samedi 30 janvier 2016

Je vous écoute

Théâtre Tristan Bernard
64, rue du Rocher
75008 Paris
Tel : 01 45 22 08 40
Métro : Villiers / Saint-Lazare

Une comédie de Bénabar et Héctor Cabello Reyes
Mise en scène par Isabelle Nanty
Décors de Sébastien Nicolini
Costumes de Priscille Schirr-Bonnans
Lumières de Laurent Béal
Avec Pascal Demolon, Zoé Félix, Bénabar, Isabelle Habiague, David Zéboulon

Présentation : D’habitude, son psy, on vient le voir parce qu’on a besoin d’aide. On le paye et il écoute. On évite si possible de le provoquer, de l’insulter, voire de le menacer physiquement. En échange, le psy évite, normalement, de vous traiter de con, de vous humilier ou de menacer d’appeler la police. Ici, ce n’est pas tout à fait ça…
Et d’ailleurs pourquoi ces deux types, un cuisiniste et un psy, vont-ils passer ensemble la plus étrange journée de leur vie ? A cause d’une femme, bien évidemment !...

Mon avis : Tout concourt à rendre cette pièce très agréable à suivre.
J’ai d’abord aimé son écriture, moderne et fine, et ses dialogues, drôles et percutants. Ensuite, j’ai aimé sa construction. C’est une pièce qui va sans cesse crescendo. C’est d’abord un match de boxe à deux. Un qui a envie de cogner et de détruire (Pascal Demolon) et l’autre qui cherche à esquiver pour éviter le chaos. On se retrouve un peu comme dans ces films de Francis Veber ou de Gérard Oury qui mettent aux prises deux individus aux profils psychologiques et comportementaux diamétralement opposés. Bénabar et Pascal Demolon composent un tandem hyper efficace. Les deux personnages sont très fouillés et leur opposition ne peut que faire des étincelles.
Bénabar, psy de son état, est un bourgeois d’apparence plutôt lisse, intellectuel légèrement imbu de son statut, assez réservé, voire timoré. Il est élégant, bien coiffé. Il est culturellement et socialement impossible qu’il puisse avoir une once de sympathie pour ce type qui vient le menacer dans son cabinet… Ce type, c’est Pascal Demolon. Lui, il est cuisiniste. Le mépris qui l’habite à l’encontre des nantis (qui est en fait de la jalousie) se cristallise sur le psy de sa femme, vil représentant de tout ce qu’il exècre. Il n’a pas à se forcer pour se montrer agressif et vindicatif envers lui. La mèche en bataille, le verbe haut, le geste nerveux, il présente tous les symptômes de l’homme en crise. Tout simplement parce qu’il est en souffrance.


Leur affrontement est absolument savoureux. Notre psy, qui met un certain à comprendre ce qui a provoqué l’animosité du cuisiniste, est un tantinet tétanisé. Pas évident de se trouver brutalement confronté à une grenade dégoupillée (au propre comme au figuré)… Puis, petit à petit, le combat de boxe s’équilibre. Les rôles s’inversent parfois. A force de parler, ils se découvrent des affinités, des points communs.

Comme je l’ai stipulé, le déroulé de la pièce va crescendo. Il atteint son pic d’intensité lorsque le duo se mue en trio avec l’arrivée de « La » femme, épouse du cuisiniste et patiente du psy. Une mise en scène très astucieuse nous permet d’être les témoins d’une confrontation que nous attendons tous. Nous vivons là un grand moment de comédie pure. Complètement impliqués dans leur personnage respectif, Bénabar, Pascal Demolon et Zoé Félix s’en donnent à cœur joie.


J’ai été réellement séduit par le jeu subtil, précis et propre de Bénabar. Il est tout à fait crédible dans ce rôle de thérapeute qui a conscience d’être un praticien de seconde zone (il est très loin de jouir de la notoriété de son collègue et rival Schneider, la star médiatisée des psys).
Pascal Demolon est irrésistible de drôlerie. Avec son timbre de voix et son phrasé si particuliers, il peut d’autant plus donner libre cours à son tempérament de feu que Bénabar reste, lui, dans la sobriété. Leur association est une formidable trouvaille.
Quant à Zoé Félix, elle est touchante de fragilité et de féminité. En totale contradiction avec son physique de femme fatale, elle joue le doute et le manque d’assurance à la perfection, ce qui la rend attachante et profondément humaine.

Je vous écoute est une des bonnes surprises de cette rentrée 2016 véritablement très riche. Le texte est bon, les répliques sont souvent cinglantes, la mise en scène est enlevée et inventive, on y rit beaucoup et les comédiens sont vraiment épatants.
Le talent de plume du binôme Bénabar/Hector Cabello Reyes est une évidence. Une belle carrière d’auteurs de comédies s’ouvre devant eux.


Gilbert « Critikator » Jouin

Aucun commentaire: