lundi 7 décembre 2015

Je suis né le jour de mon anniversaire

A la Folie Théâtre
6, rue de la Folie Méricourt
75011 Paris
Tel : 01 43 55 14 80
Métro : Saint-Ambroise

Une pièce de Thierry Mourjan
Mise en scène par Thierry Mourjan et Christine Casile
Musique de Thierry Mourjan
Avec Maud Imbert

Vendredi et samedi à 19 h 30 (jusqu’au 5 mars 2016)

Note d’intention : « Je suis né le jour de mon anniversaire »… ou les interrogations humoristiques et candides d’un fœtus qui hésite à venir au monde.
Il bénéficie d’une position unique – elle ne se représentera plus – pour engager une réflexion sur la liberté, sa liberté de « naître ou ne pas naître… »
Mais dispose-t-il réellement des libertés ? Peut-il se permettre, comme il l’envisage, de ne pas « donner suite » ? Est-il seul en cause dans cette prise de décision ?
Il pressent, à juste titre, qu’il ne peut rester éternellement dans cette bulle qui le protège et son intuition lui laisse supposer que selon l’espèce à laquelle on appartient, son lieu de naissance, etc…, la vie peut prendre des tournures bien différentes.
Fort de son (in)expérience, le fond de sa pensée pourrait se résumer ainsi : « le jeu en vaut-il bien la chandelle ? »

Mon avis : Le décor est tout blanc. La tenue de scène de l’artiste est blanche elle aussi. Cette option n’est pas anodine ; elle fait sens : nous nous trouvons en fait face à la première page blanche et vierge du Grand Livre de la Vie. Après, cette fameuse vie va colorier notre décor et nous-mêmes de différentes teintes plus ou moins gaies, plus ou moins sombres. Mais ça, ce sera après…
Derrière le truisme, au demeurant plaisant, qu’est la phrase-titre, va se dérouler un texte d’à peine plus d’une heure sur les questions que se pose un fœtus (d’où le masculin du « né ») au moment de franchir le pas. En fait, tout est ici histoire de choix… Ce fœtus est un peu comme un mot que l’on a au bord des lèvres (aux sens buccal et obstétrique) et que l’on hésite à sortir. On ignore tout sur ce qui va s’enclencher derrière.


Ce qui est amusant, c’est que nous, dans le public, on sait. On sait que toutes les interrogations, les supputations, les tergiversations qui turlupinent notre fœtus, pour légitimes qu’elles soient, ne sont que tracasseries intellectuelles. Nous, on sait déjà qu’il n’y a aucune alternative. Il va falloir y aller, quoi qu’on craigne, quoi qu’on redoute. Et c’est notre connaissance de notre vécu qui va nous amener à nous intéresser, à nous amuser ou à nous émouvoir des différents soucis existentiels de cet embryon.
Bien que tout cela ne soit que pure fiction, on se plaît à suivre les élucubrations d’un fœtus qui fait l’œuf. Et qui le fait intelligemment, brillamment…

Naître ou le néant… Choisir la vie ou retourner au néant. Si on choisit la vie, ce qui est quand même l’option de loin la plus généralisée, qu’est-ce qu’elle nous réserve ? Qu’est-ce qui nous attend ? Il y na tellement de paramètres à intégrer. On ne peut que penser à la chanson de Maxime Le Forestier : « Etre né quelque part, pour celui qui est né, c’est toujours un hasard… Est-ce que les gens naissent égaux en droits à l’endroit où ils naissent ?... ». Ces questionnements un tantinet métaphysiques sont aussi légitimes que compréhensibles.


Ce monologue fœtal est remarquablement écrit. On ne s’ennuie pas une seconde. Tant grâce à la grande qualité du texte qu’au jeu remarquablement subtil de Maud Imbert. Avec son joli timbre de voix et sa frimousse angélique, elle a une façon à la fois douce, inquiète et malicieuse de nous faire partager sa procrastination. Ce futur bébé est un pinailleur-(presque)né. Il balaie large. Ses nombreux doutes et digressions sont autant d’évidences qui nous donnent à réfléchir… Même s’il n’égrène que des lieux communs, et il ne saurait en être autrement, sa façon de nous les livrer n’est pas commune.
Ce qui est également judicieux dans la structure de ce spectacle, c’est qu’elle se divise en plusieurs chapitres thématiques. Ainsi, ça ne part pas dans tous les sens et c’est très facile à suivre. Dans chacune de ces parenthèses, Maud Imbert nous offre toute une palette de jeu, de sentiments. Epatante de bout en bout, le spectacle qu’elle nous livre est de l’ordre de la performance d’acteur.

Ce débat originel est original. Nombre de fois certaines réflexions ou saillies candides provoquent un petit rire d’approbation (n’oublions pas que nous, on sait, et que nous ressentons une réelle compassion devant tant de naïveté). Et l’on sait aussi que la curiosité sera toujours plus forte que l’appréhension et la peur de l’inconnu. A peine l’enceinte franchie, on va éprouver un grand sentiment de liberté habité par une profonde avidité d’affronter les mystères de ce chemin qui s’ouvre devant nous.
Ici, la fin (de la pièce) est un début. La mise en scène est pertinente. Soudain, le rythme s’accélère, notre fœtus n’a plus le temps de penser, embarqué qu’il est dans un maelstrom incontrôlable… La métamorphose de Maud Imbert est spectaculaire. Elle s’anime. Elle a choisi… Mais l’avait-t-elle vraiment le choix ?


Gilbert « Critikator » Jouin

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