vendredi 13 novembre 2015

Valérian Renault "Laisse couler"

Abacaba / Musicast
Sortie le 6 novembre 2015

Voici là de la belle et bonne chanson française ! Et c’est bien réjouissant.
Dans Laisse couler, l’album de Valérian Renault, il y a tout ce qui fait la richesse de notre patrimoine : une belle langue avec des mots ciselés et précis servie par une diction parfaite, une voix chaude et rauque, très en avant, aux multiples inflexions, tour à tour caressante, tendre, indignée, révoltée, et des mélodies prenantes aux arrangements sobres mais classieux faisant la part belle à l’utilisation des cuivres… Il y a dans cet album habité, investi, remarquablement interprété, tout pour plaire à qui sait écouter, à qui aime se laisser surprendre puis séduire.
Voici, pour chaque titre, ce que j’ai noté à la volée, spontanément, sans aucun exercice de style. Rien que du ressenti…


1/ A l’enfant. Chanson réaliste mais optimiste et encourageante. Il faut vivre sa vie en espérant de beaux lendemains, savoir sortir de l’enfance sans trop d’encombres. Surtout si vous grandissez avec certaines différences handicapantes… En même temps, Valérian Renault ne se montre pas angélique pour autant. La vie n’est pas facile. Mais si l’on fait de ses faiblesses une force, si on sait se battre et s’imposer, tout est possible… Chanson rassurante.
2/ Joueuse. Dénonciation et rejet des ces « joueuses », de ces filles qui s’amusent avec les sentiments des autres. Par leurs comportements, elles se distinguent, se démarquent et deviennent inutiles. Lui n’est pas dupe face à la vanité de ces séductrices professionnelles si nuisibles. Jolies variations entre le « je » et le « jeu ». Superbe guitare. C’est un peu une leçon de savoir aimer contre un manque de savoir vivre.
3/ Laisse couler. Sans doute ma préférée… La voix se fait soudain rauque. Il sa fait joueur à son tour, mais avec la vie. Truffé d’allitérations esthétiques. Chanson positive, véritable hymne à la vie d’un qui se la coltiner en épicurien. Superbe arrangement, magnifique présence des cuivres.
4/ Cassandre. Les mystères de l’avenir. L’inconnu pour horizon. On essaie tous de se le dessiner, de le prédire, tout en sachant que c’est illusoire. Valérian y stigmatise en même temps ce funeste retour de la haine… Sa conclusion : comment réussir à à faire vivre sa propre petite flamme sur un tas de cendres… J’ai été ému par ses accents « bréliens ».
5/ Au jardin. Très jolie mélopée pleine de sensualité. L’éveil de l’amour. Ode à) la nature et à l’abandon. Très poétique, très imagé ; richesse des rimes… Belle trouvaille que le doublage des voix. Douceur des cuivres qui dérivent langoureusement pour se métamorphoser en fanfare festive. Là, j’y ai trouvé un petit côté Brassens tant dans le ton que dans la mélodie.
6/ Montalbanaise. Chanson plus légère, joyeuse, carrément truculente même. Construite un peu en forme de dialogue. Cet hommage à la province relate, en fanfare, une tranche de vie de deux bras cassés, sortes de Butch Cassidy et le Kid version Sud-ouest. C’est un conte drolatique empreint d’une certaine désinvolture fataliste. Belle chanson de scène.
7/ Berceuse. Ambiance boîte à musique. Sensibilité. Voix sur le fil, fragile, tout près de se briser. Ecriture quasi féminine. C’est d’abord tendre, chaud, lumineux, plein d’espoir avant de basculer dans le drame. Fin brutale qui nous laisse coi.


8/ Tes hanches. Chanson remarquablement écrite, qui va crescendo dans une ambiance qui frise parfois la country music. Pleine elle aussi de sensualité autour du fantasme du mystère de l’Autre, de son jardin secret, cet endroit où l’on ne peut pas pénétrer. Question métaphysique universelle à laquelle a collaboré Charles Aznavour.
9/ Petite vallée. Chanson à haut débit. Valse entraînante. Déclaration d’amour à la France et à ses paysages. Evoque son parcours et son envie d’écrire, de chanter et de partager. Là encore, j’ay ai retrouvé de troublants accents « bréliens ».
10/ T’es belle. Déclaration d’amour à l’être aimé. Intensité. Mots simples et réalistes. Traite en même temps de ce qui est beau mais qui nous reste inaccessible. Constat d’impuissance imprégné de fatalisme.
11/ Le lien. La peur d’aimer, partagée. Supplique. Déclaration d’amour filial. Interrogation et véhémence. Chanson forte, émouvante, qui nous parle et nous concerne tous. Arrangement discrets avec cuivres pudiques

J’ai tout aimé, tout dégusté avec cet appétit que l’on a lorsqu’on découvre un plat nouveau qui nous exalte avec ses saveurs accomplies. A la fois plaisir de la découverte et confort de se retrouver dans un climat qu’on aime, heurté, envoûté, amusé, séduit par les intonations d’une voix modulable et souple comme un instrument. Magnifique album.
Il ne faut surtout pas le « laisser couler », au contraire, il faut qu’on lui permette de naviguer sur toutes les ondes pour qu’il effectue sereinement ce long voyage qui mène au succès et à la popularité.


Gilbert « Critikator » Jouin

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