de conscience de sa judéité.

En conclusion, ce livre est la transposition et le reflet d’une vie unique, incomparable. Celle d’un homme qui nous accompagne quasiment au quotidien depuis un demi-siècle ; un homme qui a su rester simple, honnête et réellement modeste…
L’ancien cancre est devenu aujourd’hui, presque malgré lui, mais en toute légitimité, une véritable institution. Tel est Michel Drucker… Télé Drucker !


Gilbert « Critikator » Jouin

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